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Fonderie Horne : des employés exigent du Tribunal une meilleure gestion des poussières

Voies d'accès encombrées par du concentré, ventilation inefficace, entretien inadéquat de systèmes électriques : alerté par des employés, le Tribunal administratif du travail impose à Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne, d’apporter des correctifs au secteur du déchargement des concentrés et de la manutention.

Un employé de la Fonderie Horne porte un casque et un masque pour le protéger de la poussière qui l'entoure.

Le Tribunal administratif du travail fait une série de recommandations à la Fonderie Horne pour qu'elle améliore la gestion des poussières.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Un jugement du Tribunal administratif du travail (TAT) rendu le 23 octobre, à la suite d’une plainte d’un représentant des employés, recense plusieurs manquements au niveau de la santé et de la sécurité des travailleurs de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda.

Principalement, la gestion des poussières contaminées n’aurait pas été adéquate et ces poussières ont pu être dispersées à l’extérieur de l’usine.

Cette décision, dont Radio-Canada a pris connaissance, permet d’en connaître davantage sur les opérations à l’intérieur de la Fonderie Horne. Plusieurs témoignages, en grande majorité d’employés et de cadres de l’entreprise Glencore, expliquent les détails de certaines opérations. Les photos qui accompagnent ce reportage ont été déposées en preuve lors des audiences.

On est extrêmement contents de la décision. On se sent enfin écoutés. On va pouvoir faire en sorte que nos travailleurs vont avoir un environnement de travail qui est beaucoup plus sain, parce que, dans le concentré minier et dans les produits qu'on traite, il y a des métaux précieux, mais ça vient aussi avec des contaminants. Puis on a beau avoir des systèmes de protection individuels, ce n'est pas à 100 % efficace, indique Shawn Smith, qui était représentant à la prévention au syndicat des travailleurs de la Fonderie Horne lors du dépôt de la plainte. Il est maintenant vice-président aux griefs.

Des employés mécontents

Qualité de l'air à Rouyn-Noranda

Consulter le dossier complet

Des maisons du quartier Notre-Dame près de la Fonderie Horne.

En août 2021, des travailleurs de la Fonderie Horne constatent des accumulations de poussière inhabituelles dans le secteur de déchargement des concentrés.

C’est à cet endroit qu’arrivent les matériaux recyclés et autres intrants qui seront fondus pour en extraire les minéraux, principalement du cuivre. Selon ce qu’on peut lire dans le jugement, ce matériel peut aussi contenir de l’arsenic, du béryllium, du plomb et d’autres contaminants nocifs pour la santé.

Des employés se plaignent au représentant à la prévention de leur syndicat, Shawn Smith, le 23 août 2021. Un travailleur lui mentionne :

[...] c’est n’importe quoi au déchargement des concentrés, les voies de passage sont obstruées, les poussières tombent des convoyeurs.

Une citation de Extrait de la décision du Tribunal administratif du Travail
De la poussière s'est accumulée dans l'entrée d'une porte.

L’accumulation de poussière empêche la fermeture de cette porte. « Ces poussières sont dispersées par le vent à l’extérieur de l’usine », peut-on lire dans le jugement.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Le représentant à la prévention sollicite alors une rencontre avec une inspectrice de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Cette dernière se rend à l’usine quelques jours plus tard, le 9 septembre, mais n’effectue pas de visite sur le terrain. Elle rencontre plutôt des représentants syndicaux et des représentants de l’employeur dans une salle de conférence.

Le représentant syndical lui montre des photos qu’il a prises dans les jours précédents. Le surintendant à l’hygiène de son côté assure que la Fonderie respecte son programme de contrôle des poussières.

À la suite de cette rencontre, l’inspectrice de la CNESST n’émet aucune dérogation, c’est-à-dire aucune exigence à Glencore pour régler la situation. C’est ce que conteste le représentant à la prévention devant le Tribunal administratif du travail.

Des voies obstruées

Le juge du TAT, François Aubé, a comme mandat d’analyser chacun des points soulevés par le syndicat pour déterminer s’il doit émettre des dérogations.

Des photos déposées en preuve démontrent des accumulations de poussière de plusieurs centimètres.

Sur les photos prises le 25 août 2021, on y voit un amoncellement de poussières de plus de 2 pieds de hauteur sur quelques mètres de long situé en dessous d’un entonnoir (grizzly) qui reçoit les concentrés de cuivre par l’excavatrice. En observant la photo, le Tribunal considère qu’il est difficile d’enjamber les amoncellements sans s’enliser dans les poussières, peut-on lire dans le jugement.

Un employé de la Fonderie près d'une accumulation de concentrés qui lui arrive aux genoux.

Une accumulation de concentrés bloque une voie de passage.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Des rubans rouges ont été installés à quelques endroits pour indiquer les amas de poussières.

Il n’est pas concevable qu’au lieu de dégager les voies de passage, on préfère mettre des rubans jaunes ou rouges ou qu’on laisse l’accumulation de concentrés envahir les voies de passage comme les photos le démontrent de façon non équivoque, conclut le juge François Aubé.

Un ruban rouge est été installé sur une poignée d'un grillage de convoyeur.

Un ruban rouge a été installé sur un convoyeur.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Le juge ajoute que c’est la responsabilité de l’employeur et non des employés de s’assurer de la sécurité des lieux de travail.

Il émet donc une première dérogation : L’employeur ne s’assure pas de maintenir les planchers et les voies d’accès propres et dégagés au secteur du déchargement des concentrés.

Des poussières emportées dans un quartier résidentiel

Une autre doléance du représentant à la prévention concerne un système de gicleurs ayant pour but d’éviter l’emportement par le vent de poussière à l’extérieur.

Le système de gicleur permanent n’est plus fonctionnel. Glencore a donc installé un système temporaire, qui, de l’avis des travailleurs, n’est pas efficace. Les concentrés peuvent donc se disperser dans la cour, mais aussi jusqu’au quartier Notre-Dame, situé aux abords de la Fonderie Horne.

Ce constat inquiète le syndicat puisque les travailleurs ne portent pas de masque à l’extérieur des bâtiments.

De la preuve [...], le système de gicleurs temporaires mis en place par l’employeur n’est pas efficace. Il ne contrôle pas de façon adéquate et sécuritaire les concentrés qui peuvent être emportés et dispersés par le vent à l’extérieur du département des concentrés alors que les travailleurs ne portent pas le masque respiratoire et que les concentrés peuvent contenir plusieurs contaminants comme souffre, le béryllium, l’arsenic, le plomb et la silice, estime le juge Aubé dans sa décision.

De la poussière et de la neige mélangées à l'extérieur des bâtiments de la Fonderie.

De l’arsenic, du béryllium et d’autres contaminants peuvent se retrouver dans les poussières dispersées à l’extérieur.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Le TAT émet ainsi une deuxième dérogation, demandant à la Fonderie de maintenir un système de gicleurs fonctionnel.

Une ventilation inadéquate

Le Tribunal émet une troisième dérogation, estimant que l’employeur ne s’assure pas que l’émission d’un contaminant ne porte pas atteinte à la santé et la sécurité des travailleurs et ne réduit pas son exposition au minimum.

Le juge François Aubé en vient à cette conclusion en raison de l’état d’un appareil censé capter les poussières, le DCOL 65.

Un aspirateur mural rempli de poussière.

Le DCOL 65 est l’équivalent d’un énorme aspirateur mural qui capte la poussière.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Le représentant en prévention estime qu’il ne peut être fonctionnel en raison de la présence trop importante de poussières.

D’autres équipements de captation des poussières et d’assainissement de l’air sont défectueux, selon le témoignage du représentant du syndicat.

Le TAT conclut il est difficile de concevoir que le système de captation du DCOL 65 remplisse adéquatement ses fonctions alors que ses fentes d’aspiration sont colmatées par d’importants dépôts de concentrés.

Des salles électriques remplies de poussières inflammables

Lors de sa prise de photos à la fin de l’été 2021, le représentant à la prévention constate aussi des dépôts de poussières dans une salle de distribution électrique.

Un système électrique rempli de poussière.

La présence de poussière sur ces systèmes électriques peut occasionner des arcs électriques.

Photo : Gracieuseté : Tribunal administratif du travail

Cette salle doit généralement être dotée d’un système de prise d’air pour maintenir une pression positive et éviter la dispersion de poussière.

Même s’il indique ne pas être un expert, le représentant à la prévention soutient dans son témoignage que la poussière de concentrés métalliques peut occasionner des arcs électriques.

Le représentant de l’employeur soutient de son côté que le concentré de cuivre n’est pas inflammable.

Le juge tranche : la Fonderie ne respecte pas la réglementation en vigueur.

Considérant la présence importante de poussières sur les composantes électriques de la salle 170 au mois de septembre 2021, que la preuve ne permet pas de conclure que la situation a été corrigée et qu’il y a un risque de combustion, il y a lieu de conclure que la situation contrevient à la réglementation et aux normes, peut-on lire dans le jugement du 23 octobre 2023.

Au total, le Tribunal administratif du travail émet cinq dérogations et renvoie le dossier à la CNESST pour qu’elle assure le suivi des recommandations.

Mise à jour du 28 novembre 2023 :

Questionné sur la gestion des poussières à l'émission Des matins en or, le directeur général de la Fonderie Horne, Vincent Plante, a reconnu qu'il y avait des améliorations importantes qui étaient requises. Il a ajouté que la situation s'est grandement améliorée depuis.

Le syndicat constate des améliorations

Le syndicat des travailleurs est satisfait de ce jugement et constate déjà des améliorations.

On le voit un peu comme une jurisprudence, parce qu'on a beau avoir plusieurs bâtiments sur l'ensemble du site, c'est quand même conçu plus ou moins de la même manière : on a des salles de distribution électrique partout, on a des systèmes de convoyeurs partout, des gicleurs à mousse partout. Donc si jamais on voit que le même genre de bris survient, on va pouvoir se servir du jugement pour pouvoir faire bouger les choses, conclut Shawn Smith.

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