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« Jaime Garcia », présumé passeur québécois de migrants

Un demandeur d’asile colombien qui vit à Saint-Hyacinthe se serait spécialisé dans le passage clandestin de migrants mexicains, selon la justice américaine, qui souhaite son extradition.

Un homme dans une voiture.

Jhader Augusto Uribe-Tobar est accusé par la justice américaine d’avoir organisé plusieurs passages clandestins entre le Canada et les États-Unis, dont l’un d’eux a récemment été mortel.

Photo : Facebook / Jaime Garcia

Au volant d’un VUS rouge le 1er septembre dernier, Jhader Augusto Uribe-Tobar a conduit quatre ressortissants mexicains sur la petite route de la montée Glass, à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Cette voie est bien connue des autorités canadiennes puisqu’elle est parallèle à la frontière canado-américaine et qu’elle relie le célèbre chemin Roxham à l'autoroute 15, qui mène à l'État de New York.

Selon nos informations, ce secteur est régulièrement emprunté par des migrants qui souhaitent se rendre clandestinement aux États-Unis en empruntant, à pied, les boisés et les champs voisins.

C’est à cet endroit qu’a notamment été retrouvé, le 4 janvier 2023, le corps de Fritznel Richard, un Haïtien qui voulait quitter le Canada. Cet homme est décédé d'hypothermie.

Toutefois, en cette fin d’été, ni le conducteur, Uribe-Tobar, ni ses passagers n'ont eu le temps de quitter leur véhicule pour gagner les bois. Interpellés par un agent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui a vérifié leur identité et leur statut au Canada, ils ont finalement pu repartir.

Quelques heures plus tard, les quatre mêmes Mexicains ont retenté leur chance. Le succès a été de courte durée. Dès leur traversée, ils se sont fait arrêter par des agents américains.

Un père de famille en attente d’un statut de réfugié

Ces informations figurent dans des documents judiciaires déposés à la Cour supérieure du Québec, qui doit statuer sur une demande d’extradition formulée par les États-Unis. À leur demande, Uribe-Tobar a été arrêté par la GRC à la fin décembre avant d’être placé en détention provisoire dans une prison montréalaise.

Selon son avocat, ce père de famille de 35 ans, originaire de la Colombie, est arrivé au Canada il y a environ 18 mois pour demander l’asile avant de s’installer dans un appartement de Saint-Hyacinthe, sur la Rive-Sud de Montréal.

Uribe-Tobar présente un danger pour le public.

Une citation de Extrait d’un résumé des faits présenté par la justice américaine

D’après la justice américaine, Uribe-Tobar serait impliqué dans plusieurs passages clandestins. Les Américains le soupçonnent également d’être à l'origine de la traversée mortelle d’Ana Karen Vasquez-Flores, le mois passé.

Le corps de cette ressortissante mexicaine a été retrouvé le 14 décembre par la police américaine dans la rivière Great Chazy, à proximité du village de Champlain.

D’après le témoignage de Samuel Métivier, un gendarme canadien, qu’a pu obtenir Radio-Canada, Uribe-Tobar a été aperçu le 11 décembre au côté de la future victime, qui était enceinte. C’est ce jour-là qu’Ana Karen Vasquez-Flores a été déposée à quelques encablures de la frontière.

Uribe-Tobar utilisait alors la même voiture, déjà interceptée le 1er septembre dernier, écrit l’agent de la GRC, qui donne également des détails sur la manière dont Vasquez-Flores et Uribe-Tobar sont entrés en contact.

De nombreuses annonces sur les réseaux sociaux

D'après ces documents judiciaires, Uribe-Tobar serait actif sur TikTok sous le pseudonyme de Jaime Garcia. C’est après avoir vu une annonce sur ce compte que le mari de Vasquez-Flores est entré en contact avec lui pour faire passer sa femme aux États-Unis.

Comme l’a déjà révélé Enquête, plusieurs réseaux criminels qui ont parfois des liens avec des cartels mexicains utilisent les réseaux sociaux pour promouvoir leurs offres de passages illégaux. Durant nos recherches, nous avions alors repéré une multitude d’annonces et de vidéos de Jaime Garcia provenant du même profil identifié par la justice américaine.

Depuis l’été dernier, d’après nos constatations, cet homme proposait également son service de transport sur un groupe Facebook privé destiné aux Mexicains installés à Montréal.

Nous avons un départ cette semaine pour Plattsburgh, écrivait-il par exemple le 6 septembre. Rapide et sécuritaire, précisait-il à plusieurs reprises, ajoutant des photos de drapeaux américains et canadiens ou encore des images de New York.

Dans ces annonces, Jaime Garcia indiquait régulièrement plusieurs numéros de téléphone avec des indicatifs de la région de Montréal et du Mexique. L’un d’eux figure dans les éléments de preuve destinés à la Cour supérieure du Québec. Ce numéro de téléphone serait aussi relié directement à Uribe-Tobar, d’après la Société de l’assurance automobile du Québec, précise la partie accusatrice.

Au moyen de son propre profil, il publiait également des photos de lui, de ses proches ou encore d’un revolver.

Une photo de Jhader Augusto Uribe-Tobar diffusée par la justice américaine.

Une photo de Jhader Augusto Uribe-Tobar diffusée par la justice américaine.

Photo : Radio-Canada / Extrait dossier judiciaire

Traversée mortelle à 2500 $

Visé par trois chefs d’accusation aux États-Unis liés au trafic d’êtres humains, Uribe-Tobar a demandé, selon la justice américaine, 2500 $ US au mari d’Ana Karen Vasquez-Flores, Miguel Mojarro-Magana, pour emmener sa femme aux États-Unis.

[M. Mojarro-Magana] a vu une publicité pour des passages du Canada vers les États-Unis sur TikTok, lit-on dans un résumé des faits.

Différents textos, avec un numéro relié à Uribe-Tobar d’après les documents judiciaires, ont par la suite été échangés entre les deux hommes. Jaime Garcia y évoque un trajet, sans guide, d'une durée allant de deux heures et demie à trois heures, selon la vitesse à laquelle on marche, avant d’envoyer les numéros d’un compte bancaire dans une banque américaine.

Durant la traversée de sa conjointe, Mojarro-Magana a aussi demandé des nouvelles à son interlocuteur. She is crossing, friend, a-t-il obtenu comme réponse. Les autorités américaines estiment qu’à cet instant, Uribe-Tobar dirigeait à distance Vasquez-Flores, qui a finalement été retrouvée, sans vie, par des policiers du bureau du shérif de Clinton le 14 décembre.

Incarcéré à la prison de Bordeaux et présent par vidéoconférence au Palais de justice de Montréal le 12 janvier, Uribe-Tobar n’a pas dit un mot au cours d’une courte audience à laquelle assistaient des proches, dont sa conjointe, enceinte, qui était en larmes sur les bancs du tribunal.

Son représentant, Luc Trempe, a obtenu un report de l’examen de cette demande d’extradition au 23 février, le temps d’examiner les preuves américaines.

C’est une situation humanitaire et humaine très difficile pour tout le monde en ce moment.

Une citation de Luc Trempe, avocat de Jhader Augusto Uribe-Tobar

Son client, qui ne parle ni français ni anglais, serait un peu en état de choc. On n’a même pas parlé des faits. Avant de nier quoi que ce soit, on verra le tout, a-t-il expliqué plus tard dans les couloirs du Palais du justice.

On sait qu’aux États-Unis, les sentences sont plus graves, souligne son avocat. Il risque l’expulsion [dans son pays d’origine].

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