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Une entreprise de Sherbrooke doit verser 32 000 $ à une travailleuse étrangère

La façade de l'entreprise Plastech à Sherbrooke.

L'entreprise Plastech de Sherbrooke ne respectait pas les normes du travail dans le dossier d'une travailleuse mexicaine.

Photo : Radio-Canada / Samuel Montigny

32 000 $ : c’est le montant que doit payer Plastech, du groupe Mi Intégration, à une travailleuse mexicaine qui avait porté plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) parce que cette entreprise ne respectait pas les normes du travail, selon une enquête menée par l'organisme.

Rappelons que les travailleurs mexicains rencontrés par Radio-Canada en décembre dernier déploraient avoir été floués par Plastech, une entreprise spécialisée dans la fabrication de pièces d'automobiles.

Entre autres, ils alléguaient n'avoir jamais reçu le permis de travail promis mais avoir travaillé malgré tout pendant plus d’un an à l’usine de Sherbrooke. Ils déploraient aussi que leurs heures supplémentaires travaillées étaient payées 6 $ de l’heure.

Des documents de la CNESST qui stipulent qu'un montant de 32 000 $ doit être versé à une employée.

La CNESST ordonne à Plastech de payer environ 32 000 $ à une travailleuse mexicaine.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

La CNESST a déposé une première réclamation pour une employée qui avait porté plainte dans le cadre de cette affaire. Elle n’aurait pas reçu plusieurs montants auxquels elle aurait eu droit : 28 574 $ en salaire, 933,90 $ pour des jours fériés et 2393,12 $ en paye de vacances. Puisque Plastech n’a pas payé les sommes réclamées, la CNESST a déposé une poursuite le 22 janvier 2024.

Une formation de 12 mois et non du travail, plaide Plastech

Pour la première fois, l’entreprise a accepté d’accorder une entrevue à Radio-Canada. La directrice des ressources humaines, Marie-Claude Houle, qui dit s’être engagée personnellement dans le recrutement de travailleurs mexicains, affirme avoir agi conformément aux recommandations d’un consultant en immigration. On est confiants d’avoir fait au mieux en fonction des indications qu’on avait reçues à ce moment-là, explique-t-elle.

On a mis le dossier entre les mains de nos avocats. Il y a des points de vue différents sur cette situation qui devront être éclairés.

Une citation de Maire-Claude Houle, directrice des ressources humaines, Plastech

Marie-Claude Houle soutient que les travailleurs n’avaient aucun permis de travail parce qu’ils n’auraient jamais travaillé à l’usine. Ils suivaient plutôt une formation de 12 mois. C’est une formation qui est basée sur du compagnonnage. C’est la formation qui est pratique. Cette formation, assure-t-elle, serait de même durée pour les Mexicains que pour les Québécois. Elle nie avoir promis un permis de travail à cette travailleuse.

Plastech juge donc que puisque les Mexicains avaient un statut de visiteur dans le contexte d’un voyage d’affaires, ils étaient exemptés de l’obtention d’un permis de travail. Ils pouvaient aussi être rémunérés selon les normes en vigueur au Mexique, c’est-à-dire environ 235 $ par semaine, selon les talons de paie consultés par Radio-Canada. [C’était] additionné d’une prime d’éloignement qui fait qu’ils ont reçu l’équivalent de 19 $ de l’heure, précise Mme Houle.

Une dame blonde vêtue d'un veston noir.

La directrice des ressourches humaines chez Plastech, Marie-Claude Houle, avoue « qu'avec l’expérience, on ferait certainement les choses un peu différemment aujourd’hui ».

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Défense mise en doute par une avocate

Consultée par Radio-Canada, l’avocate spécialisée en droit de l’immigration Krishna Gagné affirme qu’il existe bel et bien des exemptions pour des visiteurs commerciaux pour une période maximale de six mois. Ceci permet par exemple à une personne sans permis de travail de venir fournir un service après-vente ou de suivre une formation pour rapporter l’expertise acquise dans son pays. Toutefois, le visiteur ne doit jamais intégrer le marché du travail canadien, c’est-à-dire qu’il ne doit pas effectuer les mêmes tâches qu’un collègue québécois.

Cette exemption, Me Gagné ne croit pas qu’elle soit applicable au cas de Plastech, selon son analyse des propos que nous lui avons rapportés. Ça semble être un cas flagrant où on essaie de faire de façon indirecte ce qu'on ne peut pas faire directement. Une exemption pour une formation de 12 mois lui semble tout à fait inhabituelle. Je ne vois pas cela du tout dans ma carrière.

Une formation de 12 mois, ce n’est pas le type de formation qui a été envisagée lors de la création de cette exemption.

Une citation de Krishna Gagné, avocate spécialisée en droit de l’immigration

Michel Pilon, du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ), a le mandat de représenter la travailleuse dans cette affaire. Il est formel : Ces travailleurs, pendant 12 mois, ont fait du travail comme les travailleurs québécois dans la même usine. Ils ont fait de la production comme tous les autres travailleurs, soutient-il.

Michel Pilon en entrevue à Radio-Canada.

Michel Pilon, directeur général du Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ).

Photo : Radio-Canada / Bertrand Galipeau

La CNESST estime que Plastech n’avait pas d’exemption

Professeur spécialisé en droit du travail à l’Université de Sherbrooke, Finn Makela juge que le dépôt d’une réclamation par la CNESST démontre que cet organisme considère que la travailleuse ne bénéficiait pas d’une exemption et que la Loi sur les normes du travail s’appliquait à elle.

La CNESST a décliné notre demande d’entrevue et il ne nous a pas été possible d’avoir accès aux calculs précis, y compris les heures, qui justifient la réclamation de 32 000 $. Par courriel, elle précise qu’avant d’envoyer une réclamation, la CNESST effectue une démarche d’enquête pour établir si l’employeur applique conformément les normes du travail en matière pécuniaire.

Finn Makela lors d'une entrevue en visioconférence le 1er novembre 2022.

Professeur de droit à l'Université de Sherbrooke, Finn Makela s'intéresse aux questions juridiques touchant le monde du travail.

Photo : Google Meet

Cette réclamation, jugée significative à première vue pour 12 mois de travail par le professeur Finn Makela, pourrait indiquer que la CNESST n’a pas considéré le versement de la prime d’éloignement comme du salaire. En droit du travail, c’est clair que la rémunération, c’est la contrepartie pour le travail effectué. Des indemnités qui visent à rembourser des dépenses encourues par des salariés, ce n’est pas du salaire, explique-t-il.

Plastech assure vouloir maintenant faire les choses différemment.

La directrice des ressources humaines chez Plastech, Marie-Claude Houle, assure qu’il n’y a plus de travailleurs sans permis dans son usine. Avec l’expérience, on ferait certainement les choses un peu différemment aujourd’hui, ajoute-t-elle.

Par ailleurs, cette entreprise aurait récemment reçu les autorisations des gouvernements pour embaucher trois travailleurs étrangers temporaires munis de permis de travail.

Il y a certes une communication qui a manqué dans ce projet-là.

Une citation de Marie-Claude Houle, directrice des ressources humaines, Plastech

L’entreprise compte toutefois se défendre en cour. Son avocat a fait savoir à la partie adverse qu’il y aura contestation. Nos avocats vont discuter avec ceux de la CNESST pour faire la lumière sur les différents points de vue, précise Mme Houle, sans donner plus de détails.

Elle assure toutefois avoir toujours eu un grand souci pour le bien-être des collaborateurs et que ce fut une expérience culturelle et professionnelle très enrichissante.

Les bureaux de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail  à Québec.

D'autres plaintes auraient été déposées à la CNESST pour des situations similaires.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy-Roussel

Appel à un contrôle sévère

Au RATTMAQ, on juge que l’expérience n'a pas été aussi enrichissante pour les travailleurs que cet organisme représente. Il faut que cesse ce type de situation où une compagnie amène des gens du Mexique en les payant en bas du salaire minimum. Ça s’appelle du travail au noir, fustige Michel Pilon.

Il croit que les autorités doivent sévir. S’il n’y a pas de contrôle, ça va devenir du n’importe quoi. Toutes les entreprises vont vouloir faire venir ces travailleurs-là, sans payer d’impôts, croit M. Pilon.

Selon nos informations, d’autres employés ont porté plainte à la CNESST au cours des dernières semaines.

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