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Retour du visa pour les visiteurs mexicains au Canada

Le gouvernement Trudeau fait marche arrière, un peu plus de sept ans après avoir permis la libre circulation des Mexicains au Canada. Mais de nombreuses exceptions vont être instaurées, notamment pour les travailleurs agricoles, a appris Radio-Canada.

Des passagers à l'aéroport Benito Juarez à Mexico, au Mexique.

Une bonne partie des ressortissants mexicains devront désormais obtenir un visa avant de pouvoir embarquer dans un avion vers le Canada. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / CARLOS JASSO

Record de demandeurs d’asile, présence de membres de réseaux criminels au Canada, multiplication de faux documents de voyage : après avoir longuement tergiversé sur la marche à suivre, le gouvernement de Justin Trudeau, qui avait levé cette exigence en décembre 2016, réimposera un visa pour une bonne partie des Mexicains qui désirent venir au Canada.

Radio-Canada a appris qu’Ottawa a l’intention d’en faire l’annonce jeudi. Cette mesure entrera en vigueur dans les heures suivantes, dès 23 h 30, selon le plan du gouvernement. En procédant ainsi, Ottawa veut s’assurer d’éviter une cohue de dernière minute dans les aéroports.

Selon nos informations, tous les Mexicains ne seront cependant pas concernés par le retour de ce visa.

Afin de préserver de bonnes relations avec le gouvernement mexicain, à l’approche notamment d’une élection présidentielle au printemps, l'équipe de Justin Trudeau a privilégié une approche plus ciblée, en visant principalement ceux qui n’ont jamais mis les pieds au Canada.

Selon des estimations gouvernementales, le retour de ce visa devrait concerner environ 40 % des voyageurs mexicains se rendant annuellement au Canada. Ce qui devrait tout de même toucher l'immense majorité des demandeurs d’asile mexicains, arrivant actuellement chaque semaine par centaines, principalement dans les aéroports de Montréal et de Toronto.

Étudiants et travailleurs agricoles exemptés

Plusieurs catégories de ressortissants mexicains seront néanmoins exemptées.

Ceux ayant déjà obtenu un visa au Canada dans les dix dernières années, que ce soit à titre professionnel ou personnel, ou qui ont eu dans la même période un certain type de visa aux États-Unis, seront exemptés de cette mesure.

Les Mexicains venant pour étudier ou travailler au Canada, dont les travailleurs agricoles, n’auront pas besoin de passer, eux non plus, par cette contraignante démarche administrative.

Ils devront néanmoins obtenir une Autorisation de voyage électronique (AVE), comme c’est le cas depuis la fin de l’année 2016.

Ottawa va par ailleurs annuler toutes les AVE, octroyées par le ministère de l’Immigration, pour les Mexicains qui ne seront pas sur le sol canadien à l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles. Ces personnes devront alors faire une demande de visa.

Afin de conserver de bonnes relations avec Mexico, Ottawa a accepté d'élargir les secteurs dans lesquels les travailleurs mexicains étrangers peuvent œuvrer au pays. Selon nos informations, le secteur maraîcher et celui de la transformation des produits de la pêche sont visés par le gouvernement Trudeau.

Les Mexicains touchés par l’imposition d’un visa :

  • Ceux qui ne sont jamais venus au Canada ou aux États-Unis depuis 10 ans

  • Ceux arrivés au Canada avec une AVE depuis 2016

Les Mexicains exemptés :

  • Les travailleurs temporaires qui auront un permis pour venir au Canada, dont les travailleurs agricoles 

  • Les étudiants mexicains 

  • Les Mexicains ayant eu un visa canadien en 2014, 2015 ou 2016 ou certains visas américains dans les dix dernières années

D’après des estimations gouvernementales, les délais pour l’obtention de ce visa seront de quatre à six semaines. Les processus de vérification d’identité seront renforcés et les passagers devront fournir leurs données biométriques.

Ce visa sera par la suite valide pour une période de dix ans et permettra des entrées multiples au Canada pour des séjours d’une durée maximale de six mois. Les douaniers, comme c’est le cas concernant toutes les entrées au pays, disposent néanmoins d’un pouvoir discrétionnaire pour revoir ces durées.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau et le président mexicain Enrique Pena Nieto se serrent la main.

En 2016, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé à l'ancien président Enrique Pena Nieto la suppression des visas pour les ressortissants mexicains voulant venir au Canada. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Carlos Jasso

Une promesse électorale de Trudeau

La levée de ce visa pour les Mexicains était pourtant une promesse de campagne que le chef libéral avait faite avant sa première élection en 2015. À la fin de l’année suivante, Justin Trudeau avait tenu parole, malgré la réticence de nombreux fonctionnaires qui évoquaient des risques déjà mis de l’avant par Stephen Harper en 2009, lorsque ce dernier avait imposé cette mesure aux Mexicains.

À l’époque, pour justifier sa décision, le gouvernement conservateur avait dénoncé le nombre élevé de demandeurs d’asile mexicains, qui frôlait la barre des 10 000 par année, mais surtout le pourcentage très élevé de dossiers rejetés.

On était pris dans un chaos, s'est rappelé l’ancien conseiller de Stephen Harper, Dimitri Soudas, au cours d’une entrevue accordée à Enquête l’automne passé.

Un pourcentage assez important de ces demandeurs d'asile, et même peut-être certains qui ont été approuvés, faisaient partie du crime organisé, soulignait-il, en parlant des alertes des services du renseignement canadien.

Remettre ce visa [en 2009] a envoyé un message à ceux qui tiraient profit de cette passoire. Il fallait montrer que celle-ci n'existait plus. Et ça a permis de diminuer de façon radicale les demandes d'asile, reprenait Dimitri Soudas.

Des gens lèvent la main.

Les autorités américaines ont arrêté des milliers de migrants ayant traversé la frontière entre le Canada et les États-Unis au cours des derniers mois.

Photo : Facebook / USCBP

Des milliers de faux documents mexicains

Misant plutôt sur les avantages économiques et une hausse du tourisme entre le Mexique et le Canada, le gouvernement libéral avait supprimé ce visa en 2016. Terminada, finita, kaput! avait lancé Stéphane Dion, alors ministre des Affaires étrangères, dans une envolée verbale mémorable.

Pourtant, comme l’a révélé Enquête l’automne passé, cette décision a eu de multiples conséquences à la frontière.

Des responsables et des membres de cartels mexicains, ainsi que d’autres organisations criminelles, ont pu entrer au Canada sous de fausses identités et avec de faux documents de voyage mexicains.

Selon des données obtenues par Enquête, près de 15 000 documents de voyage frauduleux, liés à des ressortissants mexicains, ont été détectés par les services frontaliers canadiens entre 2016 et 2023.

Le nombre de demandeurs d’asile a également explosé. L’an dernier, environ 24 000 Mexicains sont arrivés dans les aéroports canadiens pour faire une telle démarche. Un record.

Si on oublie la période pandémique, ce chiffre est en constante hausse depuis plusieurs années.

Or, en moyenne, moins du tiers d’entre eux sont ensuite acceptés comme réfugiés, de l’aveu même du ministre de l’Immigration, Marc Miller, en décembre.

De nombreux Mexicains, voire des personnes d’autres nationalités voyageant avec un passeport mexicain, profitent également depuis des mois de l’exemption de visa pour arriver comme touristes à Montréal dans le but de filer clandestinement aux États-Unis avec l’aide de réseaux de passeurs bien implantés à la frontière entre le Québec et l’État de New York.

«Voyage de Montréal à New York», «service de transport rapide, efficace et sécuritaire», les offres des passeurs sur les réseaux sont nombreuses.

«Voyage de Montréal à New York», «service de transport rapide, efficace et sécuritaire» : les offres des passeurs sur les réseaux sont nombreuses.

Photo : Radio-Canada / Mathieu Blanchette

D’après nos informations, corroborées par des échanges avec des passeurs, ces groupes criminels exigent environ 5000 $ pour passer la frontière.

Les agents américains ont d’ailleurs arrêté un nombre record de migrants l’an passé. Et les chiffres ne font qu’augmenter.

Entre octobre 2023 et février, les agents américains du secteur Swanton, qui couvre principalement la frontière bordant les États de New York et du Vermont, ont appréhendé 3100 personnes, principalement des Mexicains et des Vénézuéliens. En seulement cinq mois, ce nombre représente plus que celui des personnes arrêtées durant les années 2022, 2021, 2020 et 2019 combinées, a récemment mentionné le chef du bureau de Swanton, Robert Garcia sur les réseaux sociaux.

Ces derniers mois, les policiers américains ont également arrêté plusieurs passeurs possédant des armes à feu en train de récupérer des migrants, en voiture, devant la frontière avec le Québec.

Pression des États-Unis et de Québec

Cette hausse des passages clandestins depuis le Canada a ajouté de la pression sur les épaules du gouvernement Trudeau.

L’administration américaine, en coulisses, a poussé pour la réimposition d'un visa destiné aux Mexicains, comme c’est le cas aux États-Unis, afin de diminuer le flux de traversées illégales à leur frontière nord.

Ottawa a de son côté hésité, refusant initialement de revoir sa position.

D'après nos informations, les avis étaient partagés au sein du Conseil des ministres, mais les clameurs répétées du gouvernement de François Legault, qui souhaite des décisions immédiates pour réduire le flux de demandeurs d’asile au Québec, ont contribué à faire pencher la balance.

De son côté, le Mexique aurait préféré que l'annonce soit faite plus tard en raison des élections fédérales qui ont lieu ce printemps.

Avec la collaboration de Louis Blouin

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