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Un premier singe chimère est créé en Chine

Une percée qui pourrait éventuellement bénéficier à la médecine et à la conservation d'espèces menacées, mais qui soulève certains enjeux éthiques.

Deux images distinctes montrent la tête d'un singe chimérique et trois doigts.

Le singe chimérique à l'âge de trois jours.

Photo : Gracieuseté : Cell/Cao et al.

Un singe chimérique, dont les cellules proviennent de deux embryons génétiquement distincts de la même espèce, a été créé par des bio-ingénieurs chinois dont les travaux sont publiés dans la revue Cell (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

Le professeur Zhen Liu et ses collègues du Laboratoire d’ingénierie reproductive associé à l’Académie des sciences de Chine ont créé la chimère à partir de cellules souches embryonnaires. Il s'agit de la première naissance menée à terme d'une chimère de primates créée à l'aide de ce type de cellules souches pluripotentes.

Ces cellules possèdent la capacité de devenir n’importe quelles cellules du corps, si bien qu’elles représentent un grand intérêt pour la médecine régénérative, afin de créer des tissus ou des organes, mais aussi pour modéliser des maladies.

Le singe cynomolgus, un macaque couramment utilisé dans la recherche biomédicale, a été euthanasié 10 jours après sa naissance, selon les lignes directrices de la Société internationale de recherche sur les cellules souches.

Qu’est-ce qu’une chimère?

  • Dans la mythologie antique, une chimère est une créature fantastique dont le corps possède les attributs de plusieurs animaux. Dans la mythologie grecque en particulier, la chimère est une bête présentant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent, qui crachait le feu et dévorait les humains.
  • En biologie, elle décrit un organisme composé de cellules de plusieurs individus génétiquement distincts.
  • Le phénomène est naturellement observé chez l’humain, mais il est plutôt rare. Par exemple, il peut être le résultat de la disparition au cours d’une grossesse de l’un des deux embryons qui devaient mener à la naissance de jumeaux non identiques. Le fœtus survivant présente ainsi deux groupes de cellules, le sien et celui de son jumeau.

Un singe pas comme les autres

Jusqu’à aujourd’hui, des souris et des rats chimériques ont été créés et sont même utilisés en laboratoire pour générer des modèles génétiques. Toutefois, les tentatives de chimérisme chez d'autres espèces, y compris les primates non humains, n'avaient pas été très fructueuses en raison de leur complexité biologique et de temps de gestation et de maturation plus longs.

Dans ses travaux, l’équipe chinoise a testé diverses conditions de culture cellulaires pour optimiser ses procédures de préparation d'embryons chimériques de primates.

Elle a ainsi créé neuf lignées de cellules souches à partir d’embryons de singes âgés de sept jours. Elle y a aussi placé une protéine fluorescente verte pour faciliter leur suivi.

Ces lignées ont ensuite été injectées dans des embryons de primates et implantées dans des singes femelles.

L’expérience a permis de générer un fœtus avorté et un singe chimérique vivant. Les deux étaient des mâles.

Les résultats montrent que les cellules dérivées de cellules souches du donneur se sont intégrées efficacement, dans une proportion variant de 21 % à 92 %, dans les 26 différents types de tissus (cerveau, cœur, foie, reins, etc.) prélevés chez le singe chimère.

En moyenne, l’intégration atteint 67 % des tissus testés du singe chimère.

En outre, chez les deux singes, les chercheurs ont aussi confirmé la présence de cellules dérivées de cellules souches dans les testicules et dans les cellules qui se transforment en spermatozoïdes, ce qui ouvre la porte à la création de générations de singes chimères.

Les pourcentages étaient cependant plus faibles chez le fœtus avorté.

Un premier objectif atteint

Nos résultats représentent une démonstration du principe que nous pouvons bel et bien créer des chimères. Ils fournissent des preuves solides que les cellules souches pluripotentes de singe possèdent la capacité de se différencier in vivo dans tous les différents tissus composant le corps d’un singe, explique le professeur Zhen Liu dans un communiqué.

Cette percée n'a pas seulement des implications pour notre compréhension de la pluripotence chez d'autres primates, mais elle aura éventuellement des répercussions pratiques pour les domaines du génie génétique et de la conservation des espèces, puisque des chimères pourront être réalisées entre deux espèces de primates non humains, dont l'une est menacée.

Une citation de Zhen Liu, Académie chinoise des sciences

L’objectif des chercheurs est la création, un jour, de chimères modélisant les maladies humaines : si les cellules souches insérées portent des génomes associés à une maladie spécifique, les chercheurs pourront alors étudier leur comportement dans un organisme.

Ce travail pourrait nous aider à générer des modèles de singe plus précis pour l'étude des maladies neurologiques ainsi que pour d'autres études biomédicales, estime Zhen Liu.

Son collègue Miguel Esteban, également de l'Académie chinoise des sciences, est particulièrement encouragé par les résultats en ce qui concerne le cerveau.

Il est encourageant de constater que notre chimère est née avec une contribution importante (de cellules souches) au cerveau, ce qui laisse à penser que cette approche pourra être utile pour modéliser les maladies neurodégénératives.

Une citation de Miguel Esteban, Académie chinoise des sciences

D’ici là, dans les prochaines années, l’équipe chinoise tentera de mieux cerner les mécanismes qui favorisent la survie des embryons dans les animaux hôtes pour éventuellement créer plusieurs générations de chimères.

Des préoccupations éthiques

Il s'agit d'un article très important qui pourrait contribuer à faciliter et à améliorer la création de singes mutants, tout comme les biologistes le font depuis des années avec les souris, a expliqué à CNN le biologiste israélien Jacob Hanna, de l'Institut Weizmann, qui n’a pas participé aux travaux.

Le travail avec les primates non humains est certainement plus lent et beaucoup plus difficile, mais il est aussi très important.

Une citation de Jacob Hanna, Institut Weizmann

Évidemment, le recours aux animaux dans ce type de recherche n’est pas sans présenter des préoccupations éthiques liées à leur bien-être.

L'équipe chinoise déclare dans ses travaux respecter les lois chinoises et les directives internationales régissant l'utilisation de primates non humains en recherche.

Toutefois, la Britannique Penny Hawkins, directrice de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals, s’est dite préoccupée par la souffrance animale et le gaspillage inhérents à l'application de telles technologies à des animaux sensibles, lors d’une entrevue accordée à CNN.

Elle a rappelé qu’un vétérinaire avait quand même euthanasié la chimère au bout de 10 jours.

En mai dernier, un rapport d’experts des Académies américaines des sciences, de l'ingénierie et de médecine montrait que les primates non humains représentaient 0,5 % de tous les animaux utilisés dans la recherche.

Les experts y affirmaient que la recherche sur les singes, en raison de leurs similitudes avec l'humain, était essentielle pour en arriver à des percées médicales essentielles, notamment dans la création de vaccins contre la COVID-19.

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