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AnalyseDes déficits plus élevés à Québec : pourquoi avoir baissé les impôts?

L'Assemblée nationale du Québec sous un ciel gris.

Avant même de connaître l’ampleur des coûts supplémentaires associés à la négociation avec les travailleurs du secteur public, le gouvernement du Québec savait que son niveau de dépenses atteignait des sommets et que la croissance de ses revenus allait ralentir. (Photo d'archives)

Photo : CBC/Radio-Canada

« On se retrouve avec un budget qui est largement déficitaire », disait François Legault dimanche, affirmant que les hausses de salaire consenties dans le secteur public allaient contribuer, en partie, à ces déficits plus importants qu’attendu. Le retour à l’équilibre en 2027-2028 serait même compromis. Mais, avec un déficit plus lourd, le premier ministre ne devrait-il pas remettre en question également son choix de baisser les impôts cette année?

La réduction d’impôt de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2023 s’applique sur les deux premiers taux d’imposition : le taux de la première tranche est passé de 15 % à 14 %, ce qui couvre les premiers 49 275 $, et le taux de la deuxième tranche est passé de 20 % à 19 % sur les revenus de 49 275 $ à 98 540 $. Cette décision prive le gouvernement du Québec de 1,7 milliard de dollars par année.

Le ministre Eric Girard a beau expliquer que cette baisse d’impôt est financée par une réduction des versements au Fonds des générations, il n’en reste pas moins qu’il s’agit ici d’un choix politique. Le choix de revoir les versements au Fonds des générations aurait pu bénéficier à des investissements supplémentaires dans les services publics.

Et cet argent aurait pu aussi permettre au gouvernement du Québec de maintenir un niveau de revenus plus élevés dans un contexte budgétaire de plus en plus périlleux : les dépenses de l’État n’ont jamais été aussi élevées; la croissance des revenus ralentit, alors que l’économie stagne; et les déficits seront plus importants qu’attendu.

Des dépenses records en plusieurs décennies

Avant même de connaître l’ampleur des coûts supplémentaires associés à la négociation avec les travailleurs du secteur public, le gouvernement du Québec savait que son niveau de dépenses atteignait des sommets et que la croissance de ses revenus allait ralentir. Selon l’Association des économistes québécois (ASDEQ), le gouvernement Legault doit donc redresser la barre et présenter, dans son budget de mars, un plan pour revenir rapidement au déficit zéro.

Dans un avis prébudgétaire déposé dans les derniers jours, le Comité des politiques publiques de l’ASDEQ affirme que le Québec doit se doter d’un plan crédible pour que la reprise économique soit l’occasion de renouer rapidement avec l’équilibre budgétaire qui prévalait avant la pandémie.

C’est une question d'équité intergénérationnelle, indique le Comité. En 2022-2023, en excluant l’année pandémique, le niveau de dépenses du gouvernement en pourcentage du PIB n’a jamais été aussi élevé. Et, avec les ententes salariales dans le secteur public, ce niveau sera encore plus important dans les prochaines années.

Les dépenses de portefeuilles, qui représentaient 19,4 % du PIB au début du siècle, atteignent maintenant 25,2 %. Avant la pandémie, les dépenses du Québec par habitant étaient 6 % plus élevées que la moyenne canadienne. Aujourd’hui, c’est 14,5 %.

Au même moment, la croissance des revenus consolidés faiblit. La hausse moyenne sur cinq ans, de 2018 à 2022, a été de 6,1 %, alors que la croissance moyenne prévue pour les cinq prochaines années, de 2023 à 2027, est de 2,9 %; du jamais vu en 30 ans.

Récession technique

Le Québec est en récession technique, écrit l’ASDEQ, avec deux trimestres de croissance négative. Par ailleurs, les prévisions de Desjardins et de la Banque Nationale montrent qu’il n’y a plus de croissance économique au Québec pour 2023 et 2024.

Cette croissance économique plus faible va se traduire directement par une croissance plus lente des revenus autonomes du gouvernement du Québec. De plus, la baisse des paiements de péréquation en 2024-2025, attribuable en partie à la bonne croissance économique du Québec dans les années antérieures, va ralentir la croissance des revenus de transferts fédéraux.

Les économistes du Comité de politiques publiques de l’ASDEQ sont d’avis que l’État est à l’heure des choix : il faut laisser tomber les activités moins prioritaires, amorcer une révision sérieuse des programmes, planifier à plus long terme, se doter d’un directeur parlementaire du budget (comme à Ottawa et en Ontario) et faire appel à l’écofiscalité pour atteindre nos objectifs climatiques. Un virage majeur doit se faire.

Le Québec a le droit de dépenser plus que les autres provinces si ses citoyens le veulent et qu’ils sont prêts à supporter le fardeau fiscal nécessaire, est-il écrit dans l’avis, mais le rythme de croissance des dépenses de 7,4 % observé entre 2017-2018 et 2022-2023 n’est pas soutenable.

Entretenir avant de construire de nouvelles infrastructures

Le comité attire aussi l’attention sur les infrastructures et rejoint une analyse récente du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) sur le déficit d’entretien majeur des infrastructures au Québec. Malgré les hausses importantes de budgets au Plan québécois d’infrastructures, le déficit de maintien d’actifs des infrastructures provinciales a doublé dans les six dernières années et la situation des infrastructures municipales est tout aussi préoccupante.

Le comité affirme qu’il faut rénover et entretenir ces actifs avant de songer à en construire de nouvelles. Il faudra aussi rendre nos infrastructures plus résilientes pour s'adapter au changement climatique [...]. Les travaux de maintien et de réparation des infrastructures existantes devraient avoir priorité sur la construction de nouvelles infrastructures.

Le gouvernement Legault a pris le pouvoir en 2018 avec des surplus budgétaires, un héritage des années Leitao-Coiteux marquées par des compressions et une accélération de la croissance de l’économie. Aujourd’hui, près de six ans plus tard, force est de constater que la situation budgétaire du Québec se détériore.

Les prochaines années seront difficiles, avec le vieillissement de la population et la croissance des besoins en matière de santé. Et s’il est vrai que les nouvelles conventions collectives du secteur public coûteront plus cher à l’État, le gouvernement Legault doit aussi s’interroger sur la pertinence d’avoir baissé les impôts et sur son obstination à ne pas faire appel à l’écofiscalité à un moment où les pressions se multiplient en raison du défi climatique. N’est-il pas temps de remettre les cartes sur table à Québec sur les choix budgétaires?

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