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AnalyseUn « piège démographique » au Canada?

Un travailleur de la construction sur un chantier immobilier à Montréal.

Le nombre de mises en chantier s’est établi à 240 000 en 2023 au Canada, en baisse de 8,2 % par rapport à l’année précédente, un rythme trop lent pour répondre à une demande grandissante.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Les données sur l’inflation publiées mardi montrent clairement que la crise du logement au pays coûte cher aux Canadiens. Sur 12 mois, les loyers sont en hausse de 7,7 %, une croissance intenable pour bien des ménages. D’une part, on ne construit pas assez de logements. D’autre part, le Canada connaît une croissance inédite de sa population.

Le Canada est-il tombé dans un piège démographique? C’est l’expression utilisée par les économistes Stéfane Marion et Alexandra Ducharme, de la Banque Nationale, dans une note économique diffusée lundi. Pour répondre à la demande actuelle et réduire l'inflation des coûts de logement, le Canada devrait doubler sa capacité de construction à environ 700 000 mises en chantier par an, un objectif inatteignable, écrivent les économistes.

Or, le nombre de mises en chantier, qui diminue depuis plusieurs années, s’est établi à 240 000 en 2023 au Canada, dans les centres urbains et ruraux. Ce nombre, trop faible pour répondre à une demande grandissante, représente une baisse de 8,2 % par rapport à l’année précédente.

Les données dans le tableau qui suit montrent l’écart entre la croissance démographique et les mises en chantier au pays au cours des trois dernières années. Les statistiques portant sur la croissance de la population représentent la hausse sur 12 mois, du 1er octobre de l'année précédente au 30 septembre de l'année visée. Celles sur les mises en chantiers, également sur 12 mois, recouvrent la période du 1er janvier au 31 décembre.

Il faut bien comprendre que la croissance naturelle de la population (c’est-à-dire le rapport entre les naissances et les décès) est presque nulle au Canada. La quasi-totalité de la croissance de la population vient maintenant de l’immigration permanente et temporaire. C’est essentiel à la croissance de l’économie, selon le premier ministre Justin Trudeau, qui était de passage devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, mardi.

Ou bien on réduit de façon massive nos cibles d’immigration, a-t-il dit, ce qui va faire mal à la pénurie de main-d'œuvre et à la croissance économique. Ou bien on doit trouver une façon de bâtir beaucoup plus de logements plus rapidement. Or, c’est quelque chose qu’on est en train de faire pour pouvoir continuer d’avoir un pays en croissance et prospère.

Tout en se défendant d’être anti-immigrants, le chef conservateur Pierre Poilievre est d’avis, de son côté, qu’il faut aussi agir sur le nombre d’immigrants. Il propose d’arrimer davantage la croissance de l’immigration à la croissance des mises en chantier.

Selon les économistes de la Banque Nationale, nos décideurs politiques ne doivent pas se contenter de cibler l'offre de logements, mais reconnaître qu'au-delà d'un certain nombre, la croissance démographique est un obstacle à notre bien-être économique. Le fait que le PIB réel par habitant soit au point mort depuis six ans en est un bon exemple.

Ils ajoutent : Le Canada se trouve dans un piège démographique pour la première fois dans l'histoire moderne. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que le déclin n'est pas simplement dû à un manque d'infrastructures de logement. En fait, le stock de capital privé non résidentiel par habitant diminue depuis sept ans et n'est actuellement pas plus élevé qu'en 2012, alors qu'il atteint un niveau record aux États-Unis.

On a fait grand cas, il y a quelques jours, du fait que les fonctionnaires avaient informé le gouvernement Trudeau, il y a deux ans, des pressions trop importantes de la croissance de la population sur l’abordabilité du logement. Or, les données utilisées par les économistes de la Banque Nationale sont publiques et sont connues des leaders politiques.

En augmentant fortement ses cibles d’immigration et l’accueil de travailleurs temporaires et d’étudiants étrangers, on peut se demander si le gouvernement Trudeau a bien pris en compte toutes les composantes de l’équation. Si la grande ouverture à l’immigration aide à calmer la pénurie de main-d'œuvre, elle contribue à créer, en retour, de fortes pressions sur les services et les loyers, ce qui alimente l’inflation dans le secteur du logement.

Le Canada est un pays accueillant, généreux et ouvert, un pays d’immigration, ce à quoi adhèrent une majorité de Canadiens. De plus en plus de citoyens sont d’avis toutefois que les seuils d’accueil deviennent trop élevés, étant donné la forte progression des cibles d’immigration permanente et du nombre d’immigrants temporaires qui arrivent au Canada.

On peut se demander si le temps n’est pas venu de revoir la stratégie en cette matière au Canada. Les mises en chantier ont chuté de 8 % en 2023, avec une baisse marquée de 37 % dans la grande région de Montréal. Dans les circonstances, les économistes Marion et Ducharme sont d’avis qu’il faut plafonner le nombre d’immigrants dans les prochaines années pour en accueillir entre 300 000 et 500 000.

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