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Quand le goût de la lecture vient par le manga

le manga one piece.

Le manga attire de plus en plus de lecteurs.

Photo : Radio-Canada / ANDRÉ VUILLEMIN

Connaissez-vous l’astucieux et courageux Luffy et sa bande de pirates? Si vous êtes dans le brouillard, il y a de fortes chances que votre enfant le dissipe, puisque ce sont des personnages du manga japonais One Piece, très apprécié des jeunes. Ce genre littéraire connaît un succès retentissant dans le monde et occupe de plus en plus d’espace dans le marché du livre au Québec.

Même si on n’assiste pas encore au raz-de-marée qui déferle en France et aux États-Unis, ça ne saurait toutefois tarder, juge un spécialiste de la bande dessinée rencontré au Salon du livre de l’Estrie. 

Le manga, c'est le genre de bande dessinée et de littérature le plus consommé par les jeunes lecteurs en milieu scolaire, affirme le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke, Philippe Rioux. De manière plus générale, il souligne que les ventes en librairie de mangas ont plus que doublé au cours des dernières années. C’est considérable , indique-t-il. 

Des jeunes friands de manga

Des mangas sur une étagère.

Les présentoirs de manga de la Biblairie GGC, à Sherbrooke, sont bien remplis de mangas.

Photo : Radio-Canada / André Vuillemin

Un enseignant en cinquième année du primaire à l’école Notre-Dame-du-Rosaire de Sherbrooke, David Bessette, croit beaucoup au rôle de la lecture pour favoriser les apprentissages, et ce, dans toutes les matières. Fou des livres, il a aménagé dans sa classe une immense bibliothèque de près de 1500 titres. Ces étagères bien garnies comprennent des livres de genres variés, dont une collection de 120 mangas. Le dynamique enseignant constate lui aussi cet engouement pour cette littérature venue du pays du Soleil-Levant. 

Les jeunes sont excités quand ils voient les mangas et quand j'en apporte un nouveau. Il y a une liste d’attente pour ceux qui veulent le lire . Il ajoute que les élèves aiment bien discuter entre eux des aventures qu’ils découvrent dans ces livres, ce qui fait croître leur curiosité pour le genre. Ça fonctionne beaucoup par contamination, souligne-t-il. 

David Bessette profite d’ailleurs de cet appétit pour la bande dessinée japonaise pour amener ses jeunes au Salon du livre de l’Estrie. Ils rencontreront Jean-François Laliberté et Sacha Lefebvre, les auteurs du premier manga québécois publié au printemps dernier, Les Élus Eljun. Pour moi, c'était important de sauter sur l'occasion. Les jeunes trippent sur les mangas, il y en a un nouveau qui vient de sortir. Allons-y! s'enthousiasme-t-il. 

C'est québécois, et j'ai un petit faible pour la littérature d'ici. Je trouve ça important de la mettre au premier plan.

Une citation de David Bessette, enseignant

Il n’y a pas que dans la classe de David que l’intérêt pour le manga ne se dément pas.

À la bibliothèque municipale Éva-Senécal de Sherbrooke, le phénomène est bien présent, autant chez les jeunes que chez les adultes, constate la bibliothécaire Sophie Duquette. En 2017-2018, j'avais une moyenne de prêts mensuels de mangas d'environ 800 à 900 par mois. Cette année, c’est plus de 2000 par mois.

Il y a un engouement généralisé pour la bande dessinée, tout simplement. Il y a beaucoup plus de personnes qui font des emprunts, autant du côté des jeunes, puis des adultes.

Une citation de Sophie Duquette, bibliothécaire

La bibliothèque municipale possède actuellement une riche collection de 3500 mangas pour jeunes et moins jeunes, qui est appelée à s’agrandir dans les années à venir. La bande dessinée représente 10 % des achats de l’institution publique, et le manga occupe de plus en plus de place sur la liste des commandes. Ça va en augmentant. On en achète de plus en plus, parce qu'il y a beaucoup de demandes, souligne Sophie Duquette.

Un manga.

«Il y a un engouement généralisé pour la bande dessinée, tout simplement. Il y a beaucoup plus de personnes qui font des emprunts, autant du côté des jeunes, puis des adultes », indique la bibliothécaire Sophie Duquette.

Photo : Radio-Canada / André Vuillemin

Des valeurs qui rejoignent les jeunes

Les valeurs véhiculées dans le manga expliquent en grande partie son succès, estime Philippe Rioux. Le spécialiste indique que l’esprit de communauté et d’entraide présent dans les histoires touche une fibre sensible chez les jeunes lecteurs. La valeur suprême, généralement, c'est celle de l'amitié. Les intrigues tournent beaucoup autour de ça.

On peut avoir un protagoniste plutôt prétentieux au début de l’intrigue, mais qui, au fil du récit, rencontre une série d'échecs. Tranquillement, en acceptant l'aide de collègues, par exemple, une collègue de classe, un coéquipier d’une équipe sportive ou d'autres aventuriers, ce héros parvient à accomplir sa quête.

Une citation de Philippe Rioux, spécialiste de la bande dessinée

David Bessette estime pour sa part que le manga représente, pour certains enfants, une façon de s’initier à la lecture et d’y prendre goût. Il remarque aussi que les valeurs qui animent les personnages sont les mêmes dans les publications destinées aux filles et aux garçons. Autant dans les types shojo [jeunes filles] et shonen [jeunes garçons], il y a beaucoup d'amitié et de travail d'équipe, mentionne-t-il.

L'amitié occupe une place importante chez les adolescents. C'est par leurs amis qu’ils se définissent encore plus que par leurs parents. Le rapport à l'autorité est un peu conflictuel, et c'est le groupe d'amis qui devient la référence.

Une citation de Philippe Rioux, spécialiste de la bande dessinée

Un marché en pleine ébullition

Le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke ajoute par ailleurs que dans la bande dessinée classique franco-belge ou encore dans le comic book produit aux États-Unis, les filles occupent des rôles plutôt secondaires ou elles sont tout simplement absentes. C’est toutefois différent dans les mangas, puisqu’elles se retrouvent au cœur de l’action, observe-t-il. 

Cela explique peut-être pourquoi les jeunes lectrices consomment autant ce genre de bande dessinée. Les filles lisent très peu de superhéros. Selon l'âge, cela varie entre 12 % et 30 %. Le lectorat féminin du manga se situe à environ 50 %.

Autre élément à ne pas négliger, le prix. Il s’agit d’un aspect déterminant pour les jeunes qui souhaitent acheter des livres et se constituer une collection. Un manga traduit en français se vend généralement à 11 $ ou 12 $. Pour un adolescent qui a un peu d’argent de poche, c’est abordable.

Cette popularité croissante du manga au Québec risque de croître davantage dans les prochaines années, estime Philippe Rioux. Les jeunes deviendront grands, et certains d’entre eux continueront à dévorer ces récits, puisque de nombreuses collections sont destinées à des lecteurs adultes. 

On le voit aux États-Unis. Depuis 2019, le manga sur le marché de la bande dessinée est le genre le plus vendu. Ça représente plus de 50 % du marché depuis environ quatre ans, ce qui laisse penser que l’intérêt pour le manga a atteint le lectorat adulte. C'est probablement ce qui nous attend au Québec aussi, éventuellement. Peut-être pas à ce niveau-là, mais il y a certainement un renversement de la hiérarchie des genres qui va se produire.

Les lecteurs qui n'ont jamais eu l’occasion de plonger dans ces aventures japonaises illustrées pourraient peut-être être tentés d’y jeter un œil. Netflix diffuse depuis peu une nouvelle série grand public inspirée du manga One piece, dont les ventes des albums dépasseraient le un demi-milliard d’exemplaires dans le monde. La série s'adresse à un public un peu plus âgé. Le transfert va peut-être s'opérer, estime Philippe Rioux (Nouvelle fenêtre).

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