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Les microécoles, un succès croissant pour l’avenir de l’éducation?

Environ un million d'élèves américains sont inscrits dans des microécoles, un format d’école communautaire en petits groupes et dont le cadre est plutôt éloigné des contraintes du système éducatif public.

Des élèves dans une microécole au New Hampshire.

On compte environ 100 000 microécoles aux États-Unis.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

En ce beau matin ensoleillé, une petite poignée d’élèves se rassemblent dans la cuisine de Katie Rose, qui a ouvert sa première microécole à Goffstown, à l’ouest de Manchester, au New Hampshire. Avec ses deux assistantes, elle passe en revue les réponses des plus âgés lors du cours de mathématiques et aide les plus jeunes, de leur côté, à trouver les superhéros auxquels ils veulent s’identifier.

J'ai entamé ce processus parce que j'avais besoin d'une solution différente pour la scolarisation de mes propres enfants, explique-t-elle. Son fils aîné est autiste et avait besoin d’un programme d’éducation adapté. Sa fille, née avec une malformation cardiaque, avait quant à elle des besoins supplémentaires en matière d’activité physique.

Depuis, elle a fondé deux autres microécoles qui accueillent entre 30 et 40 élèves, de la maternelle cinq ans jusqu’à la fin du secondaire. Elle n’a pas de qualification en éducation; elle est en fait infirmière de formation.

Ceci dit, je suis mère de quatre enfants, et je me suis donc toujours investie dans leur éducation. Je pourrais passer un test et dire que je suis enseignante. Je suis sûre de pouvoir réussir ce test, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire. J'ai l'impression que les parents n'ont pas besoin de passer un examen pour être parents et qu'ils peuvent toujours éduquer leurs enfants, n'est-ce pas?

Parmi les élèves qui adorent leur microécole, il y a Talia Sico, 13 ans. C'est amusant, il y a moins d'enfants, donc il y a plus de professeurs qui peuvent nous aider quand nous avons besoin d'aide. Et c'est, en gros, tout ce qu'on fait à l'école publique, mais avec plus de souplesse , dit-elle.

Cela fait plusieurs années que Talia Sico est élève dans une microécole du New Hampshire.

Cela fait plusieurs années que Talia Sico est inscrite dans une microécole du New Hampshire.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Aujourd’hui, elle doit passer ce qu’on appelle un diagnostic, une sorte de test de connaissances, parce qu’ici, comme dans toutes les microécoles, il n’y a pas d'obligation de suivre un programme d’éducation encadré par l’État, par exemple.

Mes élèves font trois tests différents au cours de l'année pour montrer qu'ils progressent dans leur apprentissage. Nous fixons des objectifs pédagogiques, et cela dépend de l'enfant.

Une citation de Katy Rose, fondatrice de trois microécoles

Programmes plus souples

Comme c'est le cas dans plusieurs microécoles, Katie Rose suit un programme proposé par certaines entreprises comme Kai Pods ou encore Prenda, une entreprise basée en Arizona et fondée par Kelly Smith.

Ce père de famille a commencé à faire l’école à la maison il y a cinq ans pour son fils et les enfants de six de ses amis. Ce projet a été entamé après qu'il eut constaté un certain échec de l’école traditionnelle, selon lui.

De nombreuses exigences en matière d'éducation aux États-Unis et dans d'autres pays reposent sur l'hypothèse selon laquelle l'éducation est une chose qui se fait lorsque les enfants restent assis sur une chaise et qu'un adulte leur parle pendant un certain temps. Ils passent la majeure partie de leur journée à s'ennuyer et à se désinvestir, estime-t-il.

Il pense que le sentiment général d'être le produit d'une chaîne de montage n'est pas agréable pour un être humain. Depuis la fondation de Prenda, Kelly Smith a aidé environ un millier de personnes à créer leur microécole.

Un peu plus loin dans la campagne du New Hampshire, à Meredith, Deborah Dow se présente comme une guide pour les élèves de sa microécole. Il y a trois ans, elle a eu l’idée d’acheter une vieille école de rang, devenue alors sa maison, qui accueille depuis lors une microécole.

Deborah Dow enseigne dans sa maison à une demi-douzaine d'élèves.

Deborah Dow enseigne dans sa maison à une demi-douzaine d'élèves.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Dans son salon, le tableau noir original date de 1800. C’est ici qu’elle enseigne à dix élèves âgés de cinq à douze ans. Certains sont ici depuis trois ans. Nous développons une communauté soudée et nous apprenons à connaître nos élèves, comment ils pensent et ce qui va fonctionner pour eux, explique-t-elle.

Parmi les parents enchantés par le concept des microécoles, il y a Paula, une Québécoise qui s’est installée à Meredith avec son mari et ses deux fils de douze et huit ans, Hugo et Olivier.

Paula a remarqué que son fils avait commencé à éprouver bien des frustrations à l'école traditionnelle. Il travaillait très fort et on avait toujours l'impression que, malgré le fait qu'il était l'enfant le plus diligent, le plus motivé, le plus intéressé, cela commençait à affecter son expérience avec le plaisir d'apprendre, raconte-t-elle.

Les élèves de l'école de Katy Rose se détendent sur le terrain de sa propriété rurale.

Les élèves de l'école de Katy Rose se détendent sur le terrain de sa propriété rurale.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Aujourd’hui, elle refuse l’idée préconçue qu'ont certains par rapport aux microécoles et à l’école à domicile.

J'ai beaucoup d'amis qui ont fait ça et qui, pendant deux ou trois ans, ont retiré leurs enfants du système scolaire et les ont réintroduits à l'école secondaire un peu plus tard. Et là, les enfants n’ont plus eu de problèmes, parce que les garçons étaient plus matures, ils étaient justement devenus capables de rester plus longtemps devant un livre, ajoute-t-elle.

100 000 microécoles aux États-Unis

Les microécoles ne sont pas en soi un phénomène nouveau, mais celui-ci a connu tout un succès pendant la pandémie et semble se maintenir depuis le retour à la vie normale.

Barnett Berry, professeur-chercheur à l'Université de la Caroline du Sud, s’est penché sur le cas des microécoles. Aux États-Unis, il y en aurait environ 100 000, selon lui, pour un total d’un peu plus d’un million d’élèves.

Certaines de ces microécoles accueillent également des enfants l'après-midi, après leur école habituelle. Certaines d'entre elles tentent d'appliquer l'ensemble de ce que nous appellerions le programme scolaire de la maternelle à la terminale. Mais il s'agit sans aucun doute d'un mouvement qui mérite d'être pris en considération.

Une microécole au New Hamsphire.

La petite classe de Katy Rose se trouve au deuxième étage de sa résidence.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Environ un million d’élèves sur 55 millions d’enfants américains, cela reste encore marginal, estime le professeur Berry. Or, cette formule devrait inspirer davantage nos systèmes d'éducation, soutient-il.

Nous devons réfléchir à un changement de système et à la manière dont les microécoles s'intègrent dans un effort plus vaste pour changer le système, qui repose trop souvent sur le modèle d'enseignement et d'apprentissage à la chaîne, car la grande majorité d'entre elles sont encore ancrées dans ce modèle industriel.

Une citation de Barnett Berry, professeur-chercheur à l'Université de Caroline du Sud

Un système qui a besoin de l'argent public

De retour dans la microécole de Katy Rose, c’est maintenant l’heure de la récréation. La douzaine d’élèves se retrouvent sur l'immense terrain de jeux de cette résidence située en milieu rural.

Les plus jeunes se cachent dans un petit fort construit avec des bâches et quelques morceaux de bois, alors que les jeunes adolescents, eux, construisent une barrière de fortune, histoire de se divertir au grand air.

Tout cela se fait dans un esprit de franche camaraderie, tous âges confondus. C’est aussi ce qui a attiré Kate Shea, qui a inscrit ses jumeaux Logan et Jessica, 12 ans, dans la microécole de Katy Rose.

Nous étions tous en train de sombrer, parce que le modèle actuel ne sert personne, croit-elle. Nous avons passé beaucoup d'heures à mettre en œuvre des plans d'éducation individuels, à participer à des réunions dans les écoles. Et les enfants étaient submergés : ils ne réussissaient pas.

Cependant, inscrire son enfant dans une microécole, combien cela coûte-t-il? En fait, cela dépend des États. Certains offrent la possibilité aux parents d’utiliser l’argent placé dans leur compte d'épargne études pour financer une année scolaire, qui peut coûter entre 5000 $ et 10 000 $.

Katy Rose a fondé trois microécoles au New Hamsphire.

Katy Rose a fondé trois microécoles au New Hamsphire.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Au New Hampshire, il y a encore des fonds qui proviennent de programmes d’aide qui datent de la pandémie de COVID-19, qui permettent de financer en quasi-totalité les inscriptions d’élèves. Mais qu’arrivera-t-il quand ces fonds seront épuisés? Katie Rose y travaille déjà.

Je ne peux pas laisser de 30 à 40 enfants sans éducation dans un environnement où ils s'épanouissent, assure-t-elle. Je travaille avec les districts scolaires locaux pour qu'ils m'envoient leurs enfants dans le cadre d'un placement alternatif. J'étudie aussi un peu l'idée de me faire attribuer le statut d'école à charte et d'avoir plusieurs microécoles dans ce cadre, car cela me permettrait d'utiliser l'argent public. En fait, l'argent public suivrait l'enfant.

Le modèle de la microécole a encore de belles années devant lui. C’est en tout cas ce que croit Paula, la maman de Hugo et d'Olivier. Des parents comme elle, il y en aurait de plus en plus, selon elle. Ce sont des gens qui en veulent plus pour leurs enfants, qui voient les lacunes et qui ne sont peut-être pas d'accord avec l'expérience d'enseignement que les enfants reçoivent, affirme-t-elle.

Solution complémentaire

Dans l’étude du professeur Barnett Berry, de l'Université de la Caroline du Sud, les données suggèrent que la plupart des enseignants de ces microécoles sont tout de même certifiés et formés. Même s’il reconnaît que le concept n’est pas forcément bon pour tous les enfants, puisque le cadre d’enseignement est plutôt à géométrie variable, il estime cependant que cette formule pourrait faire progresser le milieu de l'éducation en général.

J'espère que les microécoles pourront également être un catalyseur de ce à quoi le système doit ressembler et qu'il ne s'agira pas simplement d'une autre innovation de boutique qui restera isolée et ne servira qu'aux enfants dont les familles peuvent profiter de cette option, dit-il.

Des élèves participent à une activité à l'extérieur de l'école.

Les parents des élèves apprécient la flexibilité des programmes dans les microécoles.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

À la microécole de Deborah Dow, après avoir fait le point sur ce qui a bien été ou a moins bien été ce jour-là, chaque élève est appelé à se préparer pour rejoindre ses parents. Deborah Dow, qui les voit quitter sa petite maison-école, a déjà hâte de les retrouver le lendemain matin.

C'est une famille unie, c'est donc très agréable, croit-elle. Une fois que vous avez trouvé ce qui vous convient et ce qui correspond à votre style, vous avez envie de vous en tenir à ce qui vous convient.

Le phénomène comble en tout cas ceux qui ont choisi cette option, mais il faudra attendre d’autres études sur le sujet pour voir la viabilité de cette formule dans un milieu de l’éducation qui continue de faire face à bien des problèmes.

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