Destination culinaire : cap sur l’Afrique de l’Ouest à Ottawa
Dans la région d’Ottawa ou de l’Outaouais, des invités recommandent des restaurants dont le menu fait honneur à leur culture d'origine.
Attiéké, riz, bananes plantains et agneau font partie des mets communs à plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Pour nous faire découvrir les saveurs et les mets typiques de son pays natal, le Togo, Abra Afefa Agboli admet ne pas connaître de restaurant dans la capitale. Qu’à cela ne tienne : aux quelques services de traiteurs qui livrent à domicile s’ajoutent quelques restaurants bien représentatifs de la culture culinaire de l'Afrique de l’Ouest, comme le Pili Pili à Ottawa.
Le Burkina et le Togo sont des pays limitrophes, avec les mêmes plats, surtout dans le nord
, explique Abra Afefa Agboli pour éclairer le choix de ce restaurant. Mais c’est aussi pour la cause de la francophonie et celle de nos diplômés
que son choix s’est porté sur le Pili Pili, ajoute cette employée de La Cité, fière de soutenir un ancien du collège franco-ontarien.
Issue d’une fratrie de 14 enfants, Abra Afefa Agboli vit au Canada depuis plus d'une quinzaine d'années.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Je suis arrivé au Canada il y a une trentaine d'années
, raconte pour sa part Désiré Kaboré, propriétaire de ce restaurant célèbre pour ses grillades que l’on vient déguster sur la rue Dalhousie.
J’ai ouvert ce restaurant, parce que je suis immigrant
, déclare cet ancien employé de la fonction publique reconverti dans la restauration. Lorsqu'il ouvre son premier établissement en 2011, sur la route de Montréal, c’est d’abord par nostalgie pour les plats de son pays d’origine, le Burkina Faso.
Chez nous, les hommes ne font pas à manger. Pourtant, c’est comme si ma grand-mère savait que je voyagerais un jour et que je cuisinerais ce qu'elle m’a appris.
Originaire du Burkina Faso, c’est par nostalgie culinaire que Désiré Kaboré a ouvert en 2011, d’abord sur la route de Montréal, le restaurant Pili Pili.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Le secret d'une bonne grillade? C'est un partenariat avec le jardinier
, fait-il valoir, car il faut choisir le bon moment pour cueillir les herbes : ni trop tôt ni trop tard.
La viande est marinée pendant 24 heures dans un mélange de 14 épices, dont le romarin, du piment fort et la base : la moutarde africaine
, la seule à être importée. Le reste, on peut le trouver ici
, poursuit le restaurateur, précisant collaborer avec des producteurs locaux comme La Ferme des saveurs tropicales.
Le Pili Pili sert des viandes marinées durant 24 heures dans un mélange de 14 épices, puis grillées au charbon de bois. On peut y déguster notamment du poulet, du bœuf, de l'agneau et de la chèvre.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
La maîtrise de la combinaison des légumes, des épices et des herbes, tout comme celle de la cuisson au charbon de bois, lui permettent de proposer un goût unique, assure-t-il.
La cuisine, « une question d'éducation »
Née au Togo, Abra Afefa Agboli vit au Canada depuis plus d'une quinzaine d'années.
Chez nous, Abra [désigne] les filles nées les mardis. Et Afefa veut dire “la maison est en paix”
, explique-t-elle.
Mon aîné est né en Afrique, au Togo, avant que je n'arrive ici. Et ma toute dernière est née ici
, explique Abra, qui dit trouver tellement beau de voir que le métissage de cultures prend différentes dynamiques à la maison
. Si son fils va raffoler
des mets togolais et en redemander, sa fille peut parfois opposer un encore un plat togolais, maman!
lassée.
Souvent, on dit chez nous : “Si tu veux cuisiner togolais, il faut que tu mettes de côté au moins une journée de cuisine”
, relève Abra. Comme les viandes prennent du temps à mariner et à mijoter, c’est surtout les fins de semaine qu’elle choisit de cuisiner des plats de son pays d’origine.
C'est vraiment une question d'éducation, la cuisine chez nous. [Ça commence] très tôt.
Au Pili Pili, Abra nous recommande quelques plats typiques de la culture culinaire ouest-africaine.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Issue d'une fratrie de 14 enfants, Abra se souvient de quelle façon elle et ses sœurs étaient quotidiennement impliquées dans la préparation des repas. Installées dans la cour de la maison, toutes s’affairaient à une tâche particulière, coupant les oignons ou écrasant les épices, tout en regardant leur maman cuisiner.
Parfois, c’est moi qui devais écraser les épices, parce qu’il n’y avait pas de [mélangeur] Moulinex. On les écrase sur des pierres
, explique-t-elle. La journée où l’on te dit que c'est à toi d'écraser les épices, sache que c'est toi qui es punie
, ajoute-t-elle en riant.
Les enfants d’Abra ne cuisinent pas, mais aiguisent progressivement leurs connaissances en la matière. L’aîné d’Abra s’amuse à reconnaître à l’odeur les épices employées, devinant dans une recette la présence de gingembre, d’anis ou de clou de girofle, tandis que sa fille trouve des références plus familières pour désigner un plat togolais.
L’igname, un légume racine, une fois découpé et frit, répond ainsi au nom de frites africaines
.
Plat typique d’Afrique de l’Ouest, l’attiéké est préparé à base de manioc râpé.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Idem pour l’attiéké, un plat à base de manioc très ouest-africain
, mais rebaptisé par sa fille couscous africain
. Si la texture de l’attiéké ressemble à des graines, il s’agit en réalité de manioc râpé, essoré et séché, généralement servi avec des tomates, des poivrons et des piments.
Saveurs africaines
Les bananes plantains accompagnent les viandes et autres plats servis.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
Au Pili Pili, nous goûterons à un aliment qui pourrait faire penser à des frites de patates douces : les bananes plantains, un aliment qui est très présent aussi dans la culture culinaire de l'Afrique de l'Ouest
, souligne Abra.
Les comparant à des bananes sauvages
, notre hôtesse rappelle que ce mets accompagne les viandes et autres plats servis et qu'il n’est pas proposé, comme on pourrait le penser, en dessert.
Il n’y a d’ailleurs pas de dessert dans les habitudes culinaires de cette partie de l'Afrique subsaharienne. Pour conclure le repas sur une note sucrée, on opte plutôt pour une boisson chaude ou un jus.
Au centre de la table, du jus de bissap, apprécié pour ses vertus digestives.
Photo : Radio-Canada / Aïda Semlali
On trouve essentiellement deux jus dans l'imaginaire culturel ou culinaire du Togo et de l'Afrique de l'Ouest : le bissap et le jus de gingembre
, énumère Abra.
À base d'oseille et de citronnelle, le jus de bissap favorise la digestion et la circulation sanguine.
Connu pour ses vertus aphrodisiaques, le jus de gingembre est quant à lui souvent servi aux hommes après les repas
.
De quoi adoucir des plats souvent riches en viandes et en sauces. Contrairement aux pays du Sahel, qui vont plutôt manger sec, on mange très gras, on mange très sauce chez nous
, précise Abra. Autant le foufou [plat à base d'igname pilée] doit absolument être accompagné d'une sauce gluante, autant le riz doit être accompagné d'une sauce riche en tomate et huile
, poursuit-elle.
Et si plusieurs pays partagent un patrimoine culinaire commun, de la Côte d’Ivoire au Nigéria, en passant par le Togo, le Ghana et le Burkina Faso, tout le monde revendique [avoir] le meilleur riz
, s’amuse Abra.
Les Ivoiriens sont les meilleurs en termes d’attiéké
, concède-t-elle, mais pas pour le riz
. Parce que je suis Togolaise, je peux dire que c'est le Togo, ou la femme togolaise, qui fait le meilleur riz
, conclut-elle en riant.
Avec les informations de Camille Bourdeau