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Les Iraniens soulignent le premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini

Des femmes portent des pancartes avec les portraits des femmes tuées lors du  soulèvement populaire qui a secoué l'Iran l'année dernière. Elles portent des chandails sur lesquels sont inscrits les mots «Femme, vie, liberté».

Des femmes portant des t-shirts sur lesquels est inscrit le slogan « Femme, vie, liberté » manifestent à Londres à l'approche du premier anniversaire de la mort de Mahsa Jina Amini, le 13 septembre 2023.

Photo : Getty Images / Dan Kitwood

« Femme, vie, liberté » : ces trois mots seront sur les lèvres de tous ceux et celles qui se rassemblent aujourd’hui dans le monde entier pour souligner le premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini.

Ce slogan est devenu l'étendard d'un mouvement de protestation d’une ampleur inédite en Iran, né en réaction au décès brutal de cette jeune femme kurde de 22 ans, le 16 septembre 2022.

Arrêtée par la police des mœurs de Téhéran au motif qu’elle ne portait pas son hidjab de manière appropriée, Mahsa Amini – ou Jina, de son prénom kurde – est morte d’une hémorragie cérébrale provoquée par des violences policières, une version contestée par les autorités.

En réaction, de jeunes Iraniens, surtout des femmes, sont descendus par milliers dans les rues pour protester et pour dire leur espoir de vivre dans une société plus libre et égalitaire.

Des femmes vêtues de noir sont rassemblées devant un podium où se tient un homme.

Cette capture d'écran montre des dizaines de jeunes femmes en train de protester près d'une école contre la tenue d'un discours par un représentant de la force paramilitaire Basij, à Chiraz, dans la province de Fars, en Iran, le 4 octobre 2022.

Photo : Reuters

Manifestations de solidarité au Canada

Pour Kouros Doustshenas, Femme, vie, liberté est le slogan le plus progressiste qui ait jamais émergé en 44 ans de régime islamiste.

Ces mots résument tout, ils disent cette idée qu’il faut des droits pour tout le monde. En plus, ce slogan vient du Moyen-Orient, une région surtout connue pour ses conflits, ses guerres, et toutes sortes de troubles, s’émeut le porte-parole de l’association des familles des victimes du vol PS-752.

Cette association canadienne organise la manifestation qui se déroule aujourd’hui à Toronto. Des rassemblements sont aussi prévus dans 10 autres villes du Canada, dont Montréal, Vancouver, Calgary et Edmonton.

L'homme est dehors près de la rivière gelée et tient un cadre dans ses mains.

Kourosh Doustshenas, porte-parole de l’association des familles des victimes du vol PS-752, tient une photo de sa fiancée, Forough Khadem. (Photo d'archives)

Photo : CBC / Tyson Koschik

M. Doustshenas a perdu sa fiancée, Forough Khadem, dans l’écrasement de l’avion de la compagnie Ukrainian Airlines, abattu quelques minutes après son décollage de l’aéroport Imam-Khomeini, à Téhéran, par les Gardiens de la révolution. C’était le 8 janvier 2020. Il n’y a eu aucun survivant.

Pour celui qui peine à faire son deuil, un mot fait le lien entre cette tragédie et le soulèvement populaire qui a suivi la mort de Mahsa Amini : l’injustice. Le peuple iranien, affirme-t-il, n’en peut plus, surtout les femmes, opprimées depuis trop d’années.

Son association veut amplifier leurs voix, car elles méritent d'être entendues, dit-il.

C’est notre devoir, à nous qui vivons au Canada dans une liberté totale, de lutter pour la liberté d’expression et les droits du peuple iranien. Les manifestations d’aujourd’hui sont l’occasion de dire que nous n’avons pas oublié Mahsa Amani, ni tous ceux qui ont été tués pour avoir protesté contre sa mort.

Une citation de Kouros Doustshenas, porte-parole de l’association des familles des victimes du vol PS-752

Des centaines de manifestants tués

Le mouvement de contestation, qui a duré des mois, a été durement réprimé par l’État iranien.

Amnistie internationale a inventorié des centaines d’homicides illégaux et l’exécution de sept personnes. L’ONG norvégienne Iran Human Rights, de son côté, a recensé 537 morts parmi les manifestants.

La commémoration de la mort de Mahsa Amini sera très, très dure pour sa famille, mais aussi pour toutes les autres familles en deuil de leurs enfants, prédit Azadeh Kian, professeur de sociologie à l’Université de Paris Diderot, dans un entretien à l'émission 24/60.

D’autant plus qu'à cette douleur s'ajoute, pour ces familles, une autre pression : à l’approche de la date anniversaire, des proches de Mahsa Amani et d’autres personnes tuées durant les protestations auraient été arrêtés préventivement, selon la sociologue.

Ces arrestations s’ajoutent à des milliers d’autres, et à des cas de viols et de tortures de détenus documentés par Amnistie internationale. En date du 8 février 2023, l’ONU notait que 20 000 personnes avaient été arrêtées.

Parmi elles, le chanteur Shervin Hajipour, auteur de la chanson devenue l'hymne de la révolution, Baraye.

Celles et ceux qui jouaient un rôle dans l’organisation de la contestation ont été particulièrement visés, souligne Azadeh Kian. Le limogeage de nombreux professeurs d’université et l’interdiction des associations estudiantines ont encore davantage affaibli la mobilisation.

Cependant, même si elle se fait plus discrète, la résistance se poursuit, insiste la sociologue.

Le mécontentement est grand et continue à s’étendre à d’autres pans de la population.

Une citation de Azadeh Kian, professeur de sociologie à l’Université de Paris Diderot

Mme Kian évoque des appels à la grève générale pour ce samedi, lancés par plusieurs conseils d’ouvriers et d’employés, ainsi que des féministes.

Car la contestation se nourrit également d’une grave crise économique. Un Iranien sur trois vivrait aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

Les gens qui se sont appauvris et ont perdu leur pouvoir d’achat ne peuvent soutenir un régime comme celui de la République islamique. Et c’est l’écrasante majorité, affirme Mahnaz Shirali, sociologue et politologue iranienne, invitée à Midi Info.

Les femmes continuent à défier le pouvoir

Dans les rues, les femmes continuent à défier le pouvoir en refusant de porter le voile, même si la police iranienne a annoncé, le 16 juillet dernier, le retour des patrouilles chargées de faire respecter cette obligation.

Azadeh Kian rappelle que le voile est le symbole politique et idéologique du régime islamique. En refusant de le porter, les jeunes femmes montrent qu’elles rejettent ce régime répressif et dictatorial. Elle précise toutefois que le combat de ces femmes est celui du libre-choix : elles ne demandent pas à toutes les femmes iraniennes de se dévoiler.

Deux femmes avec de longs cheveux et des lunettes de soleil se promènent dans la rue.

Des femmes se promènent sans leur voile dans le quartier commercial de Tajrish, au nord de Téhéran, le 29 avril 2023.

Photo : AP / Vahid Salemi

Mahnaz Shirali dit recevoir régulièrement des vidéos prises dans des grandes comme des petites villes iraniennes, qui montrent la résistance de femmes admirables, parfois battues à mort, car elles refusent de porter le voile.

Les femmes ont pris confiance, elles savent qu’elles appartiennent à une société de 84 millions d’habitants et que cette force du nombre est largement supérieure à la force militaire du régime. Un peuple qui a confiance en sa force est un peuple redoutable, donc le régime a toutes les raisons d’avoir peur.

Une citation de Mahnaz Shirali, sociologue et politologue iranienne

La colère qui embrase la société iranienne est très profonde, surtout chez les jeunes, insiste Mahnaz Shirali en mettant en évidence le paramètre démographique. Quatre-vingts pour cent de la population a moins de 40 ans, c’est vraiment un feu qui couve sous la cendre.

Pour Azadeh Kian, la mobilisation a débouché sur de nombreux acquis, qui ne permettront pas à ce régime moyenâgeux de se maintenir encore des années et des années dans une société devenue moderne.

Elle donne en exemple la façon inédite dont les jeunes hommes ont soutenu les femmes. Aujourd’hui, les revendications pour l’égalité entre les hommes et les femmes se sont étendues au reste de la population.

Appel à la communauté internationale

Kourosh Doustshenas, de son côté, aimerait que les pays occidentaux, dont le Canada, se montrent plus fermes avec la République islamique.

Il dénonce le récent accord entre Washington et Téhéran portant sur le transfert d’otages américains, qui va s'accompagner du transfert de six milliards de dollars de fonds iraniens gelés vers un compte spécial au Qatar, chargé de les distribuer à l’Iran pour de l’aide humanitaire.

M. Doustshenas ne pense pas que cet argent sera utilisé à bon escient.

Nous venons de vivre une année d’oppression et de répression brutale en Iran. Et que se passe-t-il? Les États-Unis entrent dans une négociation avec le régime. Alors qu’il n’a jamais été aussi faible en 44 ans, ils lui jettent une bouée de sauvetage.

Une citation de Kourosh Doustshenas, porte-parole de l’association des familles des victimes du vol PS-752

Le 22 octobre 2022, les manifestations organisées dans le monde entier pour soutenir les protestataires iraniens avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes, dans une démonstration d’unité rarement observée au sein de la diaspora iranienne.

Kourosh Doustshenas espère que cette dernière répondra encore massivement à l’appel cette année.

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