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« Bob, j’ai besoin qu’on se parle toi pis moi »

Après s’être confiée à la police, une victime présumée de l’homme d’affaires Robert Miller souhaite s’adresser directement à lui.

Portrait de Robert G. Miller.

Robert G. Miller

Photo : Forbes/Lumisculpt/Asbed

En février dernier, Radio-Canada publiait une vaste enquête sur Robert Miller, un milliardaire québécois qui a, pendant de longues années, payé pour avoir des relations sexuelles avec des adolescentes mineures, parfois très jeunes.

Dans la foulée de sa diffusion, de nombreuses femmes ont contacté Enquête pour témoigner d’une expérience similaire qu’elles auraient vécue aux mains de l’homme d’affaires. Parmi elles se trouvait cette jeune femme que nous appellerons Annie.

En prenant connaissance du reportage d’Enquête, elle disait avoir reconnu l’homme qui l’avait payée pour des services sexuels au début de son adolescence. Elle fut l’une des premières victimes alléguées à porter plainte contre Robert Miller au Service de police de la Ville de Montréal. Aucune accusation n’a encore été déposée.

Il y a deux semaines, Enquête a reçu une lettre d’Annie, adressée au milliardaire montréalais Robert Miller. Celui à qui elle n’a pu parler jusqu’ici, après avoir été omniprésent. Elle veut qu’à son tour, il sache ce qu’a été sa vie.

Le contenu de cette lettre s’apparente à plusieurs des témoignages recueillis par Enquête sur ce que l’on appelle maintenant l’affaire Miller. L’expérience qui y est décrite est commune à un grand nombre de jeunes femmes qui poursuivent actuellement Robert Miller devant la justice ainsi que sa compagnie, Future Electronics. C’est pour cette raison que nous avons décidé de la publier. Le ton y est direct.

L’avocat de Robert Miller, Karim Renno, n’a pas souhaité réagir aux allégations contenues dans ce texte.

Hey Bob, j'ai besoin qu'on se parle toi pis moi. Je me doute bien qu'avec les années, tes souvenirs de nos nombreuses rencontres sont devenus flous. D'autant plus que je ne suis qu'une parmi tant d'autres.

Nous nous sommes rencontrés au tournant de l'an 2000, j'avais quatorze ans seulement. À cette époque, j'étais jeune, naïve mais surtout vulnérable. Je t'ai d'abord vu comme un sauveur, celui qui allait me sortir de ma misère. Pis ma misère, tu l'as vite comprise en t'intéressant à moi. C'est facile pour un homme âgé de prendre le dessus et de manipuler une jeune adolescente vulnérable quand tu lui démontres de l'intérêt, que tu lui fais des promesses et que tu lui fait miroiter un monde meilleur. Je n'ai jamais réalisé à quel point ces rencontres allaient me briser de l'intérieur pour les années à venir.

Dans un fond sombre, une femme vue de dos serre les poings.

« J'ai caché ces souffrances et les ai enfouies pendant des années et maintenant, c'est terminé. »

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Tu sais, maintenant je suis une femme à l'aube de la quarantaine, avec, oui, de meilleures connaissances sur la vie, mais j'ai aussi beaucoup de cicatrices. J'ai souvent tendance à me dévaloriser et à être en colère contre moi-même. J'ai honte, honte d'avoir influencé des amies à m'accompagner lors de nos rencontres. Avec le recul, je comprends que cela faisait partie du stratagème, parce que de cette manière je croyais devenir ta complice dans le vice. Pourtant je sais maintenant que j'ai été manipulée pour agir ainsi et que cela me condamnait au silence.

Ce silence a empoisonné ma vie, il m'a fait marcher dans les bas-fonds du monde. Oui, les bars, la drogue, le sexe, les relations toxiques, le dégoût de soi, des hommes, la peur de mourir et même la peur de vivre m'ont habitée. J'ai caché ces souffrances et les ai enfouies pendant des années et maintenant, c'est terminé. Je reprends le contrôle de ma vie, tu n'as plus d'emprise.

J'ai besoin de te regarder dans les yeux pour te dire ce que tu m'as fait subir, j'ai aussi besoin de savoir que tu vois la souffrance dans mes yeux pendant que je t'expliquerai clairement les conséquences de tes actes dans ma vie.

T'as beau être infiniment riche et être rendu vieux, pis on s'entend, tu l'étais déjà pas mal à mes yeux il y a de ça un peu plus de 20 ans, ça ne donne pas le droit d'abuser, de manipuler ou de profiter des autres et encore moins de personnes mineures.

En assumant tes gestes, tu vas permettre, à nous, tes survivantes, de débuter notre processus de guérison. Dans le meilleur des mondes, celui où je souhaite vivre du moins, tu répares également tes torts dans la mesure du possible envers tes victimes. Je suis prête à jaser avec toi pour t'aider à comprendre le mal que tu as fait, comme à l'époque alors que tu voulais que je t'aide à parler en français. Signé Annie.

À ce jour, plus de 50 femmes se sont jointes à l’action collective visant Robert Miller et la compagnie qu’il a fondée. L’action collective n’a pas encore été autorisée par la cour, mais trois autres poursuites individuelles ont été déposées contre lui. Quant à l’enquête policière à son sujet, elle est toujours en cours.

Robert Miller et Future Electronics contestent par ailleurs l’ensemble des allégations contre eux. Robert Miller a quitté la direction de Future à la suite des révélations de notre reportage.

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