•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Le Québec perd 1 G$ à cause d’« un énorme déficit énergétique »

Le niveau historiquement bas des réservoirs va réduire les dividendes versés par Hydro-Québec à l'État.

Le barrage Daniel-Johnson et la centrale Manic-5

Le barrage Daniel Johnson de la centrale Manic-5 est alimenté par le réservoir Manicouagan qui a subi une forte baisse de son niveau d'eau dans les derniers mois.

Photo : iStock / melking

Un déficit record d'arrivée d'eau dans les réservoirs d'Hydro-Québec cause un manque à gagner d'un milliard de dollars dans les caisses du gouvernement du Québec, révèlent des données du ministère des Finances et un rapport interne de la société d'État, obtenus par Radio-Canada.

Le rapport, daté du 31 décembre, révèle que la société d'État a subi, en 2023, un premier gros choc énergétique négatif depuis qu'elle accumule des surplus. Ce déficit record d'hydraulicité (apport d'eau) est du jamais-vu depuis que les données sont compilées, soit en 1943.

Selon les calculs d'Hydro-Québec, ce sont 35 térawattheures (TWh) qui ont disparu des réserves d'énergie l'an dernier, ce qui est qualifié d'énorme déficit énergétique.

35 TWh, c'est l'équivalent de :

  • toute l'électricité exportée par Hydro-Québec en 2022
  • 20 % de l'électricité consommée par tous les Québécois en une année
  • 30 % des surplus accumulés dans tous les réservoirs depuis huit ans

Personne n'est à blâmer, c'est le temps sec dans le nord de la province qui a considérablement réduit le niveau des réservoirs.

Budget du Québec 2024

Consulter le dossier complet

Eric Girard prononce son discours du budget à l'Assemblée nationale.

Le problème s'est concentré principalement sur deux complexes hydroélectriques : La Grande, dans le Nord-du-Québec (-30,7 TWh) et Manic, sur la Côte-Nord (-5,4 TWh).

La centrale Manic-5, la centrale Manic-5-PA et le barrage Daniel-Johnson font partie du vaste complexe Manic aux outardes.

La centrale Manic-5, la centrale Manic-5-PA et le barrage Daniel-Johnson font partie du vaste complexe Manic aux outardes.

Photo : Hydro-Québec

Le rapport décrit un triste tableau météo dans lequel il a manqué beaucoup de neige, durant l'hiver dernier, et où il a manqué beaucoup de pluie au printemps, dans le Nord-du-Québec et la Côte-Nord. Puis, l'été a été anormalement sec (on se souvient des feux de forêt dans le nord). Enfin, il n'y a pas eu de crue d'automne, en raison de la faible pluie.

À la crue de printemps la plus faible de l'historique [...] s'est donc ajouté un automne famélique qui bat le précédent record de l'historique 1943-2022, qui était 1985.

Une citation de Rapport interne d'Hydro-Québec

En septembre, Hydro-Québec avait déjà prévenu qu'elle allait réduire ses exportations en raison du bas niveau des réservoirs. On parlait alors d'une baisse des réserves d'énergie de 20 TWh. Mais on ignorait que la situation allait continuer de se dégrader durant l'automne pour atteindre un manque de 35 TWh.

Hydro-Québec n'a pas été chanceuse avec la météo, en 2023, puisqu'elle a aussi fait face à une demande d'électricité record, durant un grand froid, en février.

Ça va coûter cher cette année

Les Québécois ne manqueront pas d'électricité (les réserves demeurent suffisantes), mais ce sont des revenus destinés à l'État québécois qui vont manquer.

Ça va coûter cher cette année, prévient une source chez Hydro-Québec qui n'est pas autorisée à parler publiquement.

Le mot d'ordre, pour 2024, est d'énormément moins exporter, pour préserver les grands réservoirs.

Une citation de Une source chez Hydro-Québec
Une centrale hydroélectrique vue du haut des airs.

La centrale La Grande-3 (LG-3) avec son réservoir.

Photo : Tirée du site Internet d'Hydro-Québec

Nous avons restreint les ventes d’électricité sur les marchés externes afin de gérer nos ressources de façon optimale, confirme la porte-parole d'Hydro-Québec, Caroline Des Rosiers.

C'est une préoccupation majeure pour le dividende et les rendements d'Hydro-Québec.

Une citation de Une source à Hydro-Québec

Pour chaque térawattheure qu'Hydro-Québec ne vend pas sur les marchés, ce sont 80 millions de dollars de revenus qui lui échappent, selon l'analyste indépendant en réglementation de l'énergie Jean-François Blain.

Heureusement qu'on n'a pas encore à fournir les 20 TWh vers l'État de New York et du Massachusetts, ajoute M. Blain, en référence aux contrats d'exportation signés pour après 2026, car la flexibilité aurait été moins grande. Deux sources chez Hydro-Québec qualifient ces contrats de « boulets ».

Le siège social d'Hydro-Québec.

Hydro-Québec doit verser 75 % de ses bénéfices de l'année en dividendes au gouvernement.

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

Au moins un milliard de manque à gagner

Selon des données fournies à Radio-Canada par le ministère des Finances, les revenus du gouvernement provenant d'Hydro-Québec vont baisser d'au moins 850 millions de dollars par rapport à ce qui était prévu lors de la présentation du budget 2023-2024. Mais ce n'est pas tout.

Dans son rapport sur la situation financière du Québec pour le second trimestre (juillet-septembre 2023), publié le 15 décembre, le ministère des Finances diminue encore ses prévisions de revenus provenant des sociétés d'État de 370 millions de dollars supplémentaires. Et c'est encore une fois surtout à cause d'Hydro-Québec.

Le ministère écrit, dans le rapport, que la baisse des revenus des sociétés d'État entre avril et septembre est principalement attribuable à la diminution des résultats d'Hydro-Québec, principalement liée à la baisse de la valeur de ses exportations.

Une ligne à haute tension se dresse dans la région de Saint-Hyacinthe en Montérégie.

Hydro-Québec vend de l'électricité sur le marché nord-américain.

Photo : iStock

Si plus de la moitié des 370 M$ est attribuable à Hydro-Québec, alors, on peut calculer qu'au total, au moins un milliard de dollars vont manquer, cette année, dans les coffres du gouvernement à cause de la baisse des revenus de cette seule société d'État.

Et toutes ces sommes n'incluent pas encore le troisième trimestre 2023-2024 (octobre-décembre), où, là aussi, les apports hydrauliques étaient très faibles dans le nord.

La centrale La Grande-1 (LG-1) est située près de Chisasibi, dans la région de la Baie-James.

La centrale La Grande-1 (LG-1) est située près de Chisasibi, dans la région de la Baie-James.

Photo : Hydro-Québec

Une réévaluation de la situation est en cours, explique le porte-parole du ministère des Finances du Québec, Philippe Bérubé. La nouvelle prévision des revenus provenant d’Hydro-Québec sera rendue publique au budget 2024-2025.

Le ministre des Finances Eric Girard a prévenu, jeudi, que les comptes de l'État se portent moins bien que prévu, avec une hausse des dépenses et une baisse des revenus.

L'an dernier, les revenus de la société d'État lui ont permis de verser un dividende de 3,4 milliards de dollars au gouvernement du Québec, le plus élevé de son histoire, ce qui contribue au développement socioéconomique de la province.

Le ministre Girard en conférence de presse.

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a prévenu, jeudi, que les comptes de l'État se portent moins bien que prévu.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Pour le professeur à l'Université de Montréal et directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier, Normand Mousseau, le niveau des réservoirs est moins inquiétant que le niveau des augmentations de tarifs imposées aux clients d'Hydro-Québec, cette année.

L'augmentation des tarifs ne compense pas l'augmentation des coûts. Et, pour moi, c'est un problème majeur, dit-il.

Si on n'arrive pas à faire suivre les revenus avec les coûts du système, ça veut dire que les rentrées d'argent pour le gouvernement vont devenir de plus en plus faibles. Et, le jour où il n'y en aura plus [de bénéfices], la pression va être très très forte pour qu'on privatise Hydro-Québec.

Une citation de Normand Mousseau, professeur à l'Université de Montréal et directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier.

En ce qui concerne le faible niveau des réservoirs, Hydro-Québec anticipe une tendance inverse, dans le futur. Les changements climatiques pourraient entraîner une hydraulicité en hausse dans le nord du Québec, prévient la porte-parole Caroline Des Rosiers.

À long terme, les prévisions de la société d'État laissent entrevoir une hausse de 5 à 10 % des précipitations dans le nord du Québec, là où se trouvent les grands réservoirs.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.