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Vert… la couleur de la diplomatie canadienne

Les discussions sur le climat sont-elles devenues le nouvel outil du Canada pour maintenir le dialogue avec des pays qui ont des relations tendues avec Ottawa?

Steven Guilbeault.

Le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Cette année, le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a été le premier ministre du Cabinet à se rendre en Chine depuis cinq ans, soit depuis l’affaire Meng Wanzhou.

Il est aussi le seul à avoir rencontré un membre du gouvernement indien depuis qu’Ottawa a soulevé des soupçons sur la participation de New Delhi dans l’assassinat d’un leader sikh au Canada.

Entrevue avec un ministre qui parvient à se glisser derrière les lignes ennemies.


Steven Guilbeault.

Le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Les relations Canada-Chine

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Des drapeaux du Canada et de la Chine.

J’ai parlé avec mon homologue indien à la COP28, avec mon homologue chinois, ça va super bien…, lance candidement Steven Guilbeault. Pourtant, les deux dernières réunions du G20 ont mis en lumière les relations à couteaux tirés entre le premier ministre Justin Trudeau et les leaders indiens et chinois.

C'est plus facile pour moi parce que je n'ai pas besoin de parler aux Chinois ou aux Indiens des choses qui divisent.

Une citation de Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

C’est l’organisation de la COP15 sur la biodiversité à Montréal qui a été le point de départ pour le ministre  Guilbeault. Lorsque l’ONU a demandé au Canada d’accueillir la rencontre présidée par la Chine en raison de la pandémie, Justin Trudeau n’était pas enthousiaste.

Le premier ministre n’était pas sûr au début et, finalement, il a dit OK. Mais, c’est ta tête qui est sur le billot et il faut que tu livres, se rappelle Steven Guilbeault.

Puis, au cours des mois qui ont suivi, la pression a monté d’un cran lorsque de nouveaux rebondissements diplomatiques ont assombri encore plus les relations entre Pékin et Ottawa et, par conséquent, ralenti l’organisation du sommet.

Quand on a annoncé que Huawei ne pourrait pas participer au réseau 5G, il n’y avait plus de son, plus d'image, raconte le ministre. Pendant un mois, la Chine ne retournait pas les courriels, et les rencontres prévues étaient annulées.

Tranquillement, le contact s’est rétabli, même si les tensions entre la Chine et le Canada, elles, ne se sont pas dissipées, bien au contraire. Quand le premier ministre et le président [Xi] se sont un peu engueulés au G20, je me suis dit : Aïe! Là, ils ne me parleront plus pendant deux mois! , relate-t-il.

Huang Runquio, ministre de l’Écologie et de l’Environnement de la Chine, et Steven Guilbeault, ministre canadien de l'Environnement et du Changement climatique.

Huang Runquio, ministre de l’Écologie et de l’Environnement de la Chine, était le coprésident de la COP15 sur la biodiversité à Montréal.

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

Ses craintes ne se sont toutefois pas avérées, et le dialogue a été maintenu. Tout comme lorsque le Canada a forcé les entreprises chinoises qui ont des liens avec le régime à céder leurs intérêts dans l’industrie canadienne des minéraux critiques.

À un moment donné, ils ont décidé que sur le climat, sur la biodiversité, sur les questions environnementales, on était un partenaire fiable, puis c'est comme ça depuis.

Une citation de Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

La relation entre les deux ministres de l’Environnement n’a plus jamais été compromise par les refroidissements diplomatiques entre Pékin et Ottawa, si bien que Steven Guilbeault a été invité l’été dernier en Chine par son homologue. Cette visite a donné des résultats au-delà des questions environnementales, selon lui.

Le simple fait de pouvoir y aller, puis de pouvoir rétablir un contact a permis à l'ambassadrice de rencontrer des gens du gouvernement chinois qu’elle n'avait pas encore réussi à rencontrer depuis son arrivée, explique-t-il.

Cette visite au nom du climat lui a pourtant attiré un lot de critiques. Ce voyage ayant eu lieu au moment où les partis politiques tentaient à Ottawa de s’entendre sur les modalités d’une commission d’enquête publique sur l’ingérence chinoise. Les conservateurs n’ont pas hésité à le traiter de grand naïf et à l’accuser d’agir comme un amateur en jouant le jeu de Pékin.

Pour le ministre, toutefois, l’expérience a été à ce point concluante qu’elle sera renouvelée en 2024. Et cette fois, Steven Guilbeault pourrait ne pas être le seul ministre à faire le voyage.

Peut-être que puisque ça va être la deuxième fois que je vais y aller, il y a quelqu'un d'autre dans le gang qui va pouvoir venir, parce qu' ils vont être plus à l'aise, dit-il.

Steven Guilbeault, ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, sert la main du ministre indien de l’Environnement, Bhupender Yadav, lors de la COP15 sur la biodiversité à Montréal.

Steven Guilbeault rencontre le ministre indien de l’Environnement, Bhupender Yadav.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Le même scénario pourra-t-il se produire avec l’Inde?

Le Canada et l’Inde ont une entente de coopération sur les questions environnementales et climatiques, mais la collaboration est au point mort depuis que Justin Trudeau a affirmé avoir des raisons de croire que l’Inde pourrait être impliquée dans le meurtre d’un leader sikh de la Colombie-Britannique.

Malgré cela, Steven Guilbeault ne baisse pas les bras. Il a par ailleurs rencontré son homologue indien lors de la COP28 à Dubaï. On s’est donné comme objectif d’essayer que ça continue. Je ne suis pas sûr de pouvoir dire que ça va continuer, mais nous, on s’est dit qu'on va essayer, résume-t-il.

Il a également continué de travailler avec la ministre égyptienne de l’Environnement après qu’une dispute sur la question des visas a éclaté entre Ottawa et Le Caire, plus tôt cette année.

Comble de l’ironie, c’est le ministre chinois de l'Environnement qui les a rapprochés lors de la COP15 sur la biodiversité à Montréal en leur demandant d’agir ensemble à titre de facilitateurs. Un rôle qu’ils ont repris à la COP28, cet automne, à Dubaï.

La ministre égyptienne de l’Environnement, Yasmine Fouad, et Steven Guilbeault lors de la COP28 sur le climat de l’ONU.

La ministre égyptienne de l’Environnement, Yasmine Fouad, et Steven Guilbeault lors de la COP28 sur le climat de l’ONU.

Photo : Associated Press / Peter Dejong

Le ministre ne s’en cache pas, il veut mettre à profit l'avantage de pouvoir établir un dialogue sur l’environnement sans devoir d’abord aborder les différends. Je pense que c'est vraiment cette reconnaissance qu'on est tous dans le même bateau, puis que si on ne rame pas ensemble, on n’y arrivera pas, qui permet ces discussions, estime-t-il.

Je pense qu’on aimerait ça poursuivre. Ça nous permet d’avoir des conversations avec des gens avec qui c’est difficile.

Une citation de Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique

Il espère maintenant que ses relations au nom de l’environnement permettront à tout le moins de garder les canaux de communication ouverts… ou même davantage.

On essaie vraiment de voir comment les contacts que je développe puissent servir, pas juste à moi et à la question environnementale, mais au pays et à notre diplomatie, conclut-il.

Avec la collaboration de Marie Chabot-Johnson

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