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Non, les vaccins contre la COVID-19 n’ont pas fait 17 millions de morts

Un travailleur essentiel reçoit une dose d'un vaccin contre la COVID-19 au Vancouver General Hospital, le 4 mars 2021.

La vaccination contre la COVID-19 permet de réduire les risques de complications de la maladie.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

La campagne de vaccination contre la COVID-19 n’a pas mené à des millions de morts, comme l'a prétendu un ex-professeur de l'Université d'Ottawa lors d’une entrevue à l’émission du complotiste Alex Jones sur le réseau X, lundi.

Denis Rancourt, un ex-professeur de l’Université d’Ottawa, était invité cette semaine à participer à l’émission Infowars d’Alex Jones. Cette apparition survenait trois jours après que l’émission de Tucker Carlson eut évoqué les affirmations de M. Rancourt, qui soutient que les vaccins contre la COVID-19 ont fait au moins 17 millions de morts dans le monde.

Dans sa longue entrevue avec M. Jones, Denis Rancourt a fait référence à son analyse de quelque 180 pages publiée en septembre 2023.

Appelé à réagir au lendemain de cette déclaration, l’épidémiologiste et professeur associé à l'Université d'Ottawa, le Dr Raywat Deonandan, ne mâche pas ses mots. C’est une analyse ridicule et c’est la raison pour laquelle elle n’a jamais été examinée par des pairs ou publiée dans une revue scientifique. Ç'a été publié sur un site quelconque. Ce n’est pas de la science.

D’abord, il souligne que M. Rancourt, qui a une formation en physique, n’est un expert ni en médecine ni en épidémiologie.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Précisons que M. Rancourt a été licencié de l’Université d’Ottawa en 2009 parce qu'il aurait donné des notes frauduleuses à 23 de ses étudiants. Il a contesté son congédiement devant un arbitre des relations du travail, mais a perdu sa cause.

Il a aussi été débouté par la Cour supérieure après avoir été poursuivi en diffamation.

M. Rancourt dit désormais être l'un de trois chercheurs associés pour le groupe CORRELATION – Research in the Public Interest, un groupe qui dit mener de la recherche scientifique interdisciplinaire.

Capture d'écran montrant Alex Jones en discussion avec Denis Rancourt.

Denis Rancourt en discussion avec le conspirationniste Alex Jones

Photo : X

Une étude absurde

Selon la Dre Lynora Saxinger, spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de l'Alberta, cette analyse bizarre [...] va à l’encontre de toutes les données fiables ainsi que de l’expérience vécue par les personnes qui ont souffert à cause de la COVID-19.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (Nouvelle fenêtre), la COVID-19 aurait tué au bas mot 7 millions de personnes depuis le début de la pandémie. Toutefois, de nombreuses études (Nouvelle fenêtre) qui analysent la surmortalité estiment que ce nombre est sous-estimé et que le bilan dépasserait facilement les 14 millions de morts.

La COVID-19 est aussi en grande partie responsable de la baisse de l’espérance de vie dans le monde, selon plusieurs études.

Je pense que lorsque les gens entendent 17 millions [de morts] et qu'ils voient un gros document et des graphiques, ils pensent qu’il faut peut-être y croire, mais cette analyse comporte de nombreux problèmes, dit la Dre Saxinger.

Pour arriver au nombre de 17 millions de morts par la vaccination, M. Rancourt dit avoir utilisé les données de surmortalité parce qu’il s’agit de la donnée la plus fiable pour détecter et caractériser les événements épidémiologiques causant la mort et pour évaluer l'impact au niveau de la population.

S’il est vrai que la surmortalité permet de mieux calculer le nombre de morts en raison de la COVID-19, l’interprétation faite par M. Rancourt est absurde et erronée, tranche le Dr Deonandan.

L'épidémiologiste comprend mal pourquoi M. Rancourt a étudié seulement 17 pays pour arriver à cette estimation, alors que d’autres données existent. Soulignons que les pays choisis par M. Rancourt sont tous situés dans l’hémisphère Sud, où le taux de mortalité en raison de la COVID-19 est très élevé. C’est très commode, note-t-il.

Il ajoute que M. Rancourt ignore aussi toutes les données avant l'arrivée des vaccins, qui montrent pourtant une très grande surmortalité au début de la pandémie (Nouvelle fenêtre).

Selon le Dr Deonandan, de nombreuses études, publiées dans des revues scientifiques, ont montré que les courbes de surmortalité suivent (Nouvelle fenêtre) presque exactement les courbes d’infection. La COVID-19 est la cause de cette surmortalité, pas les vaccins.

Et surtout, critique le Dr Deonandan, son analyse ne tient pas compte du statut vaccinal des personnes décédées. Ainsi, comment peut-il affirmer avec certitude que ces morts ont été causées par les vaccins, alors qu’il ne sait même pas si la personne avait été vaccinée?

Selon la Dre Saxinger, l’analyse de M. Rancourt se base tout simplement sur l'idée que la pandémie de COVID-19 n’a jamais existé.

C’est l’élément crucial. Il ignore complètement la possibilité que les morts aient été causées par la COVID-19, dit le Dr Deonandan.

Son analyse nie le fait que la COVID-19 a provoqué une pandémie.

Une citation de Dre Lynora Saxinger, spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de l'Alberta

En fait, dans son entrevue, M. Rancourt soutient que toutes les pandémies du passé, y compris celle de 1918 (grippe espagnole), n’ont pas été causées par des virus respiratoires. Il qualifie les pandémies de propagande.

La Dre Saxinger ajoute que M. Rancourt a fait d’autres déclarations erronées sur la COVID-19 dans le passé. Il a notamment véhiculé de fausses informations (Nouvelle fenêtre) concernant l’utilité du masque pour prévenir la transmission du SRAS-CoV-2.

Dans un courriel, M. Rancourt conteste l'affirmation selon laquelle il nie l'existence de la pandémie. Par ailleurs, M. Rancourt dit avoir analysé les données de plus de 100 pays, même si son analyse ne fait mention que de 17. Il affirme que son analyse aurait été acceptée par une revue médicale (sans spécifier laquelle) pour publication dans le prochain mois.

Pour Timothy Caulfield, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit et la politique de la santé à l'Université de l'Alberta, il est remarquable que ce type de fausseté continue de circuler.

Pourtant, l’analyse de M. Rancourt a été de nombreuses fois démentie, notamment par l’AFP (Nouvelle fenêtre) et la BBC (Nouvelle fenêtre).

Après la publication de l’entrevue de M. Rancourt à Infowars, Timothy Caulfield a tenu à énumérer sur son compte X une dizaine d’études qui démontrent que les vaccins ont sauvé des millions de vies.

Parmi ces études, il y a celle de l’Université du Minnesota (Nouvelle fenêtre), qui montre que les vaccins ont permis de sauver 2,4 millions de personnes dans les huit premiers mois de la vaccination. Il cite deux autres études (Nouvelle fenêtre) qui tirent la même conclusion. Et celles publiées dans Nature (Nouvelle fenêtre) et dans The Lancet (Nouvelle fenêtre) montrent que la vaccination contre la COVID-19 réduit le risque de décès.

En fait, davantage de vies auraient pu être sauvées si les vaccins avaient été distribués plus équitablement et plus rapidement. Cela aurait également contribué à réduire le fardeau sur les systèmes de santé et à atténuer les risques de COVID longue, dit M. Caulfield.

Timothy Caulfield et la Dre Saxinger se désolent de voir que des gens choisissent encore d'ignorer la montagne de preuves et de données.

Il semble que ces personnes ne font confiance à aucun expert, professionnel de la santé, organisme de santé publique ou gouvernement, dit la Dre Saxinger. Elle se console en indiquant que ces personnes ne sont qu’une minorité, même si elles occupent un grand espace sur les réseaux sociaux.

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