•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

L’éclatant succès de la nouvelle ligue de hockey féminin va-t-il durer?

Une joueuse de hockey rencontre des partisans.

Le hockey féminin est en pleine effervescence depuis la création d’une nouvelle ligue professionnelle qui rassemble les meilleures joueuses d'Amérique du Nord.

Photo : Getty Images / Minas Panagiotakis

La Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) a entamé sa toute première saison il y a sept semaines et, déjà, elle accumule des faits d’armes qui font mentir ses détracteurs.

Le match de vendredi soir entre Toronto et Montréal en est un exemple probant. Ce duel se déroulera à l’aréna Banque Scotia, domicile des Maple Leafs, qui peut accueillir jusqu’à 18 800 spectateurs. Tous les billets en vente se sont volatilisés en quelques minutes seulement.

Ceux qui n’ont pu mettre la main sur un billet auront toutefois l’occasion de regarder la rencontre à la télévision, puisque la ligue féminine bénéficie pour la première fois d’ententes avec d’importants diffuseurs au pays.

Sur le site web de la LPHF, impossible de se procurer des chandails de l’une des six équipes de la ligue. Même sans nom ni logo, ils sont tous en rupture de stock.

Notre succès jusqu’à présent a dépassé toutes nos projections, admet Stan Kasten, le bras droit du propriétaire de la ligue, Mark Walter, en entrevue avec Radio-Canada.

La LPHF saura-t-elle profiter de son élan pour bâtir un modèle d’affaires durable ou subira-t-elle le même sort que ses prédécesseures – la Ligue canadienne de hockey féminin et la Premier Hockey Federation –, qui ont cessé leurs activités après quelques années d’existence?

Marie-Philip Poulin déjoue la gardienne Kristen Campbell.

Tous les billets du match entre Toronto et Montréal à l'aréna Banque Scotia, vendredi, se sont vendus en quelques minutes seulement.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Une occasion en or

Un groupe d’investisseurs mené par Mark Walter, propriétaire majoritaire des Dodgers de Los Angeles, a fait l’acquisition, en juin dernier, de la Premier Hockey Federation, dans laquelle jouaient deux équipes canadiennes : la Force de Montréal et le Six de Toronto.

L’homme d’affaires américain, dont la fortune est évaluée à plus de 5 milliards de dollars américains (6,75 milliards de dollars canadiens), a fait le pari de fonder une ligue de haut calibre, bien financée, qui rassemble les meilleures joueuses du monde et qui dure dans le temps.

Le timing est différent. C’est une occasion en or. Il y avait un créneau qui n’était pas comblé. Nous avons les meilleures hockeyeuses du monde qui n’ont nulle part où aller pour poursuivre leur carrière, affirme Stan Kasten, président et chef de la direction des Dodgers de Los Angeles, qui a été chargé de mettre sur pied cette nouvelle ligue.

C'est un bon moment pour investir dans le sport féminin.

Une citation de Stan Kasten, président des Dodgers de Los Angeles et membre du comité consultatif de la LPHF

Le bras droit de Mark Walter s’est entouré notamment de Billie Jean King et de sa femme, Ilana Kloss, deux légendes du tennis qui se battent pour l'égalité des sexes dans le sport professionnel.

Leur plan d’affaires pour la LPHF – qui regroupe les droits de commandite, de marketing et de diffusion – s’étend sur 10 ans pour le moment. Nous n’allons pas plier bagage après 10 ans. On a créé cette ligue pour qu’elle soit permanente, insiste M. Kasten.

Le président et chef de la direction des Dodgers de Los Angeles, Stan Kasten.

Stan Kasten, président et chef de la direction des Dodgers de Los Angeles, qui appartiennent aussi au groupe de Mark Walter, a été chargé de mettre sur pied la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin.

Photo : Jon SooHoo/Los Angeles Dodgers

Une demande sous-estimée

La diffusion des matchs de la nouvelle ligue attire déjà des centaines de milliers de téléspectateurs – parfois même plus d’un million – sur les plus grands réseaux sportifs du pays.

Nous sommes fiers de nous associer à la ligue pour offrir une vitrine d'envergure à ces athlètes d’élite qui inspireront la prochaine génération de joueuses, affirme une porte-parole de Bell Média, propriétaire de TSN et de RDS.

Chaque minute de diffusion, environ 85 000 personnes en moyenne regardaient les matchs de l’équipe de Montréal diffusés à RDS, selon les données de Numeris.

Le diffuseur anglophone TSN comptait plus de 208 000 téléspectateurs, en moyenne, pour les matchs des équipes canadiennes. Son rival Sportsnet a décroché des cotes d'écoute moyennes d'environ 109 000 personnes par minute de diffusion.

Le match entre Montréal et Boston du 13 janvier dernier, diffusé sur ICI Télé, a attiré en moyenne 275 000 téléspectateurs. CBC dit en atteindre environ 200 000, en moyenne, par minute d'écoute. Selon le diffuseur public, chacun des six matchs diffusés sur ses ondes a attiré en moyenne 1,1 million de téléspectateurs.

Sans surprise, il y a eu beaucoup d’enthousiasme et d’intérêt dès le début. Tout comme nos autres partenaires de diffusion, CBC et nos collègues de Radio-Canada sont heureux de faire partie de l’aventure et de faire passer le hockey féminin au prochain niveau, souligne Chris Wilson, directeur général de la programmation sportive et des Jeux olympiques à CBC.

La boutique en ligne de la Ligue professionnelle de hockey féminin.

Plusieurs chandails d'équipe, rondelles et autres produits dérivés de la boutique en ligne de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) sont en rupture de stock.

Photo : site web de la LPHF

Les chandails d’équipe, les rondelles et les articles promotionnels de la nouvelle ligue se vendent comme des petits pains. Amy Scheer, vice-présidente aux affaires commerciales de la LPHF, avoue que l’engouement des partisans a été sous-estimé.

Je pense que nous avons en fait sous-estimé la demande pour nos produits dérivés. Nous avons passé une commande assez conservatrice et les produits se sont envolés des étagères.

Une citation de Amy Scheer, vice-présidente aux affaires commerciales de la LPHF

Inglasco, qui produit les rondelles et les minibâtons de la ligue, dit renouveler ses stocks toutes les deux semaines. Le président et chef de la direction de l’entreprise québécoise, Anthony Fisher, affirme que la plupart de ses produits sont en rupture de stock avant de pouvoir réapprovisionner la prochaine livraison.

Inglasco entre maintenant dans la phase deux de [son] offre de produits sous licence avec la LPHF. Cela mettra en valeur de nouveaux designs sur une plus grande variété de produits sous licence pour satisfaire cette base de fans en constante augmentation, ajoute-t-il.

L’engouement est-il là pour de bon?

Chose certaine, la Ligue professionnelle de hockey féminin réalise des exploits inimaginables pour les organisations qui sont passées avant elle, souligne Mme Scheer.

Attirer de grandes foules dans les arénas, diffuser des matchs lors de périodes de grande écoute et recruter des commanditaires sérieux ont longtemps été des défis de taille dans le hockey féminin.

Ça a toujours été difficile auparavant d'avoir des matchs à guichets fermés, se rappelle Laurel Walzak, ancienne présidente du conseil d’administration de la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF).

La professeure Laurel Walzak sourit.

Laurel Walzak, professeure agrégée au programme de médias sportifs de l'Université métropolitaine de Toronto, a siégé au conseil d'administration de la Ligue canadienne de hockey féminin.

Photo : Gracieuseté : Laurel Walzak

L’organisation a mis la clé sous la porte en 2019 après 12 saisons, citant des difficultés financières. Lors de ses deux dernières années d’activités, la ligue avait commencé à débourser une allocation aux joueuses allant jusqu’à 10 000 $ par saison.

Maintenant, ils ont un nouveau modèle. Ils ont le soutien financier de Mark Walter des Dodgers, qui a de gros moyens, alors je pense que c'est fantastique pour le sport, dit Mme Walzak.

Au sein de chaque équipe de la nouvelle ligue, les joueuses doivent gagner en moyenne 55 000 $ avec une hausse annuelle de 3 %, selon la convention collective ratifiée l’an dernier. Au moins six joueuses de chacune des formations doivent être payées plus de 80 000 $.

On voit le sérieux de la ligue. On offre des conditions aux joueuses qui sont excellentes, affirme Frank Pons, directeur de l’Observatoire international en management du sport de l’Université Laval.

Je pense que la ligue est là pour durer parce qu’elle a une approche fédératrice. C'est une ligue aussi qui est allée chercher des commanditaires importants.

La LPHF recevra notamment des revenus de son partenaire principal, Canadian Tire, qui a conclu une entente de financement sur plusieurs années. Le détaillant n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de Radio-Canada.

La ligue compte aussi sur une panoplie d’autres commanditaires, dont Air Canada, Bauer, CCM Hockey et Pizza Pizza.

Rentable d’ici 10 ans

Malgré les revenus plus élevés que prévu, en ce début de saison, Stan Kasten avoue que c’est le cas aussi des dépenses de la ligue.

Ça nous coûte beaucoup, beaucoup plus cher qu’on s’attendait. Nous ne voyons pas ça comme des dépenses, mais plutôt comme des investissements, dit-il.

M. Kasten affirme que la diffusion des matchs pèse lourd sur les finances de la ligue, mais qu’il s’agissait d’un choix délibéré. Nous voulions offrir un spectacle de première classe digne des ligues majeures dès le départ. Ça nous coûte cher et ça continuera de coûter cher, mais c’est ce qui a permis d’attirer nos partisans.

Il affirme que la LPHF a pu voir le jour et s’implanter aussi rapidement qu’elle l’a fait surtout grâce au fait qu’il n’y a qu’un seul propriétaire, évitant ainsi les désaccords, les contraintes budgétaires et les ego dans chaque ville. Il n’écarte cependant pas la possibilité de vendre des franchises, bien que cela ne figure pas dans ses plans à court terme.

Les dirigeants de la nouvelle ligue ont pour but d’ajouter de nouvelles équipes au cours des prochaines années.

Entre-temps, ils continuent de chercher à disputer des matchs dans des arénas plus spacieux, même dans certaines villes neutres qui n’ont pas leur propre équipe. La ligue a par exemple annoncé deux rencontres à la mi-mars aux domiciles des Penguins de Pittsburgh et des Red Wings de Détroit.

Nous voulons développer notre marque. Nous voulons développer notre ligue [et] accroître notre visibilité, affirme Mme Scheer.

Frank Pons.

Frank Pons, directeur de l’Observatoire international en management du sport de l’Université Laval

Photo : Radio-Canada / Éric Careau

Cependant, ce sera un délicat jeu d’équilibre, avertit Frank Pons, de l’Université Laval. Il faut faire attention de ne pas trop s'emballer, affirme l’expert. Il faut donner le temps à cette ligue-là de se développer. Une expansion signifie plus de joueuses, plus de dépenses et la ligue doit garantir le produit sur la glace, souligne-t-il.

Infolettre d’ICI Ontario

Abonnez-vous à l’infolettre d’ICI Ontario.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Ontario.

Au basketball féminin, par exemple, la WNBA n’est toujours pas rentable après 27 ans d’existence. Cette ligue, qui débourse beaucoup plus en salaires pour ses athlètes, peine à faire croître ses revenus.

De son côté, M. Kasten estime pouvoir sortir la LPHF du rouge et engranger des profits dans la prochaine décennie. Il s’attend cependant à ce que les prochaines années lui réservent de nombreuses surprises alors que la ligue ajoutera des équipes. Même la manière de diffuser les matchs pourrait être amenée à évoluer, selon lui.

Nos matchs sont disponibles à la télévision et en streaming [en continu], mais on ne sait pas à quoi ça ressemblera dans 10 ans, affirme-t-il.

Mais on sait qu’on a les meilleures joueuses de hockey au monde. [...] On pense que c’est une offre médiatique attrayante et on va trouver une façon de la monétiser.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.