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Affaire Miller : une des victimes aurait eu 11 ans au moment des faits

Les avocats pilotant le recours collectif contre l’homme d’affaires au nom de 39 de ses présumées victimes demandent que les actifs du milliardaire soient gelés afin de s’assurer qu’elles soient dédommagées advenant leur victoire en cour.

Portrait de Robert G. Miller.

Robert G. Miller

Photo : Forbes/Lumisculpt/Asbed

Quatre nouvelles victimes souhaitent s’ajouter au recours collectif contre le milliardaire Robert Miller, dont une femme qui aurait eu 11 ans au moment des faits allégués. Comme toutes les autres demanderesses au dossier, elle a demandé l’anonymat et n’est identifiée que par ses initiales.

Cela porte à 39 le nombre de femmes qui se sont jointes à l’action collective contre l’homme d’affaires québécois, qui n’a pas encore été autorisée. Trois autres poursuites individuelles ont également été déposées, toutes par des femmes qui affirment que Robert Miller les a exploitées sexuellement lorsqu'elles étaient mineures. L’homme d’affaires conteste toutes les procédures et nie toutes les allégations à son encontre.

Les affidavits des plus récentes présumées victimes ont été déposés lundi par le cabinet Consumer Law Group, qui pilote le recours collectif. Les récits font écho aux histoires relayées par le reportage d’Enquête diffusé en février dernier, où des femmes signalaient avoir été recrutées et payées par Robert Miller pour des actes sexuels alors qu’elles étaient encore mineures, âgées entre 14 et 17 ans.

Or, une des plus récentes participantes au recours collectif dit qu’elle avait à peine 11 ans lorsqu’elle a rencontré le richissime homme d'affaires.

Dans l’affidavit, la jeune femme déclare avoir été recrutée en 1999 par deux filles plus âgées qui cherchaient des vierges pour Bob.

C’était l’été et je venais de terminer ma 6e année, raconte-t-elle, ajoutant s’être rendue à l’hôtel Queen Elizabeth avec sa meilleure amie, qui avait le même âge. À notre arrivée, avant d’entrer dans la chambre, j’ai eu peur et je me suis mise à pleurer.

C’est Raymond Poulet, l’entremetteur de Robert Miller, qui l’aurait accueillie, puis amenée jusqu’à celui-ci. Le milliardaire leur aurait alors offert de l’alcool. Il m’a demandé mon âge et je lui ai dit que j’avais 11 ans , écrit-elle dans son affidavit.

Après les mêmes rituels décrits par la plupart des présumées victimes de l’homme d’affaires, les deux amies auraient eu des rapports sexuels complets et non protégés avec lui. Il aurait ensuite remis à chacune une enveloppe contenant 5000 $ en argent comptant.

Rappelons qu’au Canada, en 1999, l’âge de consentement aux relations sexuelles était de 14 ans. Selon le Code criminel, toute relation sexuelle avec des mineures de 14 ans ou plus devient un crime au moment où elle est rémunérée. Dans le contexte où la victime a 11 ans, le consentement ne peut être donné.

Après la rencontre initiale, cette victime aurait revu Robert Miller une trentaine de fois, à l’hôtel et dans ses maisons de Westmount, jusqu’à ses 20 ans.

Selon l’affidavit, chaque rencontre lui aurait valu de nombreux cadeaux et d’autres enveloppes contenant 5000 $. Le milliardaire aurait aussi voulu lui payer des voyages, mais puisque j’étais très jeune, c’était assez compliqué.

Convaincue que Robert Miller voulait son bien, elle l’aurait même présenté à sa mère. Je lui avais dit que j’avais rencontré un monsieur qui allait nous aider, dit-elle. Nous avions mangé tous les trois ensemble chez lui, et il nous avait donné une enveloppe dans laquelle il y avait 10 000 $.

Elle affirme s’être retrouvée dans un cycle difficile à briser où elle devait constamment recruter d’autres jeunes filles pour lui. Elle est encore aujourd’hui pleine de remords d’avoir présenté ses propres amies à Bob.

Elle considère avoir souffert d’importantes séquelles psychologiques. J’avais beaucoup de problèmes d’estime de moi-même et d’agressivité, écrit-elle dans l’affidavit. Je fais toujours des cauchemars, je n’arrive pas à bien dormir.

Les filles plus âgées qui l’avaient entraînée dans l’univers du milliardaire l’approvisionnaient également en cocaïne avant ses rendez-vous, dès l’âge de 11 ans, et elle dit en être devenue dépendante.

Puis, en 2009, elle affirme avoir été approchée par la police qui, selon elle, l’aurait traitée comme une proxénète et non comme une victime. Apeurée, elle n’a pas voulu se confier aux autorités, déclare-t-elle. Ils ont essayé de me contacter à deux ou trois reprises, mais éventuellement, l’avocat de "Bob" leur a parlé et ils m’ont laissée tranquille, soutient-elle.

En février dernier, l’émission Enquête révélait que Robert Miller aurait passé des années à payer des adolescentes mineures en échange de relations sexuelles. Selon les témoignages recueillis dans le cadre de ce reportage de même qu'après sa diffusion, les activités de M. Miller se seraient étalées sur près d'un quart de siècle, de 1992 à 2016. Robert Miller nie tous les faits qui lui sont reprochés.

Depuis la sortie du reportage, M. Miller est visé par plusieurs poursuites judiciaires : trois poursuites individuelles, où près de 30 millions de dollars sont réclamés, et une demande d’autorisation de recours collectif, pour lequel Consumer Law Group espère obtenir en moyenne 4 millions de dollars par victime. La demande de recours collectif n’a toujours pas été autorisée.

Nous prévoyons qu’au moins 50 personnes se joindront au recours collectif, écrit Jeff Orenstein, de Consumer Law Group, dans un courriel envoyé à Radio-Canada. Si l’on considère les demandes de dommages-intérêts compensatoires et punitifs pour chaque victime présumée, nous pensons qu’il nous faudra 200 millions de dollars canadiens pour honorer un jugement favorable.

Requête pour geler les actifs

Lundi après-midi, les avocats à la tête du recours collectif ont entamé des démarches pour geler les actifs du milliardaire afin de s’assurer que les victimes présumées seraient dédommagées advenant leur victoire en cour.

Ils ont donc déposé une requête de type Mareva pour que 200 millions de dollars de la fortune de Robert Miller soient mis de côté. La requête sera entendue le 2 novembre.

Une injonction Mareva restreint la capacité d’une personne à disposer d’actifs détenus n’importe où dans le monde, nous écrit Me Orenstein. Nous demandons à la cour de protéger les membres du groupe de cette situation injuste. Nous pensons avoir satisfait à toutes les conditions pour qu'une ordonnance Mareva soit accordée, mais c'est à la cour de décider.

Dans cette requête, on apprend entre autres que Robert Miller demeure introuvable : les huissiers chargés de signifier le recours collectif au milliardaire n’ont pas réussi à le contacter et ont dû passer par ses avocats.

Consumer Law Group plaide également que M. Miller et son équipe auraient multiplié les démarches pour dissimuler les avoirs de l’homme d’affaires.

Le 21 février 2023, quelques semaines après la diffusion du reportage d’Enquête, Robert Miller aurait notamment transféré sa luxueuse maison de Westmount, évaluée à 9,5 millions de dollars, à une société à numéro dirigée par son fils pour la somme de 1 $.

Surtout, on souligne qu’un avocat de M. Miller aurait dit à une présumée victime – avec qui il souhaitait s’entendre à l’amiable – qu’il ne pouvait lui offrir que 72 000 $, car l’argent du milliardaire était immobilisé dans sa compagnie.

L’entreprise en question, Future Electronics, a cependant été vendue pour plus de 5 milliards de dollars en septembre, une transaction qui devrait être finalisée en 2024. Or, l’avocat Jeff Orenstein soutient que cette somme ne sera pas forcément déposée dans un compte en banque canadien, et donc, pas nécessairement accessible aux victimes.

Me Orenstein dit avoir envoyé une copie de ses démarches à plusieurs agences gouvernementales – dont les ministères de la Justice du Canada et du Québec, et le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie – ainsi qu’à quelques députés. Avec cela, il espère que les régulateurs forceront Future Electronics à déposer le produit de sa vente au Canada.

Il y a des agences fédérales qui pourraient intervenir au nom des victimes présumées, qui pourraient en faire une condition de vente, explique Me Jeff Orenstein. Nous pensons que, si la vente de Future Electronics se réalise sans conditions ni contraintes, il y a un risque que les demanderesses ne reçoivent pas de dédommagement, même en cas de jugement favorable.

Au moment d’écrire ces lignes, les avocats de Robert Miller n’avaient pas répondu aux questions de Radio-Canada.

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