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Demandeurs d’asile : la facture a gonflé, Québec réclame maintenant 1 G$ à Ottawa

« On s'approche d'une crise, qui pourrait devenir une crise humanitaire », prévient le ministre Roberge.

Une famille trimballant une valise dans un stationnement enneigé.

Québec a dépensé plus d'un milliard de dollars en 2021, 2022 et 2023 pour l'accueil des demandeurs d'asile. Ottawa n'a jusqu'ici remboursé que 15 % de cette somme. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Olga Ryazanseva

L'accueil des demandeurs d'asile au Québec a coûté plus d'un milliard de dollars à la province depuis 2021, a fait savoir mardi matin le gouvernement Legault, qui somme le fédéral de lui rembourser ce montant.

Cette mise à jour a été dévoilée en conférence de presse par les ministres Christine Fréchette (Immigration, Francisation et Intégration), Jean-François Roberge (Langue française et Relations canadiennes), Bernard Drainville (Éducation) et Chantal Rouleau (Solidarité sociale et Action communautaire).

Québec évaluait jusqu'à tout récemment les dépenses liées à l'accueil des demandeurs d'asile à 470 millions de dollars pour les années 2021 et 2022. Toutefois, cette estimation a plus que doublé en prenant en compte l'année 2023, qui a coûté 576,9 millions.

Le reportage d'Alexandre Duval

Le nombre de ceux qui viennent au Québec est trop important pour notre capacité à livrer les services requis [et] pour l'instant, je ne sens pas une urgence du côté fédéral à régler la situation, a déploré Christine Fréchette, mardi.

On a eu de l'ouverture, on a eu de l'écoute, mais on n'a pas eu les gestes concrets qui font la différence; c'est pour ça qu'on est là ce matin, a précisé Jean-François Roberge. Il faut que les gens prennent conscience de l'ampleur de la situation.

On s'approche d'une crise, qui pourrait devenir une crise humanitaire si on n'était plus capable de donner des services.

Une citation de Jean-François Roberge, ministre responsable de la Langue française, des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne

Les dépenses engagées par Québec en lien avec les demandeurs d'asile comprennent un accès rapide aux programmes d'assistance sociale; l'hébergement temporaire; l'aide juridique; ainsi que la prestation de services de santé et d'éducation.

Je vais essayer de rencontrer M. Trudeau prochainement; ça ne peut plus continuer comme ça, a déclaré le premier ministre François Legault au sujet de son homologue fédéral en se rendant au Salon bleu de l'Assemblée nationale pour la période des questions, mardi.

Le principal intéressé, de son côté, a reconnu, lors d'un point de presse en Colombie-Britannique, à quel point les Québécois [avaient] été là pour accueillir des demandeurs d'asile de façon généreuse et extraordinaire et a promis de continuer de travailler main dans la main avec Québec dans ce dossier.

Une menace pour l'identité québécoise?

Jusqu'ici, les discussions de nature financière entre Québec et Ottawa n'ont débouché sur aucune entente. Tout au plus le fédéral a-t-il consenti 150 millions de dollars au Québec, dont 100 millions, il y a trois semaines.

Il est important toutefois de rappeler que le remboursement des sommes dues ne réglera pas le problème à sa source, a précisé la ministre Fréchette, mardi. À la base, c'est le trop grand nombre de demandeurs d'asile qui viennent au Québec qui est l'enjeu.

Aussi Québec demande-t-il au fédéral de rétablir plus équitablement les demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire, de [resserrer] la politique canadienne d'octroi des visas et de fermer toute brèche qui permettrait à des groupes criminels de s'infiltrer au Canada.

Selon le ministre Roberge, l'arrivée massive de demandeurs d'asile pourrait, si la tendance se maintient, représenter une menace pour l'identité québécoise. Ça pourrait arriver, a-t-il concédé mardi, si on accueille plus de personnes qu'on est capables de loger, de franciser et d'intégrer à la société québécoise.

C'est certain que ça nuit à l'avenir du français, a ajouté le premier ministre Legault, à sa sortie de la période des questions.

La scolarisation des jeunes migrants en péril

À eux seuls, les demandeurs d'asile représentent maintenant 29 % de tous les bénéficiaires de l'aide sociale. Leurs prestations sont passées de 163 millions de dollars en 2022 à environ 370 millions l'an dernier, une hausse de 127 %.

Le réseau de l'éducation a ouvert pour sa part 1237 classes d'accueil, soit l'équivalent de 52 écoles primaires. On a atteint un point où on ne peut pas écarter la possibilité qu'éventuellement, on ne sera plus en mesure de scolariser les jeunes demandeurs d'asile qui nous arrivent, a laissé tomber Bernard Drainville, mardi.

L'État a l'obligation de scolariser ces enfants-là, a convenu le ministre, mais la capacité du réseau, elle, n'est pas infinie.

Il n'y a plus de classes, il n'y a plus d'espace, il n'y a plus de locaux, il n'y a plus de profs [sic], a-t-il fait valoir, expliquant qu'à court terme, l'afflux continu d'un grand nombre de demandeurs d'asile obligera Québec à étirer dans le temps la période pendant laquelle leurs enfants devront attendre d'avoir une place à l'école.

Ils en sont rendus, au Centre de services scolaire de Montréal, à envisager de déplafonner les ratios dans les classes, a souligné le ministre, qui sort à peine d'une négociation difficile avec les syndiqués du secteur public au cours de laquelle la pénurie de main-d'œuvre a été au cœur des échanges.

Plus de 55 % des demandes d'asile pour 22 % de la population

Au 31 décembre dernier, le Québec comptait sur son territoire 160 651 demandeurs d'asile, soit 55,6 % du total canadien. La province ne représente pourtant que 22,1 % de la population du pays.

Réclamée par Québec depuis plusieurs années, la fermeture du chemin Roxham, l'hiver dernier, n'a pas eu l'effet escompté, les migrants passant maintenant par les aéroports internationaux pour entrer au pays de manière irrégulière. Résultat : 144 000 demandes d'asile ont été déposées au Canada en 2003, un record.

Franciser adéquatement l'ensemble des immigrants temporaires du Québec coûterait de 11 à 13 milliards de dollars, a estimé la semaine dernière le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil.

Le rapport de ce dernier a d'ailleurs donné des munitions à Québec, qui a demandé à Ottawa d'instaurer à Montréal-Trudeau un système de répartition volontaire semblable à celui qui prévalait l'hiver dernier au bout du chemin Roxham, où des autocars gratuits à destination d'autres provinces avaient été mis à la disposition des migrants.

La CAQ exagère en parlant de crise humanitaire, selon les libéraux

Appelé à réagir en point de presse, mardi, le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, a estimé que l’utilisation du terme crise humanitaire par le gouvernement Legault pour parler de l’accueil de demandeurs d’asile était exagérée.

La CAQ sort avec des mots qui sont lourds, a-t-il souligné. La crise humanitaire, on voit ça à la télévision, là, dans d'autres pays, puis la CAQ est en train de dire que sous leur gouverne, c'est ce qu'on voit au Québec? Voyons donc!

Québec solidaire (QS), pour sa part, a réitéré que le gouvernement avait le pouvoir d'agir pour augmenter la capacité d'accueil du Québec, notamment en délivrant des autorisations rapides de travail aux demandeurs d'asile pour faire en sorte qu'ils ne dépendent plus de l'aide sociale.

Pour le Parti québécois (PQ), enfin, la sortie des ministres Fréchette, Roberge, Drainville et Rouleau aura une fois de plus démontré les limites de la doctrine caquiste, selon laquelle un mandat fort permettrait aux troupes de François Legault d'avoir un meilleur rapport de force avec Ottawa.

Une motion péquiste réclamant le rapatriement au Québec de tous les pouvoirs en matière d'immigration a par ailleurs été rejetée, mardi après-midi au Salon bleu, le PLQ s'étant opposé à son adoption.

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