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Analyse2024, une année complexe en économie

Un drapeau du Canada vu suspendu entre des édifices à Bay Street, à Toronto.

À Bay Street, cœur financier de Toronto, comme dans les milieux économiques partout au pays, on surveille notamment la possibilité d'une récession en 2024.

Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette

C'est une année difficile sur le plan économique qui s’amorce. Après l’avoir annoncée pour 2023, plusieurs prévisionnistes évoquent la possibilité d’une récession au Canada en 2024. Toutefois, à leur avis, elle sera modeste et de courte durée, alors qu’une série de baisses de taux d’intérêt est sur le point de s’amorcer, ce qui devrait faire remonter la confiance des ménages et des entrepreneurs.

Combien de baisses de taux sont à prévoir en 2024? Grande question! Je suis convaincu que vous êtes nombreux à espérer des baisses de taux qui viendraient tôt dans l’année et à plusieurs reprises.

Or, selon les économistes de la Banque Nationale, le taux directeur au Canada passera de 5 % à 3,25 % d’ici la fin de l’année. À raison de 25 points de base chaque fois, cela voudrait donc dire que la Banque du Canada viendrait baisser son taux directeur à sept reprises sur les huit annonces prévues en 2024.

Il n’est pas impossible que la banque centrale accélère sa réduction de taux, si elle constate que l'inflation fléchit plus rapidement que prévu et que le chômage monte plus vite qu’attendu.

Quoi qu’il en soit, la première annonce de l’année surviendra le 24 janvier et il est peu probable que la Banque du Canada lance sa séquence de baisses à ce moment, selon les économistes. Les possibilités de baisse lors des réunions suivantes sont toutefois plus élevées. La deuxième décision de l’année est prévue le 6 mars et la troisième, le 10 avril.

Les experts de Desjardins et de la CIBC prévoient un recul un peu moins important du taux directeur au cours de l’année, à 3,5 % à la fin de 2024. La RBC, pour sa part, est d’avis que les attentes sur la réduction des taux sont beaucoup trop élevées. Elle ne prévoit que quelques baisses, jusqu’à 4 % à la fin de l’année, pas davantage.

Il faut dire que la lutte contre l’inflation n’est pas tout à fait gagnée. La cible de la banque centrale est une inflation à 2 %. À l'heure actuelle, le taux est à 3,1 %. Selon les économistes des grandes banques, tout semble indiquer que le taux d’inflation au Canada se situera entre 1,9 % et 2,1 % à la fin de l’année 2024.

Or, si la baisse de l’inflation de 8 % à 3 % a été relativement rapide, le passage de 3 % à 2 % est plus difficile. Le taux d’inflation au pays était rendu à 2,8 % en juin dernier, mais a remonté à 4 % en août. Aux États-Unis, on constate aussi que la décélération de l’inflation est difficile : de novembre à décembre, le taux d’inflation est passé de 3,1 % à 3,4 %.

Stagnation, récession, immigration

Tout semble indiquer qu’il faudra cependant passer par la case récession au Canada en 2024 selon Desjardins, qui prévoit une hausse du PIB de seulement 0,1 % au pays sur l’ensemble de l’année. La récession sera courte, toutefois, et sera concentrée dans le premier semestre de l’année.

Cela dit, dans une note économique publiée mercredi, Desjardins affirme que la récession pourrait être deux fois plus longue si le Canada devait réduire l’accueil de résidents non permanents, surtout de travailleurs étrangers temporaires et d'étudiants étrangers.

Le Canada a accueilli plus de 450 000 nouveaux résidents permanents au cours des 12 mois précédant le 1er octobre 2023, en plus de 800 000 résidents non permanents, un record. La forte hausse du nombre de travailleurs temporaires est attribuable à la pénurie de main-d’œuvre alors que les entreprises cherchent, par tous les moyens, à trouver des employés. Le gouvernement du Canada a introduit des mesures pour faciliter leur venue au pays.

On s’attend toutefois à un ralentissement marqué de l’accueil de résidents non permanents dans les prochains mois, soit la moitié du nombre de 2023 pour l’année 2024, et encore la moitié de ce nombre en 2025. Si le Canada réduisait davantage l’accueil de travailleurs étrangers temporaires et d’étudiants étrangers, le PIB réel pourrait baisser de 0,7 % en 2024 et la croissance moyenne prévue de 2025 à 2028 pourrait passer de 1,95 % à 1,78 % annuellement, selon les estimations de Desjardins.

En retour, en doublant les projections attendues d'accueil d’immigrants temporaires, le PIB réel pourrait augmenter de 1 % en 2024 selon les estimations de Desjardins, ce qui permettrait au pays d’éviter une récession. Mais le danger serait d’alimenter l’inflation et surtout la crise du logement, qui est particulièrement aiguë au Canada.

D’ailleurs, la croissance démographique demeure le principal moteur de l’économie canadienne. Selon le graphique suivant préparé par la Banque Nationale, le Canada a connu une croissance de 3,2 % de sa population du troisième trimestre de 2022 au même trimestre en 2023. C’est largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE, qui est à 0,6 %.

Toutes les provinces au pays ont connu une croissance deux fois plus rapide que celle de l’OCDE, du Québec (à 2,5 %) jusqu’à l’Alberta (à 4,3 %).

Par ailleurs, la Banque Nationale prévoit des baisses du PIB de 1,1 % et de 1,3 % au cours des deux premiers trimestres. Pour l’ensemble de l’année, les économistes de la banque prévoient une réduction du PIB de 0,2 %. Cela dit, les économistes sont de plus en plus hésitants à déclarer l’économie en récession après avoir simplement constaté deux trimestres négatifs consécutifs.

L’évaluation doit être plus large, selon plusieurs experts. Selon le National Bureau of Economic Research des États-Unis, qui définit les cycles économiques au sud de notre frontière, une récession est marquée par un déclin significatif de l’activité économique qui s’est propagé à l’ensemble de l’économie et qui dure davantage que quelques mois.

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a déclaré, pendant le temps des Fêtes, que le Québec n’était pas en récession, malgré deux trimestres négatifs de suite. Le PIB a baissé de 1,9 % au deuxième trimestre et de 0,8 % au troisième trimestre, en rythme annualisé. Malgré cela, la demande intérieure est en hausse et le chômage demeure faible. Il est difficile, selon lui, de se contenter de la définition technique des deux trimestres négatifs pour annoncer une récession au Québec.

En attendant qu’un débat émerge à ce sujet, un jour, à l’Association des économistes du Québec, restons dans les nuances : l’économie du Québec stagne.

Cela dit, le taux de chômage, qui se situe à 5,8 % au pays actuellement, va monter à 6,1 % à la fin de l’année 2024 selon la CIBC, à 6,5 % selon RBC, à 6,8 % selon la prévision de Desjardins et même à 7 %, de l’avis des économistes de la Banque Nationale.

À surveiller

Dans les circonstances, Eric Girard tout comme son homologue Chrystia Freeland à Ottawa font face à des défis de taille pour tenter de conserver le contrôle de leur plan de match budgétaire.

À Québec d’abord, le ministre Girard tentera-t-il de maintenir, coûte que coûte, sa trajectoire vers l’équilibre budgétaire, malgré les dépenses supplémentaires prévues dans le cadre de l’entente avec le Front commun du secteur public, d’au moins 11 milliards de dollars par année à terme? Voudra-t-il absolument rester fidèle à sa planification budgétaire, malgré le ralentissement de l’économie et la hausse des coûts d’intérêt de la dette?

Les consultations prébudgétaires sont lancées. Il sera intéressant de voir ce que les acteurs socio-économiques du Québec vont lui suggérer au cours des prochaines semaines. S’il faut maintenir le plan d’équilibre budgétaire tel quel, dans quels services va-t-on couper? Et si on revoit les projections budgétaires, quelle sera la feuille de route pour revenir à l’équilibre?

À Ottawa, pendant ce temps, la ministre des Finances fait face à des pressions de toutes parts. D’un côté, les économistes Robert Asselin et Theo Argitis (Nouvelle fenêtre), du Conseil canadien des affaires, soulignent que les dépenses de programmes du gouvernement Trudeau représentent 17,8 % du PIB pour les deux prochaines années. C’est le niveau de la période de 1996 à 1998, au moment où le ministre des Finances de l’époque, Paul Martin, amorçait une grande consolidation budgétaire de l’État.

De plus, les coûts d'intérêt de la dette canadienne ont monté de 37 % du troisième trimestre 2022 au troisième trimestre 2023. Que doit donc faire Chrystia Freeland dans les circonstances, toujours dans un contexte de gouvernement minoritaire ayant conclu une entente avec le NPD qui exige des dépenses sociales supplémentaires?

Les budgets seront particulièrement intéressants cette année.

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