•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

AnalyseConstruire, construire, construire

Un chantier de construction, avec un soudeur et une pelle mécanique.

Selon le gouverneur de la Banque du Canada, la moitié de l’inflation viendra du secteur du logement au cours des deux prochaines années.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Il faut construire plus de logements et il faut le faire beaucoup plus rapidement. On pourrait même aller jusqu’à dire que le Canada, dans les faits, est convié à un grand chantier pour redonner accès au logement et soulager les ménages qui doivent composer avec des coûts qui ne cessent de s’alourdir. Il n’est plus possible pour les décideurs publics de regarder passer le défilé et d’attendre que le marché se corrige de lui-même.

Selon la CIBC, ce n’est pas 3,5 millions d’unités supplémentaires qu’il faut construire au pays d’ici 2030, comme l’affirmait récemment la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). C’est 5 millions de logements qu’il faut ajouter pour répondre à la demande et retrouver un marché abordable, de l’avis de l’institution. C’est colossal.

Selon une note publiée mardi par l’économiste Benjamin Tal, la population canadienne s'accroîtra de 6 millions de personnes d’ici sept ans. Malgré une réduction du nombre d’étudiants étrangers, la croissance du nombre d'immigrants temporaires dépassera en moyenne 2 % par année d’ici la fin de la décennie. C’est donc dire que la prévision de la SCHL, à 3,5 millions de logements de plus d'ici 2030, est beaucoup trop faible.

De plus, la CIBC est d’avis que le nombre d’immigrants temporaires est sous-estimé au Canada. Selon Benjamin Tal, il n’y a pas de prévisions, d’objectifs ou de plans d’accueil crédibles au sein des gouvernements pour les résidents non permanents. Ce segment migratoire est, dans les faits, incontrôlé.

Ajoutons que le gouvernement fédéral a indiqué avant les Fêtes que de 300 000 à 600 000 personnes vivent de façon irrégulière au pays et que ces gens pourraient être régularisés pour les sortir de l’anonymat, une proposition que porte depuis longtemps l’ex-juge à la Cour suprême Louise Arbour. Ces personnes, absentes des données, font nécessairement pression également sur le logement.

Réduire l’immigration, stimuler la construction?

L’économie est capable d’absorber la hausse marquée de la demande en ce moment, affirmait récemment le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, devant le Comité permanent des finances. La forte poussée de la population n’est pas inflationniste, disait-il, puisqu’avec la demande qui augmente, l’offre augmente aussi.

Mais il faut exclure le secteur du logement de cette équation, a-t-il précisé. C’est 50 % de l’inflation qui viendra de ce secteur au cours des deux prochaines années.

Il est donc urgent de revoir les niveaux d’accueil des immigrants à court terme. Le gouvernement fédéral n’a pas d’autre choix que de calmer la demande. Il va le faire en réduisant l’accueil d’étudiants étrangers, mais ne faudrait-il pas revoir, ne serait-ce que temporairement, les cibles d’immigration permanente? Et ne faudrait-il pas également encadrer l’accueil de travailleurs étrangers?

Il est tout aussi urgent de travailler à améliorer l’offre de logements afin de réduire la précarisation d’un nombre grandissant de ménages. À Ottawa comme à Québec, il faut plus d’ambition pour amener les constructeurs à lancer et à relancer des projets résidentiels, surtout des projets de bâtiments multifamiliaux.

Certes, la baisse prochaine des taux d’intérêt pourrait stimuler la construction. Mais des règles plus souples, des délais d’approbation plus courts, des programmes plus ciblés, surtout pour du logement abordable et du logement social, sont nécessaires pour aider à la construction.

Pourquoi le gouvernement du Québec ne suspend-il pas la TVQ sur les nouveaux projets de construction de logements locatifs? Pourquoi Québec ne suit-il pas Ottawa, qui a décidé de suspendre la TPS sur ces projets?

Les dernières données de Statistique Canada sont inquiétantes, voire catastrophiques. La valeur des permis de bâtir a chuté de 14,5 % en décembre 2023 par rapport à décembre 2022 au Canada, et de 15,8 % au Québec.

Dans le secteur résidentiel, la chute est de 15,6 % dans l’ensemble du pays, avec une glissade de 28 % pour le logement multifamilial. Récemment, on apprenait que les mises en chantier ont chuté de 32 % au Québec en 2023, avec des reculs de 37 % à Montréal et de 40 % à Québec.

Baisser les taux et construire, construire, construire!

Le gouverneur de la Banque du Canada, de passage à Montréal mardi, a dit que la politique monétaire ne pouvait pas en faire beaucoup pour atténuer la crise du logement. Pourtant, il est clair qu’une baisse de taux pourrait soulager bien des propriétaires et des entreprises de construction.

Le taux d’inflation au Canada est de 3,4 %, mais en excluant le logement, il est de 2,4 %, ce qui pourrait donner une marge de manoeuvre à la Banque du Canada pour agir rapidement. La hausse des taux d’intérêt, d’ailleurs, est inflationniste actuellement.

Est-ce qu’une baisse de taux est possible dès le mois de mars? À Zone économie mardi, l'économiste Clément Gignac disait croire que c’est toujours possible. Mais les économistes du secteur privé semblent pencher davantage pour avril ou juin.

Quoi qu’il en soit, c’est aux différents ordres de gouvernement de prendre en compte la question du logement dans l’élaboration de leurs politiques, a dit Tiff Macklem.

Dans une autre note économique publiée mardi, Desjardins affirme que le ralentissement dans la construction résidentielle va se poursuivre cette année. Les taux d’intérêt et les coûts de construction toujours élevés, la très faible confiance des constructeurs et la pénurie de main-d’œuvre sont autant de facteurs laissant entrevoir une baisse marquée des activités de construction.

Selon Desjardins, il n’y a pas d’effet notable sur l’abordabilité des mesures gouvernementales visant à accroître l’offre de logements. Bien sûr, nous saluons la volonté des décideurs de réduire les barrières à la construction de logements neufs, mais il faudra du temps pour que ceux-ci arrivent sur le marché.

Une proposition qui revient souvent dans l’espace public, c’est la tenue d’un sommet du gouvernement fédéral avec les provinces et les territoires pour mieux orienter les transferts et débloquer les délais administratifs qui empêchent l’accélération des projets de construction. Il est urgent que les décideurs politiques se parlent franchement.

Les solutions sont multiples :

  • fournir des avantages fiscaux au secteur privé;

  • resserrer les règles sur la location de courte durée;

  • repenser les zonages qui viennent exclure la construction résidentielle;

  • repenser les réglementations qui limitent, par exemple, la hauteur des bâtiments;

  • convertir des locaux sous‑utilisés, comme des centres commerciaux ou des églises;

  • favoriser d’autres modèles de construction qui permettraient de bâtir davantage de logements locatifs protégés de la spéculation immobilière.

Donc, il faut très certainement calmer la demande à court terme. Mais il faut surtout stimuler l’offre à court, à moyen et à long terme.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.