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Du Led Zeppelin à Salluit : le journal musical d’Elisapie, version Inuktitut 

Portrait de la femme sur un fond nuageux et orangé.

L'autrice-compositrice-interprète inuk Elisapie rend hommage à la musique de son adolescence sur «Inuktitut», son quatrième album.

Photo : Bonsound / Véronique Lafortune/Mali Savaria-Ille/Billy Club

Cinq ans après The Ballad of the Runaway Girl, la chanteuse Elisapie signe son retour vendredi avec Inuktitut. Sur ce quatrième album, elle reprend dans sa langue maternelle 10 succès populaires qui ont marqué son adolescence à Salluit, au Nunavik, de Led Zeppelin à Metallica en passant par Queen, Blondie et Pink Floyd. 

Ce qui s’annonçait à la base comme un exercice tout en légèreté pendant la pandémie – revisiter les chansons de son enfance – a pris une tournure beaucoup plus profonde au fur et à mesure que les souvenirs du Grand Nord ressurgissaient dans l’esprit d’Elisapie.

Plus le projet avançait, plus il y avait de moments où ça devenait très émotif. Il y a des chansons qui sont venues ouvrir de vieux garde-robes qui étaient bien fermés, barrés, explique la chanteuse au téléphone, à quelques jours de la sortie d’Inuktitut

Ensuite, j’ai vraiment pris le temps de ressentir ces chansons et de fouiller en moi, un peu comme un travail archéologique, mental et émotionnel. C'est comme ça que les chansons ont été choisies. 

Chaque chanson fait référence à des souvenirs bien précis, que la chanteuse décrit d’ailleurs en détail dans un communiqué de presse. Dans l’histoire derrière la reprise de The Unforgiven, de Metallica, on apprend par exemple qu’Elisapie a interviewé le guitariste du groupe, Kirk Hammett, alors qu’elle avait seulement 14 ans, fraîchement embauchée par le réseau TNI. 

La chanson évoque aussi chez elle la motoneige tout usée de son père adoptif et les soirées passées avec ses cousins à fumer du cannabis en écoutant le groupe de métal. Leur musique nous permettait de plonger dans les ténèbres de nos âmes brisées et de nous y sentir bien, écrit-elle. Le temps d’une chanson, nous avions l’impression d’être autorisés à être tristes.

Une chanson bien écrite est une chanson universelle, selon Elisapie

La traduction des chansons de l’anglais à l’inuktitut n’a pas été aussi ardue que l’imaginait Elisapie au début du processus, d’autant plus qu’elle a choisi des chansons qu’elle juge parfaitement écrites. 

Quand une chanson est si bien faite et que tu l’as autant entendue, tu t’entends déjà la traduire dans ta tête. Elle est en toi, explique-t-elle. Les gros hits, il y a une raison pour laquelle ça marche partout dans le monde. C’est comme si la chanson était faite pour être traduite dans toutes les langues.

Les rares fois où elle s’est butée à des difficultés, Elisapie a pu compter sur l’aide de Sarah Aloupa, une traductrice inuk.

Elle donne l’exemple de la phrase deux âmes perdues nageant dans un aquarium, chantée par David Gilmour dans Wish You Were Here, de Pink Floyd, qui n’avait pas vraiment d’équivalent dans l’imaginaire du Grand Nord. J’appelais Sarah pour être certaine qu’il n’y avait rien qui cloche, résume-t-elle.

Un an pour libérer tous les droits d’auteur 

Soucieuse de faire des choses dans les règles de l’art, Elisapie a voulu s’assurer d’avoir l’autorisation de chaque artiste dont elle reprenait les chansons; ce processus a pris une longue année à aboutir. 

On aurait pu contourner les étiquettes de disque - ça s’est déjà fait -, mais on voulait être by the book. On a terminé les enregistrements en décembre 2021, mais l’équipe de Tram7 [qui se spécialise en libération de droits] m’a dit : "Donne-nous un an", explique-t-elle. 

De Cindy Lauper (Time After Time) à Fleetwood Mac (Dreams) en passant par les Rolling Stones (Wild Horses), la plupart des artistes ont accepté rapidement. Fidèles à leur réputation, Led Zeppelin et Pink Floyd ont été plus difficiles à convaincre, mais se sont finalement ralliés au projet après des mois de tergiversation. 

Portrait de l'artiste Elisapie.

Elisapie tenait absolument à attendre les réponses de Led Zeppelin et de Pink Floyd, qui ont finalement donné leur accord après un an.

Photo : ICI ARTV

Seul un groupe a refusé de libérer ses droits : Abba, dont Elisapie avait repris le titre Chiquitita, qui ne figure finalement pas sur l’album. Ils disent toujours non et ils vont toujours dire non. Alors ma famille n’écoute plus Abba, on boycotte le groupe, mentionne-t-elle en riant. 

Elisapie croit que ce qui a convaincu les artistes d’accepter, c’est le fait qu’elle a traduit les chansons dans sa langue maternelle et que ses reprises s’éloignent énormément de la version originale des titres. On est bien loin en effet du simple copier-coller. 

Des arrangements limpides et éthérés 

Si la plupart des chansons reprises sur Inuktitut sont plutôt mouvementées dans leur version originale, Elisapie et ses collaborateurs les ont enveloppés d’une douceur presque fantomatique. 

Certaines des chansons, comme I Want to Break Free de Queen ou Going to California de Led Zeppelin, sont à peine reconnaissables, si ce n’est des mélodies qu’on a entendues mille fois. Ce travail d’orfèvre est en phase avec les émotions qui ont chamboulé une Elisapie à fleur de peau pendant l’enregistrement. 

Si le résultat est résolument apaisant, le processus créatif a été particulièrement difficile, avoue la chanteuse : Soudainement, j’étais habitée par des sentiments qui font mal tellement ils ont été refoulés, explique-t-elle. J’ai un côté très froid, je peux vraiment être fermée, mais quand ça s’ouvre, c’est souvent vers de grandes profondeurs. 

Elisapie a d’ailleurs craqué à plus d’une reprise en studio, s’abandonnant à un déluge de larmes, notamment lorsqu’elle a enregistré Wild Horses. Je n’arrivais plus à atteindre mes notes et mon volume, se rappelle-t-elle. 

Toutefois, la chanteuse a su se mettre à nu devant ses collègues, dont Joe Grass à la guitare et aux arrangements, Robbie Kuster à la batterie et aux percussions et Pierre Girard derrière les consoles. Le fait de m’être exposée devant eux m’a beaucoup aidée, c’est un peu comme avoir un thérapeute finalement, résume-t-elle 

Elisapie présentera Inuktitut un peu partout au Québec lors d’une tournée de 50 dates en 2023 et 2024. Elle fera aussi voyager l’album dans quelques villes françaises au mois de novembre, puis au mois d’avril. 

Liste des chansons de lalbum Inuktitut : 

  1. Isumagijunnaitaungituq (The Unforgiven - Metallica) 

  2. Sinnatuumait (Dreams - Fleetwood Mac)

  3. Taimangalimaaq (Time After Time - Cindy Lauper) 

  4. Qimatsilunga (I Want to Break Free - Queen) 

  5. Qaisimalaurittuq (Wish You Were Here - Pink Floyd) 

  6. Californiamut (Going to California - Led Zeppelin) 

  7. Uummati Attanarsimat (Heart of Glass - Blondie)

  8. Inuuniaravit (Born to Be Alive - Patrick Hernandez) 

  9. Taimaa Qimatsiniungimat (Hey, That’s No Way to Say Goodbye - Leonard Cohen)

  10. Qimmijuat (Wild Horses - Rolling Stones)

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