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Le Canada travaille à réimposer le visa à de nombreux Mexicains

La mesure pourrait entrer en vigueur dans les prochains mois, a appris Radio-Canada.

Ils se saluent lors d'une cérémonie de bienvenue officielle lors du Sommet des leaders nord-américains, au palais national de Mexico, le 11 janvier 2023.

Ottawa et Justin Trudeau s'inquiètent des éventuelles conséquences politiques d'une réimposition d'un visa avec le Mexique et son président Andres Manuel Lopez Obrador. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / RAQUEL CUNHA

Entrer au Canada pourrait bien ne plus être aussi simple pour les ressortissants mexicains. Ottawa travaille à remettre en place au cours de l'année des barrières à l'entrée du pays afin, essentiellement, de réduire le nombre de demandeurs d'asile.

Même si la mesure finale n'a pas encore été adoptée, plusieurs ministres libéraux pousseraient actuellement pour un tel changement, rapidement, ont confié à Radio-Canada plusieurs sources proches du dossier.

Le Mexique aurait déjà été prévenu des intentions canadiennes, a-t-on également appris.

Selon nos informations, la réimposition d'un visa à tous les Mexicains, comme cela a été le cas de 2009 à 2016, n'est cependant pas l'option privilégiée par le gouvernement Trudeau.

Ottawa devrait exempter d'une telle procédure administrative les ressortissants qui ont été temporairement au Canada au cours des 10 dernières années, comme il le fait déjà avec d'autres pays.

Ainsi, seuls les nouveaux voyageurs seraient concernés par l'obligation d'avoir un visa. Cette catégorie représenterait l'immense majorité des demandeurs d'asile.

Près de 25 000 demandes d'asile du Mexique l'an passé

Le retour d'une mesure de contrôle pour les Mexicains est dans l'air depuis quelques mois. Le nombre de demandes d'asile provenant du Mexique, reçues par la Section de la protection des réfugiés, a explosé l'an passé, passant de 7483 en 2022 à 17 490 entre janvier et septembre 2023.

Sur l'ensemble de l'année, on approcherait des 25 000 demandes, a appris Radio-Canada.

Or, comme l'a indiqué récemment le ministre de l'Immigration Marc Miller, seulement près d'un tiers de ces dossiers sont acceptés.

En 2009, le gouvernement de Stephen Harper avait décidé d'imposer un visa aux Mexicains lorsque ce nombre frôlait la barre des 10 000. En guise de justification, les conservateurs avaient mis de l'avant le fort taux de refus de ces demandes, mais aussi les risques pour la sécurité nationale.

Sept ans plus tard, Justin Trudeau avait retiré ce visa pour faciliter le tourisme et les échanges commerciaux entre les deux pays, au moment où le Canada renégociait également un accord de libre-échange avec les États-Unis.

Ce changement de politique internationale a notamment permis à des entreprises canadiennes et aux producteurs bovins (Nouvelle fenêtre) d'accéder plus facilement au marché mexicain.

Des messages sur des téléphones.

« Voyage de Montréal à New York », « service de transport rapide, efficace et sécuritaire », les offres des passeurs sur les réseaux sociaux sont nombreuses.

Photo : Radio-Canada / Mathieu Blanchette

Criminalité et passages clandestins

Comme l'a montré Enquête, des réseaux de passeurs utilisent désormais cette souplesse pour faire entrer clandestinement des ressortissants mexicains aux États-Unis, en passant par le Québec.

La fabrication de faux documents de voyage permettant à des criminels d'aller au Canada est aussi devenue monnaie courante au Mexique.

Au cours des dernières années, le nombre de demandes d’asile présentées par des citoyens mexicains ainsi que celui des infractions à la législation sur l’immigration commises par ces derniers ont augmenté de façon notable, reconnaît un porte-parole d'Immigration Canada.

Le gouvernement reste déterminé à protéger l’intégrité de son système d’immigration, ainsi que la sécurité des Canadiens. Le Canada est en communication régulière avec le gouvernement mexicain et étudie diverses options pour résoudre ces problèmes.

Une citation de Matthew Krupovich, porte-parole d'Immigration Canada

Ces risques étaient pourtant connus par le gouvernement Trudeau lorsqu'il a annoncé l'abolition de ce visa.

Comme l'indique une note produite (Nouvelle fenêtre) par le ministère de la Sécurité publique en 2020, « au moment de lever l'obligation de visa, le gouvernement a établi un seuil pour les demandes d'asile qui prévoit un nouvel examen de la dispense de visa ».

Malgré ces hausses constantes, aucun changement n'a néanmoins eu lieu jusqu'à maintenant, ce qui a poussé le premier ministre du Québec, François Legault, à hausser le ton et à écrire à Justin Trudeau.

François Legault et Justin Trudeau devant un micro

François Legault a demandé à Justin Trudeau de « fermer toute brèche qui permettrait à des groupes criminels de s'infiltrer au Canada ». (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Frilosité canadienne et défis logistiques

D'après les prévisions actuelles, ce changement important pourrait entrer en vigueur dans « les prochains mois », nous a-t-on glissé.

Une mise en œuvre dès ce printemps, possiblement vers le mois d'avril, serait même espérée, confie une source fédérale.

Ottawa marche cependant sur des œufs dans ce dossier et avance avec une apparente frilosité. En annonçant trop rapidement le retour de ce visa, le gouvernement Trudeau craint par exemple une ruée massive de demandeurs d'asile mexicains vers les aéroports canadiens.

Les risques diplomatiques seraient également élevés, dit-on en coulisses.

L'intention, c'est de limiter le flux excessif [de demandeurs d'asile]. Il reste encore une démarche diplomatique à compléter, explique une autre source.

Alors que l'ombre d'un retour de Donald Trump plane aux États-Unis, le Canada veut éviter de se mettre à dos l'un de ses principaux alliés, qui élira cette année un nouveau président.

Par ailleurs, les « défis opérationnels » sont importants, puisqu'Ottawa devra remplumer son ambassade à Mexico, en ajoutant un nombre conséquent d'agents pour analyser les milliers de demandes de visa possibles.

Il faudra s'assurer que ce bureau ait suffisamment de personnel, indique l'avocate Laurence Trempe, spécialisée en immigration, en citant les demandes de permis d'étude et les permis de travail.

Outre les touristes mexicains, des milliers de travailleurs temporaires, notamment dans le secteur agricole, bénéficient aussi du système actuel pour arriver plus facilement au Canada.

Ces travailleurs devront à l'avenir passer par des démarches consulaires. Il faudra penser, pour eux, à un traitement prioritaire de leurs demandes, ajoute-t-elle.

Il faut veiller à ce que les entreprises canadiennes et québécoises ne soient pas touchées par des délais déraisonnables pour faire venir des travailleurs mexicains.

Une citation de Laurence Trempe, avocate en immigration

Et même pour les visiteurs de bonne foi, il faudra que les délais soient raisonnables et qu’on n’ait pas des délais de six mois pour venir, par exemple, au mariage d’un ami au Canada, souligne cette avocate.

Des doutes sur l'efficacité à long terme

Cette nouvelle mesure va-t-elle réellement avoir un impact? À court terme, assurément, puisque le nombre de demandeurs d'asile arrivant par voie aérienne va baisser, répond Laurence Trempe.

Mais l'histoire nous a montré, comme avec la fermeture du chemin Roxham, que lorsqu'une porte se ferme, les gens trouvent une autre façon pour entrer au pays, avance-t-elle.

Chercheur en criminologie, Valentin Pereda partage le même avis. Pour les groupes criminels organisés, l'imposition d'un visa ne va pas être une énorme contrainte, indique le professeur adjoint à l'Université de Montréal.

Même si, à court terme, ces contraintes additionnelles pourraient poser un problème, à moyen et long terme, il ne devrait pas y avoir un énorme effet. Ces groupes vont s'adapter, estime-t-il.

Si ça n'a pas marché aux États-Unis, pourquoi ça marcherait au Canada? Au niveau de la criminalité, c'est une mesure plus symbolique qu'efficace.

Une citation de Valentin Pereda, professeur adjoint à l'Université de Montréal

On le voit aux États-Unis. Les Américains ont imposé un visa aux Mexicains depuis longtemps, pourtant, il y a toujours un important trafic de drogues entre les deux pays, conclut-il.

Avec la collaboration de Louis Blouin

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