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Entre prix et controverses, l’étourdissant automne de Kevin Lambert

Kevin Lambert se tient devant un mur.

Kevin Lambert à Paris le 9 novembre 2023 lors de l'annonce des lauréats du prix Médicis.

Photo : AFP via Getty Images/Geoffroy Van Der Hasselt

Quelques semaines après avoir remporté le prix Médicis, l’auteur québécois Kevin Lambert revient sur le tourbillon qu'il a vécu ces derniers mois, entre sélections à de prestigieux prix littéraires français et polémiques des deux côtés de l’Atlantique.

Entre ses trois voyages en France, où il a été sélectionné aux prix Goncourt, Médicis et Décembre, les multiples sollicitations médiatiques au Québec et en France et ses engagements professionnels, Kevin Lambert a vécu un automne étourdissant.

J’ai été, à des moments, proche de l’épuisement, a-t-il confié vendredi à Radio-Canada, lors de la première entrevue qu’il a accordée à la télévision au Québec depuis qu’il a gagné le prix Médicis, le 9 novembre.

Une fatigue telle qu’il est resté cloué au lit, malade, pendant presque toute la semaine de vacances qu’il a prise avec son conjoint, après son couronnement au prix Médicis. À peine guéri, il a dû annuler sa présence à deux activités organisées autour de lui au Salon du livre de Montréal.

Il faut dire que l’obtention du prix Médicis a été une véritable surprise pour Kevin Lambert, qui avait déjà remporté le prix Décembre deux semaines plus tôt. C’est trop gros, tu ne réalises pas.

C’est par un texto qu’il a appris la nouvelle, à laquelle même son éditeur ne s’attendait pas. Sans avoir le temps de se laver les cheveux, il a sauté dans un taxi en direction du restaurant parisien où les membres du jury étaient réunis. Tu descends dans une espèce d’escalier super étroit. Là, sont annoncés les lauréats et il faut que tu dises un mini-discours dans cet escalier, c’est très étrange, a-t-il raconté au sujet de cette journée éreintante.

Marie-Claire Blais, son ange gardien?

Kevin Lambert a été particulièrement ému de se voir décerner le prix Médicis pour deux raisons. La première est que le jury a sélectionné, à trois reprises, ses romans : Querelle de Roberval, en 2019, Tu aimeras ce que tu as tué, en 2021, et Que notre joie demeure, en 2023.

Ils ont été les premiers en France à me remarquer et à accompagner mes livres. C’est touchant, car ce sont des gens qui m’ont vraiment lu, qui connaissent mon travail.

Une citation de Kevin Lambert, écrivain

L’autre raison est que Marie-Claire Blais, décédée en 2021, est la première Québécoise à avoir reçu le prix Médicis. Il y a comme une espèce de boucle que je trouvais vraiment belle.

Il faut dire que Marie-Claire Blais tient une place particulière dans le cœur de Kevin Lambert. Le cycle romanesque Soifs, écrit par cette autrice entre 1995 et 2018, l’a accompagné dans l’écriture de Que notre joie demeure.

Portrait rapproché de l'auteure, vêtue d'une veste magenta avec, en arrière-plan, un mur de roches.

L'écrivaine Marie-Claire Blais, en avril 2008

Photo : Radio-Canada / Christian Côté

La veille de recevoir le prix Médicis, Kevin Lambert a passé une mauvaise journée. Déprimé, il a parlé à Marie-Claire Blais, comme il s’adresse parfois à ses auteurs préférés, ou encore à des personnages. Je lui ai demandé : "Envoie-moi des rêves cette nuit, ça va me faire du bien, ça va me nettoyer, m’envoyer des informations qu’il me manque en ce moment". Le lendemain, il s’est réveillé sans aucun souvenir de ses rêves. Je me disais : "Soit j’ai oublié ces rêves, soit elle ne m’a rien envoyé". Les deux me rendaient vraiment triste.

J’ai compris, une ou deux heures plus tard, qu’elle m’a envoyé un autre message, par le jury du Médicis, a-t-il expliqué, convaincu que Marie-Claire Blais, qui a notamment écrit sur la présence après la mort, et la communication entre personnes mortes et vivantes, n’y est pas pour rien dans son sacre au Médicis.

Des controverses parfois douloureuses

Ces derniers mois, Kevin Lambert a traversé deux polémiques : en juillet dernier, il a rabroué le premier ministre du Québec, François Legault, au sujet de la crise du logement et il a été critiqué, en septembre, par l’écrivain français Nicolas Mathieu pour avoir eu recours à une lectrice sensible lors de l’écriture de Que notre joie demeure. La question du recours aux lecteurs et lectrices sensibles est un sujet sensible dans le milieu littéraire, surtout en France.

Ces deux controverses ont été une source d’apprentissages pour l’écrivain québécois. J’ai appris à la dure que, même si on s’explique, si on argumente, notre message ne se rend pas, a-t-il déclaré. Il y a des gens qui ont des idées préconçues et qui vont continuer à les véhiculer dans les médias.

J’essaie de tenir un discours argumenté, nuancé, complexe, qui sort de l’amertume du bien contre le mal, du soi contre les autres. J’essaie de penser au-delà de ça, a-t-il poursuivi.

Des fois, j’ai l’impression qu’on me ramène à des positions un peu caricaturales de pour ou contre. Ce niveau de pensée ne m’intéresse pas.

Une citation de Kevin Lambert, écrivain

Abondamment commentées dans les médias et sur les réseaux sociaux, ces deux controverses ont un peu ravivé ce qu’il a pu ressentir lorsque, enfant, il était victime d’intimidation. Il y avait des moments où j’avais le sentiment que tout le monde me détestait et que le monde entier était contre moi, a-t-il raconté.

Le soutien qu’il a reçu à cette période n’a pas suffi à contrebalancer ces émotions douloureuses. On dirait que la valeur du commentaire négatif est, dans nos cerveaux, toujours plus grande que la valeur du commentaire positif.

Un quatrième roman en préparation

Kevin Lambert est loin d’être devenu riche grâce à son prix Médicis, qui n’est assorti que d’un chèque de 1000 euros (environ 1500 $ CA), qu’il n’a pas encore reçu.

Toutefois, grâce à cette récompense, le docteur en littérature envisage désormais de pouvoir faire de l’écriture sa carrière, même s’il pense devoir compléter ses revenus par des activités parallèles, comme des charges de cours. Ce ne sont pas les ventes de mes livres qui vont me permettre de vivre, ce n’est pas suffisant, a souligné celui qui vit en colocation.

Aujourd’hui, Kevin Lambert travaille sur le scénario de l’adaptation en film de son ouvrage Querelle de Roberval. Il finalise également son quatrième roman, qui est en cours d’édition. Un livre sur lequel il préfère, pour le moment, rester discret, précisant simplement qu’il sera très différent de Que notre joie demeure.

Avec les informations de Louis-Philippe Ouimet

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