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Vol de colis à domicile : un paquet de problèmes!

De nombreux commerçants en ligne n'offrent pas le service d’expédition requérant la signature du destinataire à des fins de sécurité. Pour éviter les contrariétés causées par un « vol de perron », c’est au consommateur de sécuriser son colis.

Boîte FedEx laissée sur le pas d'une porte.

Avec la popularité croissante du commerce en ligne, le nombre de vols de colis serait en hausse au Canada.

Photo : Radio-Canada

Steve Pépin est chez lui, en juillet dernier, et il jette un coup d'œil par la fenêtre du salon de temps à autre. Son iPad tout neuf, obtenu grâce à un programme de points de son employeur, doit être livré par FedEx entre 10 h 30 et 14 h 30. Il patiente.

À 13 h 23, ding! Il reçoit la notification de la livraison tant attendue, avec une photo du colis à sa porte. Curieusement, le livreur n’a pas sonné. Steve Pépin ouvre la porte : rien. Aucune trace du colis. Comment a-t-il pu se volatiliser dans la minute suivant la notification?

J’ai tout de suite appelé FedEx. [...] Le dossier était fermé parce qu’il y avait la preuve avec photos à l'appui que mon iPad avait été livré. Donc, ils [les employés de FedEx] me disaient qu'il n'y avait aucune responsabilité de leur part, relate Steve Pépin, qui avait l’impression d’avoir le fardeau de la preuve à porter.

On entend parler des gens qui disent "je me suis fait voler" pour finalement en avoir deux. Je ne voulais pas avoir l'air de ça.

Une citation de Steve Pépin

Ensuite, M. Pépin est allé cogner à la porte de ses voisins. Je n'ai pas de caméra, dit-il. Le voisin d’en face en a une. Le voisin de biais, le troisième voisin, il a des caméras.

Steve Pépin en entrevue à La facture.

Steve Pépin s'est fait voler un colis sur son perron l'été dernier.

Photo : Radio-Canada

En regardant les images de cinq angles différents couvrant l’ensemble de sa rue, il a découvert ce qui a toutes les apparences d’un vol soigneusement planifié.

Un vol planifié?

Les images montrent que quelques minutes avant l’arrivée du camion de livraison, une voiture noire s’est garée à proximité de sa résidence. Un individu en est descendu et il est passé à pied devant sa maison en y jetant un bref regard.

Le camion FedEx est arrivé quelques minutes plus tard et il s’est garé en retrait, alors que normalement, selon M. Pépin, les camions s’arrêtent devant le lieu de la livraison. Le livreur a déposé le colis en passant par le côté et, de retour à son camion, il est reparti à reculons, pour ne pas être vu, croit Steve Pépin.

Notification de livraison reçue par Steve Pépin le 15 juillet 2023 incluait une photo du colis sur son perron.

Steve Pépin a reçu une notification avec photo à 13 h 23 lui indiquant que son colis a été livré à 13 h 15.

Photo : Radio-Canada

Après quelques instants, l’individu est revenu, s’est emparé du colis et a déguerpi. Ce n’est qu’après le départ du voleur que la notification de livraison a été envoyée à Steve Pépin.

Si je n’avais pas eu ces caméras-là, je n’aurais eu aucun moyen de prouver que quelqu'un me l'avait volé.

Une citation de Steve Pépin

FedEx confirme avoir reçu les images envoyées par Steve Pépin et avoir fait enquête sur cet événement, sans toutefois nous en divulguer les conclusions.

Des crimes en hausse

La popularité du commerce en ligne étant relativement récente, peu de recherches ont été réalisées sur le vol de perron. Mais on s’entend généralement pour dire que ce crime est en hausse.

Le vol de colis est un crime d'opportunité. Plus les paquets restent longtemps sur le porche, plus ils risquent d'être volés, estime le criminologue américain Ben Stickle.

En 2019, il a signé une des premières études sur ce type de criminalité. Il a constaté entre autres que les clôtures, les caméras et les gardiens semblent avoir peu d'impact sur les voleurs.

Le vol de colis n'est pas seulement un délit problématique pour les consommateurs en raison du coût et de la frustration qu'il entraîne, mais c'est aussi une préoccupation pour les détaillants, car ce crime est une résultante des pratiques de livraison actuelles, lit-on dans cette étude.

Livraison d'un colis.

Environ 119 millions de colis auraient été volés aux États-Unis en 2022, selon une étude de la firme américaine SafeWise.

Photo : Radio-Canada

Selon un sondage de la firme Angus Reid, justement commandé par FedEx, 28 % des Canadiens sondés ayant fait un achat en ligne en 2023 ont déclaré avoir été victimes d’un vol de colis. Cette proportion était de 20 % en 2021.

Dans le domaine de la livraison, le choix du niveau de sécurité revient à celui qui fait expédier le colis. Et la livraison avec signature coûte plus cher.

Toutefois, FedEx exige (à ses frais) une signature du destinataire lorsque la valeur d’un colis est de 500 $ ou plus. Mais encore faut-il que les expéditeurs divulguent cette règle, ce qu’ils ne font pas toujours. Cela pourrait expliquer pourquoi une signature n’a pas été demandée à Steve Pépin, dont le colis valait pourtant près de 1000 $.

Le commerçant qui lui a expédié le colis a préféré ne pas répondre à nos questions.

Les consommateurs paient la facture

Steve Pépin a été remboursé rapidement par le commerçant. Il a aussitôt commandé un deuxième iPad. Surprise... ce même commerçant n’a pas exigé que le colis lui soit remis en mains propres, signature à l’appui. C'est une étape supplémentaire, mais qui protégerait tout le monde, la compagnie qui livre, l'expéditeur et le client, estime-t-il.

Cela ne surprend pas Jean Carrier, consultant en logistique du commerce électronique au sein de la firme eMission. Quels sont les coûts? Il faut que le livreur vienne jusqu'à la porte. Il faut qu'il sonne. Qu'il attende que quelqu'un vienne lui répondre. S'il n’y a personne, il repart avec le colis et devra refaire une livraison le lendemain. Il y a donc des coûts additionnels, explique-t-il.

L’expéditeur fera donc un calcul basé sur les coûts et les bénéfices. Des iPad, il s'en fait voler combien par année? Puis il va conclure que sur 100 ou 200 iPad envoyés par année, il y en a X qui se font voler. Ça n'en vaut peut-être pas la peine; la signature va coûter plus cher, illustre-t-il.

Jean Carrier est directeur et fondateur de eMission, dont le but est de supporter la gestion du commerce en ligne.

Jean Carrier est expert en logistique du commerce électronique.

Photo : Radio-Canada

Mais les millions de colis volés sur les perrons représentent une perte financière qui se répercute nécessairement sur les prix des produits. Un rapport de l’entreprise américaine SafeWise évalue qu’en 2022, aux États-Unis, 119 millions de colis laissés sur les perrons ont été volés, ce qui représente une valeur estimée de plus de 8 milliards de dollars canadiens, que les marchands doivent absorber.

On a de la difficulté à avoir des statistiques exactes sur ce qui se passe en termes de volumes volés chaque année, mais on sait qu'il y en a. Il y a de la fraude, puis il y a des systèmes organisés pour voler les colis à la porte, assure Jean Carrier, qui a travaillé plusieurs années à Postes Canada.

Pour Steve Pépin, que ce soit n'importe quelle compagnie, s'il y a des vols, il faut qu'ils se reprennent quelque part. Et c'est toujours le consommateur, en bout de ligne, qui paie pour ça.

Que faire de ces images?

Devant l’éloquence des images obtenues auprès de ses voisins, Steve Pépin aurait souhaité que la police fasse enquête. Il a plutôt été déçu. Je me suis fait dire qu’ils n’ont pas le temps d'investiguer pour des petits vols comme ça, que je perdais mon temps, raconte-t-il.

Cela ne surprend pas Michaël Gillet, directeur Enquêtes et renseignement chez Commissionnaires du Québec, une agence spécialisée en sécurité et enquêtes. Faire la preuve de la complicité entre le voleur et le livreur n'est pas une mince tâche, soutient-il.

Michaël Gillet est directeur des enquêtes et renseignement chez Commissionnaires du Québec, un organisme sans but lucratif offrant des services d'enquête et de sécurité.

Selon Michaël Gillet, expert en enquêtes et sécurité, il vaut mieux prévenir les vols de colis plutôt que d'investir dans de longues enquêtes policières.

Photo : Radio-Canada

Au criminel, c'est hors de tout doute raisonnable. Est-ce que la complicité pourrait être au niveau de la répartition? Ou ailleurs dans l’entreprise? Il va suffire pour la défense de laisser planer un doute raisonnable, explique-t-il.

Il faudrait un déploiement pour vérifier plusieurs hypothèses, ce qui serait très demandant en ressources humaines, pour un vol de moindre ampleur.

Une citation de Michaël Gillet, directeur Enquêtes et renseignement chez Commissionnaires du Québec

La police rarement informée

Toutefois, Michaël Gillet estime qu’il est important de rapporter les vols, afin que la police puisse agir en cas de vague de vols dans un secteur donné.

La police n’est généralement pas dans la boucle, confirme Jean Carrier, de la firme eMission. Le premier réflexe que tout le monde a : communiquer avec l'expéditeur, qui, la plupart du temps, va prendre en charge le retour d'une nouvelle boîte.

C'est d'ailleurs ce que conseille de faire l'Office de la protection du consommateur. Selon la loi, c'est au commerçant que doit s'adresser un consommateur qui veut être remboursé lorsqu’il n'a pas reçu un bien commandé en ligne ou par téléphone.

Selon le sondage commandé par FedEx, seulement 7 % des victimes de vols sondées ont déclaré avoir fait un signalement à la police l’an dernier.

À Laval, où réside Steve Pépin, la police a dénombré 374 vols de colis sur son territoire, toujours l’an dernier. Si le taux de signalement était le même, le nombre de vols serait de plus de 5000 en 2023.

Sécuriser son colis

Lorsqu’un consommateur attend un colis de grande valeur et que le commerçant en ligne n’offre pas la livraison avec signature, la meilleure solution consiste à demander à l’entreprise de livraison de retenir le colis en lieu sûr et d’aller le chercher au comptoir le plus proche.

Bien que ce ne soit pas compliqué, cela exige du consommateur qu’il se familiarise avec la procédure du livreur du colis. C'est le consommateur qui doit faire cette démarche auprès du transporteur, conclut Jean Carrier.

Étrangement, cette option n’était pas disponible pour l’envoi du deuxième colis de M. Pépin. Mais un test de réacheminement de colis effectué par La facture a été couronné de succès.

Selon le spécialiste en logistique du commerce électronique, le summum de la livraison sécuritaire est le casier intelligent – de l’expression anglaise smart locker –, c'est-à-dire des casiers de toutes tailles installés à proximité des habitations à la manière des boîtes aux lettres de Postes Canada, dans lesquelles tous les livreurs pourraient déposer les colis.

Les casiers intelligents auraient l’avantage de faire diminuer la circulation de camions dans les quartiers résidentiels, d'éliminer le vol et de réduire les délais de livraison. Cependant, sauf dans les secteurs urbains très densifiés, l’implantation de tels casiers est complexe en termes de financement, d’exploitation et d’emplacement, avise Jean Carrier.

L’aventure de Steve Pépin lui a toutefois apporté quelque chose de bon : Depuis cet épisode, quand on a des colis qui arrivent, si on n'est pas là, les voisins vont prendre le colis, nous laisser une note : "on a votre colis!" Tout le monde s'est senti concerné, parce que tout le monde en reçoit, des livraisons.

Avec la collaboration d’Isabelle Roberge

Le reportage de François Sanche, Isabelle Roberge et Stéphanie Desforges présenté à « La facture »

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