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On achève bien les rockeurs, Lucien Francoeur dans le regard de sa fille

Une jeune femme et un homme sont accotés sur une décapotable sur une route dans du désert.

Virginie et Lucien Francoeur sur le bord de la route, entre Los Angeles et San Francisco.

Photo : Filmoption international

Virginie Francoeur lance vendredi son premier documentaire, Francoeur : on achève bien les rockeurs, une incursion intimiste dans l’esprit de son père Lucien. Au volant d’une décapotable, entre Los Angeles et San Francisco, le duo échange avec franchise sur la poésie, la musique, l’Amérique francophone, les peines et les excès du poète-rockeur.

Virginie Francoeur , née en 1987 à Montréal, est la fille unique de Lucien Francoeur et Claudine Bertrand, fidèle compagne de l'artiste qui est également poète. Depuis un bout de temps déjà, l'autrice, professeure et maintenant réalisatrice avait en tête de faire un documentaire sur son père, mais les choses se sont accélérées lorsqu’il a commencé à avoir des problèmes de santé.

Il y avait une urgence d’agir, et puis étant sa fille unique, j’étais la seule qui pouvait raconter son histoire, sa singularité, sa folie. Je voulais faire un portrait qui était authentique, qui rassemblait toutes ses facettes, explique la réalisatrice au téléphone, en compagnie de son père.

Je ne voulais pas simplement faire l’éloge de la vie de mon père, je voulais montrer des côtés plus sombres, et je pense que c’est ce qui rend le film plus humain.

La chercheuse et professeure en changement organisationnel à Polytechnique est aussi tombée dans la littérature, comme ses deux parents poètes. Elle a publié plusieurs livres, essais et recueils de poésie, dont Jelly Bean, un premier roman explosif lancé en 2018.

Francoeur : on achève bien les rockeurs est sa première expérience au cinéma. Elle a coréalisé le long métrage avec le producteur et réalisateur Robbie Hart, qui compte une soixantaine de documentaires à son actif.

Un bum, c’tun bum - Lucien Francœur

À 75 ans, Lucien Francoeur continue de vivre la vie de rockeur qu’il a toujours vécue, malgré son corps qui lui envoie des signaux d’alarme. Après un double pontage coronarien, relaté au début du documentaire, il a fait une surdose d’héroïne mélangée avec du fentanyl, mettant une fois de plus en péril le projet de film de sa fille, et surtout sa vie.

Papa, tu as encore l’aiguille dans le bras, les yeux dans le vide. Tu m’as si souvent promis que c’était la dernière fois, j’y ai cru. Pourquoi tu te fais autant de mal?, se demande Virginie Francoeur dans le film. Seras-tu capable de m’accompagner en Californie? Je veux te sauver, papa.

Un homme écrit, assis à un bar.

À son réveil, Lucien Francoeur se rend normalement au bar du coin pour déjeuner (rôties, bacon, bière et Jack Daniel's) et écrire de la poésie.

Photo : Filmoption international

La fragilité de l’irréductible rockeur plane d’ailleurs sur le périple qui est au cœur du documentaire. Ce n’est jamais expressément nommé, mais on comprend qu’il s’agit peut-être de l’un des derniers voyages du père avec sa fille; l'une des dernières occasions de réparer les pots cassés d’une relation autrement fusionnelle.

Un bum, c’tun bum. Quand un bum a son petit bébé dans les mains, t’as l’impression que t’es en train de renaître de tes propres cendres, mais très rapidement, la mouvance que tu as commencée à 14 ans vient te rattraper.

Une citation de Lucien Francoeur dans le documentaire Francoeur : on achève bien les rockers

Le voyage en Californie était aussi une tentative de rallumer la flamme créative de Lucien Francoeur , qui s’est de plus en plus isolé dans les dernières années, renouant avec ses mauvaises habitudes. C’est aussi une quête personnelle, je voulais sauver mon père, exorciser ses démons intérieurs, explique Virginie Francoeur .

La Californie, lieu de tous les fantasmes

La famille Francoeur entretient depuis longtemps une relation étroite avec la Californie. Les parents de Lucien y ont habité plus de 50 ans et y ont fini leur vie, sa sœur Carole y habite toujours et il s’y rendait chaque année avec sa fille et sa femme Claudine.

Pour le poète, le Golden State a toujours été un symbole de liberté, de fuite en avant. Ça a toujours été un lieu mythique. C’est là que tous les excès ont été commis depuis les années 1920, avec les bateaux qui arrivaient avec de l’opium, explique-t-il.

Un homme et une femme dans une décapotable vue de devant.

Lucien et Virginie au volant d'une décapotable en Californie: une image récurrente depuis 30 ans.

Photo : Filmoption international

Le mouvement beatnik est né à Venice, le mouvement hippie a émergé, avec le port du jeans Levi’s. L’appel de la Californie, au début des années 1960, était irrésistible. Tous les jeunes désertaient les foyers familiaux pour se rendre dans ce paradis-là, qui était la fin du continent.

C’est également à Venice, quartier de Los Angeles, que s’est formé le groupe The Doors, dont le chanteur Jim Morrison est l’idole incontestable de Lucien Francoeur . La Californie et l’Amérique en général imprègnent d’ailleurs plusieurs textes de son répertoire, truffé de franglais et de références à la culture populaire, comme le titre Hollywood en plywood de son groupe Aut’chose.

Un homme marche seul dans le désert alors que le soleil commence à se coucher.

Le cœur du poète a toujours été partagé entre le Québec et la Californie.

Photo : Filmoption international

Chanter comme le monde parle

Le documentaire aborde aussi d’autres facettes de l’artiste, comme sa carrière d’enseignant en littérature au cégep, ou encore celle d’animateur à la radio sur les ondes de CKOI FM, où il tenait la barre de l’émission du retour avec Michel Barrette. Une période exaltante que Lucien Francoeur qualifie toutefois de perversion dans [son] cheminement.

Il y a eu une descente aux enfers. C’était l’époque des discothèques, de la cocaïne, des limousines qui ne coûtaient pas cher [...]  J’ai risqué d’y perdre mon âme, explique-t-il.

Un homme chante dans un micro les yeux fermés.

Un jeune Lucien Francoeur s'époumone sur scène.

Photo : Filmoption international

Mais au-delà de tous les excès relatés dans le film, on retient surtout l’amour profond de Lucien Francoeur pour les mots, lui qui a passé sa vie à rendre la poésie accessible à un plus grand public. 

Mon objectif principal était de vulgariser la poésie, de reprendre là où Arthur Rimbaud avait laissé, explique-t-il dans une entrevue reprise dans le documentaire.

Pour moi, intégrer l’Amérique à mon discours poétique, dans le contexte québécois, c’était une façon de vulgariser la poésie. Utopiquement, je pensais que ces thèmes-là rendraient la poésie plus accessible.

Une citation de Lucien Francoeur

Selon sa fille Virginie, Lucien a sans aucun doute accompli cette mission, et c’est là peut-être son plus grand legs. Mon père disait "je chante comme le monde parle". Il voulait s’adresser à tout le monde, il ne voulait pas que la poésie soit réservée à une élite intellectuelle. Je trouve que j’avais un devoir de mémoire, et de transmission [à cet égard], conclut-elle.

Un homme chante devant une foule dans un bar.

Lucien Francoeur en prestation

Photo : Filmoption international

Le documentaire Francœur : on achève bien les rockeurs prend l’affiche vendredi dans quelques salles dont le Cinéma Beaubien et la Cinémathèque québécoise à Montréal, ainsi que le Méga-Plex Jacques-Cartier à Longueuil.

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