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Cancers : Rouyn-Noranda va perdre son seul médecin oncologue

Un centre de cancérologie neuf avait ouvert en 2022 durant la saga de la pollution de la Fonderie Horne.

Le Centre régional de radio-oncologie de Rouyn-Noranda.

Le Centre de radio-oncologie régional de Rouyn-Noranda a coûté 48 millions de dollars.

Photo : Radio-Canada / Annie-Claude Luneau

Anne Savoie est sortie « ébranlée » du bureau de son médecin, mercredi. L’hémato-oncologue Samer Tabchi, le seul à Rouyn-Noranda et l’un des deux seuls en Abitibi-Témiscamingue, lui a appris une « très mauvaise nouvelle » : il va quitter la région.

Comme personne atteinte d'un cancer, la nouvelle est très insécurisante. On est fragile et on a peur que notre cas n'ait pas toute l'attention requise. On a même peur de ne pas recevoir les bons soins.

Une citation de Anne Savoie, patiente en oncologie à Rouyn-Noranda

L'annonce est d'autant plus difficile à avaler pour les patients que Rouyn-Noranda dispose d'un Centre de radio-oncologie régional flambant neuf, construit au coût de 48 millions de dollars.

Un appareil installé dans le Centre de radio-oncologie régional.

Cet appareil à la fine pointe de la technologie est installé dans le Centre de radio-oncologie régional.

Photo : Radio-Canada / Annie-Claude Luneau

Le Centre de cancérologie régional avait accueilli ses premiers patients en avril 2022, un mois avant que les résidents de Rouyn-Noranda apprennent qu'ils avaient proportionnellement plus de risque de souffrir d'un cancer du poumon que le reste des Québécois.

Qualité de l'air à Rouyn-Noranda

Consulter le dossier complet

Des maisons du quartier Notre-Dame près de la Fonderie Horne.

Inquiet de la pollution de la Fonderie Horne

Il m’a dit, carrément, que la première raison [de son départ] était la qualité de l’air, que c’était en grande partie à cause de la Fonderie, raconte sa patiente, encore sous le choc. Le pire, c’est qu’on comprend, ajoute Anne Savoie.

C'est un médecin spécialiste des cancers. La qualité de l'air à Rouyn-Noranda est clairement insatisfaisante. Il sait les impacts que ça a sur sa santé et celle de sa famille. Et il n'a pas envie de faire un long chemin dans notre ville. C'est ça qu'il m'a dit.

Une citation de Anne Savoie, patiente en oncologie à Rouyn-Noranda

Selon nos sources, le Dr Tabchi, père d'un nouveau-né, a donné les mêmes raisons à d'autres patients et à des collègues.

Radio-Canada n'a pas été en mesure de confirmer ces informations avec le principal intéressé. Je préfère que les informations liées à mon départ soient communiquées via l’hôpital, nous a-t-il répondu. Nous mettions en place des stratégies pour éviter toute rupture de services.

Des maisons du quartier Notre-Dame près de la Fonderie Horne.

Le quartier Notre-Dame, près de la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda

Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Cotnoir

Le Dr Samer Tabchi faisait partie des 11 médecins membres du comité d’Initiative médicale pour l’action contre la toxicité environnementale (IMPACTE) qui avait remis un mémoire au ministère de l'Environnement du Québec, dans le cadre de la consultation publique sur le renouvellement de l’autorisation ministérielle de Glencore pour la Fonderie Horne en octobre 2022.

Aussi, avec une cinquantaine de médecins de Rouyn-Noranda, il avait écrit au premier ministre François Legault en juillet 2022 pour dénoncer l'exposition de la population aux contaminants atmosphériques issus de la Fonderie Horne, comme l'arsenic. Dans leur lettre (Nouvelle fenêtre), ils réclamaient que Québec applique les mêmes normes de qualité de l’air dans la ville que partout ailleurs dans le reste de la province.

Les médecins affirmaient, par ailleurs, que la situation avait un impact sur l’attractivité et le recrutement de main-d'œuvre spécialisée (entre autres pour le Centre régional de radio-oncologie) dans un contexte où il est peu attrayant pour de nouveaux arrivants de s’installer dans une ville où il existe des risques significatifs pour la santé des populations.

Il faudrait quatre hémato-oncologues dans la région

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, le CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue confirme qu'un des médecins a annoncé son intention de quitter la région, sans toutefois démissionner de son poste.

L'établissement annonce collaborer déjà avec l'Hôpital Sacré-Cœur de Montréal afin de compenser les postes vacants.

Le ministère de la Santé considère qu'il faut quatre postes en hématologie-oncologie dans la région. Mais, actuellement, deux de ces postes sont non pourvus et le départ du Dr Tabchi en vide un troisième.

Il ne reste qu'un seul médecin spécialiste en cancérologie, à Val-d'Or, pour toute l'Abitibi-Témiscamingue.

Dans un échange de courriel avec Radio-Canada, la conseillère aux relations médias et affaires publiques du CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal, Clara Meagher, a indiqué que l'établissement de santé allait prêter main-forte à Rouyn-Noranda, ajoutant qu'avant l'arrivée d'une équipe à Rouyn-Noranda en 2022, notre CIUSSS en assurait la couverture.

Nous reprenons également temporairement la couverture à Rouyn-Noranda.

Une citation de Clara Meagher, relations médias et affaires publiques, CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal

C’est un problème d’attractivité de la région

Un seul oncologue, ce n’est clairement pas suffisant, reconnaît Normand Blais, président de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec.

Avec le départ du dernier spécialiste en cancérologie de Rouyn-Noranda, le Dr Blais déplore une perte d’expertise pour les patients et une perte d’une ressource médicale vraiment précieuse.

Il va falloir être créatif et proposer des solutions alternatives.

Une citation de Dr Normand Blais, président de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

Le Dr Blais évoque l'idée d'instaurer des programmes de télémédecine, en s'inspirant de ce qui se fait en Alberta et au Nouveau-Brunswick.

On n'a pas le choix, selon lui, car l'Abitibi-Témiscamingue fait face à un problème d’attractivité.

Ami personnel du Dr Tabchi, le Dr Blais explique que c’est quelqu’un qui avait vraiment la volonté d’aider la région quand il s’est installé là, mais, avec sa famille, ses priorités ont changé et ça motive sa réflexion.

Un groupe de personnes prend la pose lors de la coupure du ruban.

Inauguration du Centre de cancérologie de Rouyn-Noranda, en novembre 2022.

Photo : Radio-Canada / Gabriel Poirier

Le président de l'Association des médecins hématologues et oncologues pense que la construction du Centre de radio-oncologie régional de Rouyn-Noranda était un risque dès le départ. Il y a un politicien qui a promis qu’il y aurait un centre et ça s’est fait [...] C'est politique.

Ce n’est pas un système de santé qui fonctionne bien, ajoute le Dr Blais. On est dans un système de santé actuellement qui est sous-considéré, la planification du développement laisse à désirer. On croule sous la pression.

Ce qui m’inquiète, c’est qu’au Québec, il y a plusieurs régions qui sont dans un besoin important de plusieurs spécialités médicales, dont l’hémato-oncologie.

Une citation de Dr Normand Blais, président de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec

Le CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue assure être en processus continu de recrutement, car il ne manque pas que des hémato-oncologues.

En novembre 2021, il manquait plus des deux tiers des technologues nécessaires au bon fonctionnement du Centre de radio-oncologie, ce qui a forcé le report de son ouverture. Ce centre était attendu depuis des années, dans la région, alors que les patients devaient parcourir des centaines de kilomètres pour recevoir des soins à Montréal ou à Gatineau.

Avec la collaboration d'Annie-Claude Luneau

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