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Action collective des fonctionnaires noirs : Ottawa a dépensé plus de 7,8 M$

Affiche du gouvernement fédéral devant un gratte-ciel vu en contre-plongé.

Les frais juridiques encourus par le fédéral incluent notamment la conservation de documents provenant de 99 ministères et agences. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jacques Corriveau

Près de trois ans après le dépôt d’une demande d’action collective par des fonctionnaires noirs affirmant être victimes de discrimination, le gouvernement fédéral a dépensé plus de 7,8 millions de dollars en frais juridiques.

Le Secrétariat du recours collectif des employés fédéraux noirs demande 2,5 milliards de dollars en compensation pour les quelque 30 000 employés et retraités de la fonction publique qu’il représente. Ces derniers soutiennent qu'ils ont perdu des occasions d’avancement et des avantages depuis 1970.

Depuis le dépôt du dossier devant la Cour fédérale en décembre 2020, le montant total des frais de justice réels et théoriques liés à l'action collective [...] s'élève à environ 7,85 millions de dollars, a déclaré le ministre de la Justice, Arif Virani, en réponse à une question écrite d’un député.

[Le coût total du litige] comprend, sans s’y limiter, les services juridiques pour soutenir la conservation des documents couvrant 99 ministères et agences, la demande de certification, la demande de radiation, les interrogatoires ainsi que diverses autres mesures pour défendre le litige, a ajouté le ministre.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, parle au pupitre.

Le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La somme totale tient aussi compte du nombre total d'heures enregistrées dans les dossiers recevables pour la période concernée [multiplié] par les taux horaires des services juridiques internes.

La facture du gouvernement fédéral dans ce dossier est probablement plus élevée, car le montant tient compte des informations contenues dans les systèmes du ministère de la Justice en date du 5 juillet 2023.

C’est aberrant de voir les sommes astronomiques que le gouvernement a dépensées pour combattre le racisme anti-noir que lui-même a admis, tonne Alain Babineau, le directeur des activités pour le Québec pour le Secrétariat du recours collectif des employés fédéraux noirs.

[Le gouvernement] parle des deux côtés de la bouche; [ce sont des] dépenses inutiles pour combattre un fait acquis.

Une citation de Alain Babineau, directeur des activités pour le Québec pour le Secrétariat du recours collectif des employés fédéraux noirs

La demande d’action collective n’a toujours pas été certifiée. Un juge de la Cour fédérale pourrait se pencher sur le dossier en mai prochain.

Une question de droit international

Entre-temps, dans les prochaines semaines, la Cour fédérale examinera la demande qu'Amnistie internationale Canada a déposée pour obtenir le statut d’intervenant dans le dossier.

La requête de l’organisme précise qu’il souhaite présenter au tribunal des observations sur les obligations du Canada concernant le droit à la non-discrimination en vertu du droit international.

Dans sa déclaration, la secrétaire générale Amnistie internationale Canada, Ketty Nivyaband, mentionne que l’organisme détient la crédibilité et l’expérience nécessaires pour transmettre ses constatations, puisqu’il a déjà témoigné dans de nombreuses causes, y compris celle de Maher Arar, un citoyen canadien injustement emprisonné et torturé en Syrie.

La secrétaire générale d'Amnistie internationale Canada et le directeur général de l’organisme Recours collectif noir, Nicholas Marcus Thompson, sont d’ailleurs à Genève cette semaine pour participer à l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

M. Thompson y a témoigné des expériences vécues par les fonctionnaires fédéraux noirs au pays devant la communauté internationale. Il a aussi fait mention des problèmes auxquels font face les fonctionnaires qui tentent, sans succès, de porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

Il est très important que la communauté internationale soit au courant de ce qui se passe au Canada et que le Canada soit tenu de respecter ses obligations en matière de droits de l'homme.

Une citation de Nicholas Marcus Thompson, directeur général de l’organisme Recours collectif noir

Lorsqu'on va à l'international et on parle des enjeux de discrimination et de racisme, les personnes restent bouche bée parce qu'elles pensent que le Canada, c'est ce pays de daltonisme racial où tout le monde s'entend, [et où il n’y] a aucun problème, mais ce n'est pas la vérité, ajoute Alain Babineau.

Nicholas Marcus Thompson espère qu’en attirant l’attention de la communauté internationale, le gouvernement canadien prendra plus de mesures concrètes pour s’attaquer au racisme systémique que vivent les personnes noires dans la fonction publique. C’est d’ailleurs dans cette logique que son groupe avait porté plainte auprès de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, en septembre 2022.

Nicolas Marcus Thompson s'adresse à des journalistes.

Nicolas Marcus Thompson, directeur général de l'organisme Recours collectif noir

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Le fonctionnaire de l’Agence du Revenu du Canada se désole toutefois de devoir se rendre aussi loin pour faire valoir les droits de ses confrères.

La Couronne fédérale a l’intention de s’opposer à ce qu’Amnistie internationale Canada ait son mot à dire dans le dossier. Elle a jusqu’à la fin décembre pour déposer ses arguments.

Double discours critiqué

Les porteurs de la demande d’action collective déplorent que le gouvernement tienne un double discours et laisse entendre devant le tribunal qu’il n’y a pas de racisme systémique dans la fonction publique fédérale.

Par exemple, en contre-interrogatoire en avril dernier, Mary Anne Stevens, directrice principale du secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a affirmé ne pas avoir connaissance d’obstacles rencontrés par les employés noirs en ce qui concerne leur avancement.

En contre-interrogatoire

Q. Pouvez-vous identifier des obstacles à l'avancement professionnel des employés noirs que vous avez rencontrés au cours de votre carrière?

R. Je ne suis pas au courant.

Q. Vous n'êtes pas au courant d’obstacles rencontrés par les employés noirs en termes d’avancement?

R. Exact.

Source : Extrait du contre-interrogatoire de Mary Anne Stevens, directrice principale pour le secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, devant la Cour fédérale

C’est très curieux, analyse Alain Babineau. L’ancien fonctionnaire souligne que ce témoignage provient du même ministère qui a reconnu le racisme dont la Commission canadienne des droits de la personne a fait preuve envers ses propres employés.

Alors, c'est [quoi la position du Canada], c'est ce que vous voyez en public? Ou est-ce que c'est ce [qui est dit] sous serment au tribunal?

Une citation de Nicholas Marcus Thompson, directeur général de l’organisme Recours collectif noir

Le premier ministre Justin Trudeau a maintes fois reconnu la présence de racisme systémique au Canada. À la suite de la diffusion d’un reportage de Radio-Canada sur la discrimination vécue par les fonctionnaires noirs, le premier ministre a attesté à la Chambre des communes qu’il y avait encore beaucoup de travail à faire pour assurer de meilleures pratiques d’embauche.

Un processus qui s’étire

Malgré la longueur des procédures judiciaires et la position de la Couronne fédérale devant les tribunaux, les porteurs de l’action collective espèrent que le gouvernement procédera à une entente hors cours. Ils souhaitent que le fédéral indemnise les fonctionnaires ayant subi du racisme, au même titre qu’il l’a fait avec les enfants des Premières Nations lésés par le système sous-financé de protection de l’enfance.

Un règlement serait préférable, car ça évite aux personnes de revivre les choses qu'elles ont vécues en leur demandant de témoigner, explique Alain Babineau, qui a lui-même subi du racisme pendant sa longue carrière dans la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Alain Babineau devant des micros.

Alain Babineau, directeur des activités pour le Québec pour le Secrétariat du recours collectif des employés fédéraux noirs

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Témoigner, retourner dans le passé, revivre ces choses-là, c'est épouvantable, dit M. Babineau, faisant allusion à une forme de revictimisation.

Régler le dossier à l’amiable permettrait aussi, selon lui, de minimiser les dépenses inutiles, le gaspillage [des fonds publics].

En octobre 2022, Ottawa a tenté d’empêcher l’ouverture du procès en demandant à un juge de rejeter la demande d’action collective. Le gouvernement maintient que les tribunaux ne sont pas la tribune appropriée pour les questions qui peuvent ou auraient pu faire l’objet d’un grief, mentionne dans un courriel Martin Potvin, porte-parole du secrétariat du Conseil du Trésor.

Nous savons qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.

Une citation de Martin Potvin, porte-parole du secrétariat du Conseil du Trésor

Le travail d’éradication du racisme, des préjugés, des obstacles et de la discrimination, qui a pris racine au fil des générations, exige des efforts incessants et un changement systémique, ajoute M. Potvin.

Le gouvernement affirme avoir pris plusieurs mesures pour s’assurer d’avoir une fonction publique diversifiée et inclusive, dont l’examen des systèmes de traitement des plaintes.

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