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Au Canada, « tout est très difficile » : un médecin ukrainien songe à retourner à Kiev

Les drapeaux canadien et ukrainien côte à côte.

Perçu comme un modèle d'accueil, le visa offert par le Canada aux arrivants ukrainiens a facilité l'arrivée de plus de 200 000 Ukrainiens depuis mars 2022. Face aux défis liés au coût de la vie et au marché du travail, une minorité décide toutefois de repartir.

Photo : Radio-Canada

Le Canada a accueilli plus de 220 000 Ukrainiens depuis le début du conflit avec la Russie. Si plusieurs s’adaptent, les défis restent nombreux, et certains décident de repartir, comme en témoigne l’expérience d’un médecin ukrainien à Vancouver.

Février 2022. Le Dr Yevhenii Linetskyi s’apprête à retourner vivre à Kiev après plusieurs années comme médecin à Moscou et en Argentine.

Mais ses projets sont bouleversés en raison de l’invasion russe en Ukraine, quelques jours avant son départ.

Rapidement, le médecin fait les démarches pour immigrer dans le cadre de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada Ukraine, offrant un visa de trois ans à un nombre illimité d’Ukrainiens et à leur famille immédiate, peu importe leur nationalité.

Je m’attendais à ce que ce soit difficile, mais pas à ce point, dit-il. Dans son appartement de Coquitlam, Yevhenii Linetskyi énumère la longue liste des défis qu’il a rencontrés, dans un pays où ses compétences ne sont pas reconnues et où sa connaissance de la langue est limitée.

Tout ici est très difficile. À commencer par trouver un endroit où vivre. Les nouveaux arrivants doivent fournir des documents qu’ils ne peuvent pas obtenir. Même chose pour trouver un emploi et avec les cours de langue. C’est un casse-tête sans solution.

Une citation de Yevhenii Linetskyi

Ce sont des problèmes communs à de nombreux arrivants au Canada, qu’ils s’installent comme réfugiés ou avec un permis de travail.

Le coût de la vie et l’emploi ne sont pas uniques à la population ukrainienne, mais dans nos sondages à l’arrivée, ce sont les deux problèmes les plus souvent cités, confirme Sarosh Rizvi, directeur national de l’engagement pour l’Opération havre de paix pour les Ukrainiens.

50 000 Ukrainiens attendus d’ici la fin du mois de mars

En date du 27 janvier dernier, 221 231 Ukrainiens sont arrivés au pays dans le cadre de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine.

À la lumière de sondages, l’Opération havre de paix pour les Ukrainiens, l'organisme qui chapeaute l’aide aux arrivants ukrainiens à travers ce programme, estime que 50 000 détenteurs de visa supplémentaires arriveront au pays avant la date butoir du 31 mars.

Selon les règles du programme, les arrivants ukrainiens ne sont pas réfugiés et peuvent donc travailler et étudier dès leur premier jour au Canada ou repartir quand ils veulent s’ils désirent aller ailleurs. Si les détenteurs de ce visa ont accès à des cours de langue et à un appui financier de 3000 $ par adulte à l’arrivée, l’aide subséquente variant toutefois d’une province à l’autre et étant moins importante que celle offerte à travers le programme fédéral des réfugiés.

Un avion transportant près de 230 arrivants ukrainiens atterrit à l'aéroport de Regina, en Saskatchewan, le 4 juillet 2022.

Un avion transportant près de 230 arrivants ukrainiens atterrit à l'aéroport de Regina, en Saskatchewan, le 4 juillet 2022.

Photo : Radio-Canada

Deux ans après ses débuts, Sarosh Rizvi qualifie le programme de modèle. La vaste majorité des arrivants réussissent à se bâtir une nouvelle vie au Canada, même si, selon des estimations très préliminaires du programme, environ 3600 d’entre eux auraient quitté le pays depuis.

Plusieurs ne prévoyaient pas de vivre ici à long terme. Ils aiment peut-être leur vie au Canada, mais le coeur de plusieurs d’entre eux est toujours en Ukraine et ils s’attendaient à un séjour plus court, explique Sarosh Rizvi. D’autres ont été choqués par la difficulté à se trouver un emploi dans leur domaine et le coût élevé de la vie dans les grands centres urbains.

Un homme en uniforme de secouriste prend une pose dans une ambulance avec en arrière-plan un édifice portant des panneaux en russe.

À Moscou, le Dr Yevhenii Linetskyi se déplaçait notamment en ambulance pour traiter des patients.

Photo : AFP / Yevhenii Linetskyi

C’est le cas du Dr Linetskyi. Avec son expérience et ses diplômes, le travailleur de la santé s’attendait à pouvoir trouver un emploi dans son domaine.

Or, six mois après son arrivée au Canada à l’été 2022, le médecin n’avait toujours pas d’emploi, malgré le fait qu’il envoyait, selon ses dires, entre 20 et 30 curriculum vitae par jour.

Ce n’est qu’en janvier 2023 qu’il trouve un emploi au sein de l’équipe de recherche de Pascal Lavoie, médecin chercheur à l’Université de la Colombie-Britannique.

Pascal Lavoie (à droite) et Yevhenii Linetskyi (à gauche) discutent autour d'un café.

Pascal Lavoie (à droite) a été impressionné par l'expérience de Yevhenii Linetskyi (à gauche) et l'a embauché comme assistant dans une équipe de recherche.

Photo : Radio-Canada / Thomas Saupique

Quand je l'ai rencontré, il ne parlait pas anglais du tout. On communiquait à travers une application de traduction sur son téléphone, explique le Dr Lavoie.

Le premier défi, c'était de trouver des cours d'anglais, ça a pris des mois... On me disait qu'on aimerait bien aider tout le monde, mais on a une liste tellement longue, on n’a pas assez de ressources, on n’a pas assez de professeurs, on n’a pas assez de classes.

Une citation de Pascal Lavoie

Tout au long de l’année, son équipe a mis la main à la pâte pour l’aider à améliorer son anglais et à se bâtir un réseau de contacts, afin de faciliter son intégration. Depuis un an, il a fait beaucoup de progrès, mais il a encore un long chemin à faire, croit Pascal Lavoie.

Un téléphone intelligent avec différentes traductions du mot grippe du russe à l'anglais.

Avec son anglais limité, Yevhenii Linetskyi utilise une application pour traduire du russe à l'anglais.

Photo : Radio-Canada / Thomas Saupique

Partir ou rester

Le contrat du Dr Linestkyi dans l’équipe du Dr Lavoie a pris fin à la fin janvier. Pour l’instant, sa recherche d’emploi s’est avérée infructueuse, et le temps file. Afin de pouvoir renouveler son visa, il doit occuper un emploi spécialisé. Mais, pour obtenir le droit de pratiquer comme médecin en Colombie-Britannique, cela pourrait prendre des années.

Le Canada fait face à une pénurie de personnel de la santé. Pourquoi ne pas créer un programme d’intégration qui répond spécifiquement à leurs besoins? Des cours d’anglais spécialisés et des cours d’appoint pour s’adapter au système de santé canadien, suggère le Dr Lavoie.

Un homme âgé regarde la caméra.

Pour Yevhenii Linetskyi, retourner en Russie n'est pas une option. Il songe plutôt à retourner en Ukraine ou dans un autre pays européen où il pourra pratiquer la médecine.

Photo : Radio-Canada / Thomas Saupique

À 58 ans, le médecin songe à retourner en Ukraine ou dans un autre pays européen où il pourra pratiquer son métier.

Il a encore énormément de chemin à faire pour atteindre un niveau d'anglais qui va lui permettre de pratiquer la médecine en Colombie-Britannique, admet Pascal Lavoie. Il espère néanmoins que d’autres prendront le relais et l’aideront dans les prochaines étapes de son séjour au Canada.

L’intégration, ça ne relève pas seulement du gouvernement fédéral. Tout le monde peut mettre la main à la pâte. J’ai fait un petit bout de chemin et ce que j'espère, c'est qu'en racontant cette histoire-là, quelqu'un va prendre le relais pour les six prochains mois ou la prochaine année.

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