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La belle année 2023 du livre québécois en France

Les romans québécois sont empilés sur une table.

La Librairie du Québec à Paris existe depuis 1995.

Photo : Radio-Canada / Antoine Aubert

Le Québec littéraire a particulièrement brillé cet automne, saison de remise des récompenses littéraires en France, avec trois prix – Médicis, Décembre et le Fémina des lycéens – décrochés par les écrivains Kevin Lambert et Éric Chacour. Un succès qui reflète l’engouement croissant de la France pour la littérature québécoise.

Voir des auteurs québécois être lauréats de prix d’envergure, c’est la consécration, se réjouit Karine Vachon, directrice générale de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL).

Cette reconnaissance vient couronner un intérêt pour la littérature québécoise qui ne fait que grandir de l’autre côté de l’Atlantique. De plus en plus de maisons d’édition du Québec exportent directement en France et de plus en plus d’éditeurs français achètent les droits d’ouvrages d’ici pour les publier dans leur pays.

Florence Noyer, la fondatrice de la maison Héliotrope qui édite entre autres Kevin Lambert, constate que la production littéraire québécoise suscite de l’enthousiasme en France.

Les Français la découvrent alors qu’ils ne la connaissaient pas avant, explique-t-elle. Il y a une volonté de regarder ce qui se fait en dehors de la France.

Bilans de l'année 2023 et perspectives pour 2024

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Un cadran illustre le passage de 2023 à 2024.

Une vision moins caricaturale

Yann Rioux travaille à la Librairie du Québec à Paris depuis 25 ans. Ce Québécois, désormais copropriétaire du commerce, a vu progressivement sa clientèle lui réclamer des romans, des BD ou des essais écrits au Québec, et non plus surtout des guides de voyage ou d’installation au Québec.

Le regard des Français envers le Québec a toujours été un peu paternaliste, raconte-t-il. L’intérêt pour la littérature québécoise de la part du grand public n’était pas très fort, et quand il était là, il portait plus sur des sujets folkloriques. Les gens me demandaient des livres sur la nature et les grands espaces.

Avant, les Français cherchaient surtout des livres qui parlaient du Québec rural d’une autre époque, précise Karine Vachon.

Au fil du temps, la perception a changé. On est passé d’un regard condescendant à un regard curieux, constate Yann Rioux. Peu à peu, les Français se sont dits que la modernité était du côté du Québec. Désormais, j’ai souvent des clients qui me disent : "vous êtes plus en avance"

Ainsi, la littérature québécoise actuelle plaît en partie grâce aux thèmes comme le féminisme, l’écologie, et l’identité queer qu’elle aborde. Florence Noyer a ainsi constaté un attrait grandissant pour les écrits de ses autrices féministes Martine Delvaux et Catherine Mavrikakis. Les textes québécois contemporains plaisent par leur actualité.

Très diversifiée, la littérature québécoise amène un vent de fraîcheur dans une France qui recherche une littérature audacieuse, portée par des voix fortes.

Une citation de Karine Vachon, directrice générale de l’ANEL

Même si l’image d’un Québec moderne progresse, le cliché de la cabane au Canada reste encore fort dans l’imaginaire français.

Pour Yann Rioux, le développement d’une littérature autochtone au Québec, mais aussi l’augmentation du nombre de romans ancrés en région viennent répondre aux attentes de celles et ceux qui connaissent encore mal le Québec. Par exemple, Kukum, de Michel Jean, a remporté plusieurs prix en France.

Michel Jean devant des rayons de livres.

L'auteur et journaliste québécois Michel Jean

Photo : Radio-Canada / Axel Tardieu

Autre évolution : la France se montre plus ouverte à différentes façons d’écrire en français. La particularité du français québécois est moins un sujet, observe Karine Vachon.

Il y a une liberté dans le style qu’on retrouve moins en France qu’ici, renchérit Simon Philippe Turcot, directeur général de la maison d’édition La Peuplade, dont la production est diffusée en France depuis 2018.

Selon lui, cette liberté fait même la force de la poésie québécoise, qui séduit la France, même si elle reste une niche. Quand on parle à des gens bien implantés en poésie en France, ils sont souvent assez admiratifs de ce qu’on fait au Québec, observe, lui aussi, Yann Rioux.

Des libraires qui font la différence

La présence de plus en plus forte des écrits québécois dans les librairies françaises est surtout le fruit d’un travail mené par les maisons d’édition du Québec et l’ANEL, par l’intermédiaire de son comité Québec Édition, qui œuvre au rayonnement international de l’édition québécoise depuis une trentaine d’années.

Le bassin de lecteurs et de lectrices est vaste en France. Le pays compte 68 millions d’habitants, contre 8,9 millions pour le Québec. Toutefois, la production littéraire française est pléthorique et le marché est dominé par des mastodontes de l’édition comme Hachette, Gallimard, Editis.

Événement incontournable de l’année culturelle en France, la rentrée littéraire, qui voit près de 500 nouveautés tenter d'atterrir dans les mains des lecteurs et lectrices, exige plusieurs mois de préparation en amont.

Pour se frayer un chemin vers le lectorat, il faut donc convaincre les libraires de faire une place aux livres québécois dans leurs rayonnages, ce qui nécessite une présence sur place.

Les libraires jouent un rôle de passeur exceptionnel. La France compte un énorme réseau de libraires, ils se parlent entre eux et partagent leurs coups de cœur.

Une citation de Karine Vachon, directrice générale de l’ANEL

Il faut travailler chaque libraire au corps et développer avec lui un rapport de confiance, de proximité, ajoute Florence Noyer.

Chez Héliotrope, une personne se consacre uniquement à développer des relations avec les libraires et les diffuseurs en France, et une autre a été spécifiquement recrutée pour faire connaître le catalogue aux journalistes.

Réseautage, rencontres, participation à des festivals, libraires et journalistes invités au Québec… L’ANEL et les maisons d’édition n’ont pas ménagé leurs efforts pour conquérir la France.

Ça passe beaucoup par les relations humaines, c’est un réseau qui se tisse tranquillement, note Simon Philippe Turcot. Le marché est très gros, mais il y a une manière artisanale de faire.

C’est très difficile, mais la Peuplade réussit bien. Maintenant, le travail qu’on fait en Europe fait partie de l’ADN de la maison. On peut vendre autant là-bas qu’ici.

Une citation de Simon Philippe Turcot, directeur général de La Peuplade

Bénéfique pour les ventes au Québec

Chaque maison d’édition a sa stratégie. Deux grands modèles ressortent : la cession de droits – les droits d’un roman sont achetés par un éditeur français – et la distribution directe en France.

Jusqu’à présent, Héliotrope avait opté pour la cession de droits. Que notre joie demeure, de Kevin Lambert, est ainsi sorti en France, aux éditions du Nouvel Attila, et non sous la bannière de Héliotrope.

Kevin Lambert

L'auteur québécois Kevin Lambert

Photo : Photo Julia Marois

Toutefois, la maison d’édition montréalaise à décidé de se lancer à l’assaut de l’Europe francophone, mais avec humilité, un livre à la fois, comme le dit Florence Noyer. Ainsi, Héliotrope espère mieux mettre en lumière le travail des auteurs et autrices de son catalogue.

En cession de droits, on arrive à céder un titre, mais pas nécessairement l’ensemble des titres des auteurs que nous publions, alors que notre politique est d’accompagner nos auteurs, livre après livre.

Plus la littérature québécoise se fait connaître en France, plus elle séduit les bibliophiles, plus elle intéresse l’industrie, plus elle se fait remarquer par les membres des jurys des prix littéraires, plus elle est primée et plus elle se vend en France… mais aussi au Québec.

Les prix Médicis et Décembre ont relancé les ventes de Que notre joie demeure, qui était déjà un succès au Québec. Les ventes ont explosé cet automne.

Une citation de Florence Noyer, directrice de Héliotrope

Le Québec à l’honneur à Paris et à Angoulême

L'année 2024 s’annonce bien pour la poursuite de l’aventure de la littérature québécoise outre-Atlantique. En effet, le Québec sera l’invité d’honneur, en avril, du Festival du livre de Paris, qui a attiré plus de 100 000 personnes l’an dernier. Une formidable vitrine pour le livre québécois dont l’ANEL attend beaucoup pour faire encore davantage rayonner ses membres en France.

Sa délégation sera composée d’une dizaine d’auteurs et autrices, dont des têtes d’affiche, mais aussi des membres de la relève et des plumes qui gagnent à être découvertes. Seul le nom de la poète Hélène Dorion a été annoncé pour le moment.

L’ANEL ambitionne d’attirer les journalistes, une dizaine d’entre eux seront invités au Québec cet hiver pour y rencontrer des écrivains et écrivaines. On aimerait une visibilité médiatique de la littérature québécoise, qui aille au-delà de la couverture de l’annonce des prix littéraires, explique Karine Vachon.

Côté bande dessinée, le Festival d’Angoulême, la plus grosse manifestation francophone consacrée au neuvième art, braquera le projecteur sur le Canada, lors de sa prochaine édition en janvier.

Les Québécois font très bien de la BD à la franco-belge, souligne Yann Rioux. C’est d’ailleurs un Québécois, Delaf, qui a été choisi pour faire revivre le personnage de Gaston Lagaffe.

La Pastèque [une maison d’édition québécoise spécialisée en BD] connaît un succès tellement énorme ici que plein de Français croient que c’est … français.

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