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Rester ou partir? Le dilemme des résidents côtiers en attendant le prochain ouragan

Des maisons sur le bord de l'eau. Tout le secteur est jonché de bois et de débris amenés par l'ouragan. Un trottoir de bois est à moitié détruit.

Dommages causés par l'ouragan Fiona à Cap-des-Caissie, au Nouveau-Brunswick, le 24 septembre 2022.

Photo : CBC / Aniekan Etuhube

Rester ou partir? C'est le choix auquel sont confrontés des résidents côtiers au Nouveau-Brunswick après le passage de l'ouragan Fiona et plus récemment de la tempête post-tropicale Lee.

Notre plan d'urgence, cette fois-ci pour Lee et bien on a quitté notre domicile, puis on est allé à l'hôtel parce qu'on ne voulait pas rester, dit Brigitte Robichaud, une résidente de Cap-Bimet dans le sud-est du Nouveau-Brunswick.

La résidente côtière de Cap-Bimet au Nouveau-Brunswick Brigitte Robichaud.

La résidente côtière de Cap-Bimet au Nouveau-Brunswick Brigitte Robichaud.

Photo : Radio-Canada / Ian Bonnell

Son conjoint et elle ont décidé de quitter leur résidence cette année pendant le passage de la tempête post-tropicale Lee.

On ne voulait pas revivre l'expérience d'être coincé à la maison. [Pendant Fiona] on ne pouvait même pas sortir les automobiles de l'entrée du garage. On ne pouvait même pas se rendre à la route principale puisque la route du chemin Cap-Bimet était complètement inondée, dit-elle.

Un des chemins de Cap-Bimet aprés le passage de l'ouragan Fiona en septembre 2022.

Un des chemins de Cap-Bimet détruit après le passage de l'ouragan Fiona en septembre 2022.

Photo : Radio-Canada

Lorsque l'onde de tempête a atteint leur domicile en 2022, ils ont été cernés par les eaux. Fiona et la tempête Dorian avant elle ont d'abord inondé puis complètement emporté l'unique chemin d'accès à leur résidence.

La seule façon où on pouvait nous porter secours, c'est d'envoyer des gens en bateau nous secourir ou d'envoyer un hélicoptère (...) on se prépare au pire en espérant pour le mieux, dit Brigitte Robichaud.

Perte des barrières naturelles

L'ouragan Fiona a fragilisé l'ultime rempart, un banc de sable, qui protégeait la petite communauté côtière.

La dune a été complètement démolie par la force de l'océan en raison des vents et de la violence de la tempête. Alors depuis cet épisode-là, on réfléchit à ce qu'on fait, fait valoir Brigitte Robichaud.

Un peu plus loin, la résidence de Josée Robitaille à Grand-Barachois été épargnée en 2022 en raison d'une zone tampon. Sa cour arrière de plusieurs centaines de mètres sépare sa maison de la côte.

Josée Robitaille de Gand-Barachois (Cap-Acadie), a vu le tiers de son terrain inondé, un quai s'est retrouvé sur sa terre et sa tour d'observation s'est effondrée.

Josée Robitaille de Gand-Barachois (Cap-Acadie), a vu le tiers de son terrain inondé, un quai s'est retrouvé sur sa terre et sa tour d'observation s'est effondrée.

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Elle s'inquiète aussi de la disparition de la barrière naturelle naturelle qui les protégeait des vagues du détroit de Northumberland.

Les nouvelles constructions résidentielles l'inquiètent. Les gens coupent encore des arbres font encore de la construction. Proche d'ici, il y en a énormément. Juste à côté de chez moi, il y a deux terrains où ils ont coupé les arbres pour avoir la vue.

Mais pour Josée Robitaille, hors de question de déménager. Elle est arrivée du Québec il y a une vingtaine d'années et est convaincue de ne pas pouvoir trouver mieux. Elle serait toutefois en faveur d'un moratoire sur les nouvelles constructions dans la région.

Des normes plus sévères

Le maire de Cap‑Acadie, qui est encore à compiler les factures des dégâts laissés par l'ouragan Fiona – estimées à des millions de dollars – reconnaît que la région n'a pas pâti de la mauvaise presse des ouragans et demeure très prisée tant par les locaux que par des gens de l'extérieur de la province.

Le monde s'en vient ici et trouve le coin vraiment généreux et beau. La construction n'a pas arrêté, mais il y a plus de restrictions, dit-il.

Le maire de Cap-Acadie Serge Léger

Le maire de Cap-Acadie Serge Léger

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Serge Léger indique que la question de limiter ou d'interdire les nouvelles constructions en zone côtière n'est pas à l'agenda de la nouvelle municipalité, du moins pour l'instant.

On n'est pas rendu là encore. Ça n'a jamais été une discussion. Je ne vois pas de discussion tant et aussi longtemps qu'on respecte le 4,3 mètres du niveau d'eau, dit Serge Léger.

Le maire fait ici référence à un arrêté municipal adopté en 2019 dans le cadre du Plan rural du village de Cap-Pelé, avant les fusions municipales. Dans cet arrêté, la partie habitable des nouvelles constructions côtières devrait se faire à un niveau d'élévation minimale de 4,3 mètres du niveau de la mer.

Deux terrains sans maisons.

Deux maisons ont été soulevées et transportées sur plusieurs mètres lors de la tempête Fiona à Grand-Barachois au Nouveau-Brunswick.

Photo : Facebook/Jacinthe Sam LeBlanc

Resserrer les règles entourant la coupe des arbres en zone côtière n'est pas non plus à l'agenda du conseil municipal du moins à court terme, aux dires du maire qui travaille à mettre à jour le plan rural et le plan d'urbanisme de la nouvelle municipalité.

Des décisions difficiles à prendre

Le professeur en science de l'environnement à l'Université TELUQ, Sebastian Weissenberger qui connaît bien la région puisqu'il a enseigné le développement durable des zones côtières à l'Université de Moncton, convient que les options plus radicales comme l'interdiction de nouvelles constructions ou la délocalisation de la population ne sont pas très populaires auprès des décideurs.

Le déplacement de population est extrêmement impopulaire. Personne ne veut vraiment prendre cette décision sur soi. Et puis on comprend les décideurs qu'ils n’ont pas envie de perdre leur capital politique, social, indique Sebastian Weissenberger, professeur en science de l'environnement à l'Université TELUQ au Québec.

C'est vrai que pour de nouvelles constructions il faudrait limiter des zones, ça c'est une évidence.

Une citation de Sebastian Weissenberger, professeur en science de l'environnement à l'Université TELUQ
Sebastian Weissenberger, professeur en science de l'environnement à l'Université TELUQ.

Sebastian Weissenberger, professeur en science de l'environnement à l'Université TELUQ.

Photo : Radio-Canada

Certaines provinces, comme le Québec, ont mis des programmes en place pour des projets de relocalisation, mais ça ne semble pas être le cas au Nouveau-Brunswick.

L'Organisation des mesures d'urgence du Nouveau-Brunswick coordonne néanmoins un programme d'aide financière en cas de catastrophe, disponible pour aider les sinistrés dont les moyens de subsistance ont été gravement affectés lors de tempêtes ou d'inondations. Afin de pouvoir bénéficier d'une aide à la relocalisation, les dommages subis par la propriété doivent dépasser 50 % de la valeur estimée de celle-ci, indique le ministère de l'Environnement.

Rester à tout prix

Dans le sillage de Fiona, un groupe de résidents côtiers s'est récemment formé dans la région. Paul Landry qui habite bas Cap-Pelé, en fait notamment parti.

Fiona a été pour beaucoup de personnes un réveil, l'importance de passer à l'action.

Une citation de Paul Landry, résident côtier de bas Cap-Pelé
Paul Landry est l'instigateur d'un regroupement citoyen qui veut s'attaquer aux effets des changements climatiques.

Paul Landry est l'instigateur d'un regroupement citoyen qui veut s'attaquer aux effets des changements climatiques.

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Fiona a fait énormément de dommages, même si nous on a été épargné. On avait une belle petite forêt située pas loin d'ici et maintenant il n'y a plus d'arbre, tout a cassé, fait valoir Paul Landry.

L'objectif du groupe de résidents, qui prévoit se réunir une première fois le 23 septembre, n'est pas de partir, mais bien de rester.

Tout juste à côté de chez Paul Landry, des résidences sont en cours de construction, avec en contrebas des murs de ciment, aux frais du propriétaire, qui agissent comme rempart à la mer.

À côté de chez Paul Landry, des résidences sont en cours de construction, avec en contrebas des murs de ciment, aux frais du propriétaire, qui agissent comme rempart à la mer.

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Un des objectifs qu'on voudrait faire avec ce regroupement est d'encourager les gouvernements de mettre en place des incitatifs fiscaux pour encourager les propriétaires à investir davantage pour diminuer les risques, dit Paul Landry.

Ici non plus les multiples tempêtes n'ont pas d'effet sur l’ensemble résidentiel malgré les risques, malgré le prix.

Pas égaux devant les changements climatiques

Pour rester, certains devront débourser des sommes importantes, mais tout le monde n'a pas les mêmes moyens.

Les assurances privées comme on a vu aux États-Unis dans des zones à risque en Floride ou en Californie deviennent absolument prohibitives et y a des gens qui sont installés depuis des décennies qui doivent quasiment quitter leur logement parce qu'ils ne peuvent plus payer les assurances., fait valoir Sebastian Weissenberger.

Brigitte Robichaud, de Cap-Bimet, appelle ça l’embourgeoisement des côtes.

À Cap-Bimet des maisons ont été surélevées depuis l'ouragan Fiona.

À Cap-Bimet des maisons ont été surélevées depuis l'ouragan Fiona.

Photo : Radio-Canada / Ian Bonnell

À cinq mille dollars par an, elle et son conjoint n'ont pas les moyens de payer la prime des assurances en cas d'inondations et encore moins de faire surélever leur maison.

Alors, comme partout ailleurs sur la planète, on n'est pas égaux devant les changements climatiques, je ne pense pas du moins.

Dans ce contexte, Brigitte réfléchit à un jour déménager, une décision qu’elle redoute.

Parce qu'on a un cadre de vie qui nous convient à merveille ici. C'est une communauté assez soudée, puis c'est difficile de quitter ça, alors on n'a pas encore tracé la ligne quand on fait le grand départ, dit-elle.

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