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L’autoroute Laurentienne dans l’ombre de Dufferin-Montmorency

Pendant que tous les yeux sont rivés à l'est, Québec tarde à traduire les mêmes ambitions pour l'autoroute Laurentienne, dont la transformation pourrait avoir des impacts encore plus « positifs » que Dufferin-Montmorency.

Un croquis qui montre une passerelle dans un espace marécageux.

« Le fleuve est tiède sur les battures », proposition de l'Équipe composée d'Atelier L'Abri, Écoterritoire, Ghost et Le Picbois, a remporté le concours d'idéation lancé par la Commission de la capitale nationale du Québec.

Photo : Ville de Québec

Les images ont de quoi séduire; l'autoroute Dufferin-Montmorency réduite à l'état de boulevard, de la verdure de part et d'autre, des trottoirs de bois, les oiseaux, les marais et le Saint-Laurent en toile de fond, comme une carte postale.

La phase 4 de la promenade Samuel-De Champlain fait rêver, surtout que sa réalisation semble plus concrète que jamais après deux décennies d'attente.

En marge de la présentation des lauréats d'un concours d'idéation visant à redonner vie et accès aux battures de Beauport, le ministre Jonatan Julien a déclaré que la transformation de l'autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain était une condition sine qua non au prolongement de la promenade.

La phase 4 était déjà promise, voilà qu'elle est conditionnelle à une réduction de l'imposante artère.

Pratiquement construite sur le fleuve, l'autoroute compte de six à huit voies sur une dizaine de kilomètres, bloquant l'accès aux berges sur la quasi-totalité de sa longueur.

Une autoroute à six voies en été

L'autoroute Dufferin-Montmorency a été aménagée en différentes phases sur les battures de Beauport dans les années 60, 70 et 80. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Carl Boivin

Volte-face

En s'engageant de la sorte, la Coalition avenir Québec (CAQ) a complété sa volte-face amorcée un an plus tôt, avec l'abandon du troisième lien autoroutier.

Le projet de tunnel Québec-Lévis, rappelons-le, devait se connecter à l'autoroute Dufferin-Montmorency par une bretelle souterraine.

Pendant qu'elle défendait son projet de troisième lien, la CAQ avait également envoyé des signaux contradictoires sur une éventuelle phase 4 de la promenade Samuel-De Champlain.

Une capture d'écran de la vidéo de présentation.

La maquette du troisième lien prévoyait une sortie sur Dufferin-Montmorency. (Photo d'archives)

Photo : Gouvernement du Québec

À un an et demi des prochaines élections provinciales, le gouvernement Legault se présente maintenant comme le porteur de ballon, à la fois pour la promenade et pour le boulevard urbain. Sans échéancier précis, il s'engage à lancer les travaux de conception ainsi que les plans et devis rapidement. Déjà, 5 millions de dollars ont été inscrits au plus récent Plan québécois des infrastructures.

La CAQ est, en fait, la dernière formation politique de l'Assemblée nationale à considérer l'idée une reconfiguration de l'autoroute.

Avantage Laurentienne?

Si la CAQ semble appuyer sur l'accélérateur pour Dufferin-Montmorency, aucun engagement n'a encore été pris en ce qui concerne l'autoroute Laurentienne. Au contraire, le gouvernement Legault envisage plutôt un élargissement, avec l'ajout d'une voie réservée au transport collectif afin de mieux desservir les banlieues au nord.

Depuis 2011, l'entrée au centre-ville, entre les rues Soumande et de la Croix-Rouge, figure au Plan de mobilité durable de la Ville de Québec. La transformation du tronçon en boulevard urbain permettrait, croit-on, de reconnecter les quartiers Vanier et Limoilou, d'apaiser la circulation, d'améliorer la qualité de l'air, de verdir et de densifier les espaces récupérés par le retrait des voies.

L'autoroute Laurentienne sépare les quartiers Limoilou et Vanier.

L'autoroute Laurentienne sépare les quartiers Limoilou et Vanier.

Photo : Radio-Canada

Des esquisses ont été produites en 2017 par des étudiantes et des étudiants en design de l'Université Laval. Aucun projet concret n'a encore été annoncé.

Comme pour Dufferin-Montmorency, la santé publique régionale appuie l'idée du boulevard urbain, les conseils des quartiers centraux aussi. La Ville a imaginé toute une vision pour le secteur. D'un point de vue de développement durable et d'aménagement du territoire, la reconfiguration de Laurentienne pourrait même avoir un potentiel plus important.

Les impacts positifs sont encore plus grands que Dufferin-Montmorency. Ça passe à travers des milieux de vie, il y a des possibilités de requalification urbaine, de construction de logements, d'amélioration de la qualité de l'air et de la qualité de vie pour les riverains, affirme Christian Savard, directeur général de l'organisme Vivre en ville.

Personnellement, si j'avais à choisir laquelle je ferais en premier, c'est Laurentienne.

Une citation de Christian Savard, directeur général, Vivre en ville
Esquisse du projet de boulevard urbain

Esquisse du projet de boulevard urbain par des étudiants en design à l’Université Laval (Image d'archives).

Photo : Accès Transports Viables

Les gains qui seraient obtenus d'une conversion de Dufferin-Montmorency sont aussi indéniables, précise-t-il. Il y a des impacts intéressants pour l'adaptation aux changements climatiques, pour redonner de la place aux battures et un accès à l'eau. Je ne bouderai pas mon plaisir si on fait Dufferin en premier.

Politique

S'il donne l'avantage à Laurentienne, M. Savard n'est pas étonné de voir la CAQ prioriser Dufferin-Montmorency. Le projet de transformation de l'autoroute Laurentienne est politiquement et techniquement plus difficile à faire passer, selon lui.

La complexité des choix à faire pour Laurentienne est plus grande. [...] Il y a des questions et des choix un peu définitifs, croit-il. C'est une autoroute plus occupée. Comment on va desservir l'axe nord-sud et nord-ouest à Québec, le transport en commun? Où met-on les voies réservées et les autres modes de transport?

Dufferin-Montmorency serait davantage un fruit mûr. C'est une des rares autoroutes qui ne s'est pas remplie, qui est clairement très surdimensionnée. Tout le monde voit qu'il y a de l'espace pour faire des choses, expose M. Savard.

La configuration y est aussi plus simple que Laurentienne, imbriquée dans un tissu urbain plus complexe. En bordure du littoral, il imagine un chantier de retrait des voies de circulation et l'aménagement du parc linéaire sans trop d'embûches ni perturbations, mise à part la proximité du fleuve.

Christian Savard, Vivre en ville

Christian Savard est le directeur général de Vivre en ville

Photo : Radio-Canada / Vincent Rességuier

Le legs est aussi plus intéressant pour la CAQ avec Dufferin-Montmorency, surtout en y imbriquant la phase 4. Tout le monde a vu aussi la promenade Samuel-De Champlain, avec les autres phases, à quel point c'est intéressant. Disons que les astres sont mieux alignés pour le dossier Dufferin-Montmorency.

L'acceptabilité sociale est aussi au rendez-vous, poursuit-il. La Ville, le provincial et les citoyens sont quasi unanimes. On peut être optimiste. Ce gouvernement-là se cherche des bonnes nouvelles dans la région. [...] Voilà enfin une occasion de faire quelque chose.

L'une des seules préoccupations de Christian Savard pour Dufferin-Montmorency est financière. Les questions budgétaires m'inquiètent, dit-il.

L'autre est politique. Après deux décennies à voir les gouvernements tergiverser sur de grands dossiers, comme le réseau structurant de transport en commun, M. Savard se garde une réserve sur tout ce qui touche les projets de mobilité dans la capitale.

Il faut rester prudent quand il y a des annonces en transport dans la région de Québec.

Une citation de Christian Savard, directeur général, Vivre en ville

Marcher et mâcher de la gomme

L'organisme Accès transports viables plaide depuis longtemps pour la transformation de Laurentienne.

Cela n'empêche pas sa porte-parole, Angèle Pineau-Lemieux, d'applaudir sans réserve les récentes annonces touchant Dufferin-Montmorency. C'est un projet qui, dans la façon dont c'est mené actuellement, a tout ce qu'il faut pour réussir, déclare-t-elle avec optimisme. Pour moi, c'est une autoroute qui n'aurait jamais dû être construite. Ça traduit une vision qui a changé au Québec sur comment on a aménage nos bords de fleuve.

Angèle Pineau-Lemieux prend la pose.

Angèle Pineau-Lemieux est porte-parole d'Accès transports viables (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pascale Lacombe

Elle croit cependant que le gouvernement provincial doit faire plus. À mon sens, on devrait être capable de marcher et de mâcher de la gomme en même temps. Il y a manque de leadership du ministère des Transports et de la Mobilité durable pour Laurentienne, dénonce-t-elle.

Elle est d'avis que les dossiers sont complémentaires et que ce serait une erreur d'écarter l'un ou l'autre. Dufferin-Montmorency offre une perspective de réappropriation du fleuve.

Ce sont des projets qui remplissent tellement deux fonctions différentes. Pour moi, si on n'est pas capable de faire ces deux choses-là en même temps, on a un gros problème.

Une citation de Angèle Pineau-Lemieux, porte-parole, Accès transports viables

Avec Laurentienne, il y a la possibilité de reconnexion entre les quartiers, à l'entrée de la ville, au croisement de milieux déjà densifiés. [...] Il y a une opportunité de proposer une offre consédirable de logements, avec une proportion de logements sociaux abordables, explique Mme Pineau-Lemieux. Il n'y a pas énormément des secteurs comme ça en ville.

Parmi les similitudes aux deux transformations potentielles, elle note la possibilité de développer le transport actif et l'amélioration de la qualité de l'air par l'apaisement de la circulation, notamment.

À savoir si l'autoroute Laurentienne ne souffrirait pas d'un manque d'attractivité par rapport au décor que laisse présager la promenade Samuel-De Champlain, Angèle Pineau-Lemieux n'est pas d'accord. Je ne crois pas qu'il y a moins un effet wow pour Laurentienne.

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