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Mégantic : tournée vers le soleil

10 ans après le drame, la ville de Lac-Mégantic mise résolument sur les énergies renouvelables pour tourner le dos au pétrole.

Un bateau navigue vers une marina.

La marina de Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Vianney Leudière

Il est de ces événements dont on ne se remet pas facilement. À Mégantic, la tragédie du 6 juillet 2013 en fait partie. Pour les habitants de cette petite ville de l’Estrie, ceux qui ont perdu des proches comme les autres, il y aura toujours un avant et un après.

David Drouin était une jeune recrue qui venait tout juste d'intégrer le service d’incendie de la ville au moment de la tragédie. Si les souvenirs sont parfois vagues, il se rappelle sa réaction en voyant l’ampleur du brasier. J’ai dit à ma femme de quitter la ville immédiatement, raconte-t-il.

Portrait de David Drouin.

David Drouin, pompier de Lac-Mégantic, est très fier des panneaux solaires qui ornent la nouvelle caserne.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

C'est sûr, ce sont des souvenirs qui font remonter beaucoup d'émotions.

Une citation de David Drouin, pompier, service d’incendie de Lac-Mégantic

Il se souvient de l’enfer de la première nuit, de l’impossibilité d’intervenir en raison de l’intensité des flammes. Il emprunte une image à ses collègues des municipalités voisines venus en renfort pour décrire la scène : C'était une vraie zone de guerre; les silhouettes d’arbres brûlés, les bâtiments jetés par terre.

Un train de citernes dans une zone construite.

Dix ans après le drame, le train traverse toujours le centre-ville de Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Vianney Leudière

De fait, défigurée par le déraillement de train, le déversement de pétrole et l’incendie qui ont ravagé son cœur, la ville est méconnaissable. Dix ans plus tard, elle a été en grande partie reconstruite, mais les nouveaux bâtiments ne ressemblent en rien aux anciens, répartis le long de la rue Frontenac, qui lui donnaient cet air de grand village.

En raison des longs délais liés à la décontamination des sols, il a fallu rebâtir ailleurs et dans l’urgence. Tant qu’à devoir repartir de zéro, autant faire différent. Aussi, le nouveau centre-ville s’inscrit résolument dans l’avenir. On était à la croisée des chemins, se souvient Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic.

Sept millions de litres de pétrole brut se sont déversés dans le centre-ville et dans notre lac. Alors, quand est venu le temps de la reconstruction, on a choisi de le faire avec des énergies renouvelables. Pour montrer l'exemple; pour réduire la dépendance au pétrole. Pour nous, ça donnait un sens à ce qu'on a vécu.

Une citation de Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic
Portrait de Julie Morin.

Pour Julie Morin, la mairesse de Lac-Mégantic, le microréseau visait à donner du sens au drame.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

C’est ainsi qu’est né le microréseau électrique de Lac-Mégantic. D’un désir commun des autorités de la Ville et de celles d’Hydro-Québec de développer un nouveau modèle de production et de distribution d’énergie.

Aujourd’hui, une trentaine de bâtiments du centre-ville sont raccordés à ce réseau électrique parallèle et autonome. La plupart se reconnaissent aux rangées de panneaux solaires disposés sur leur toit. Le centre sportif de la ville constitue le cœur de cette installation unique au Québec.

Des panneaux solaires sur le toit d'un bâtiment.

Avec ses 1700 panneaux solaires, le centre sportif de Lac-Mégantic est le cœur du microréseau.

Photo : Radio-Canada / Vianney Leudière

On a installé environ 1700 panneaux sur le toit; on a utilisé tout l’espace disponible, explique David-Olivier Goulet, l’ingénieur responsable du projet chez Hydro-Québec. Les panneaux solaires ont une capacité de production qui dépasse les 500 kW d’électricité.

Lors d’un bel après-midi ensoleillé, l’énergie provenant des cellules photovoltaïques des immeubles raccordés dépasse les besoins, si bien que le surplus sert à recharger des batteries ou est partagé avec le reste de la province. Ici, même les bornes de recharge pour voitures électriques sont alimentées par le soleil.

La nouvelle caserne de pompiers, nouvellement inaugurée, ne fait pas exception. C’est la première au Québec qui est dotée de panneaux solaires, dit avec fierté le pompier David Drouin. Une installation qui incarne, selon lui, la volonté des habitants de la ville de tourner une page douloureuse. Tranquillement, pas vite, on a des choses qui se mettent en place. Ça permet de regarder vers l'avenir… en vent de changement.

Une structure se dresse sur un parc.

La pavillon du microréseau, recouvert de panneaux solaires, héberge un centre d’interprétation.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Au cœur de la ville, un pavillon au toit garni de panneaux solaires sert de centre de vulgarisation et d’interprétation. L’ingénieur d’Hydro-Québec montre du doigt les chiffres affichés sur l’écran du panneau de contrôle. Donc là, on voit que présentement on a un 100 % de solaire, donc on est autosuffisants; puis on a 70 kilowatts qui sont réinjectés vers le réseau principal d'Hydro-Québec.

Précurseur, le microréseau de Lac-Mégantic se voulait d’abord un laboratoire grandeur nature pour Hydro-Québec. Notre objectif était d'apprendre ces nouvelles technologies, explique David-Olivier Goulet.

Ayant beaucoup misé dans le passé sur l’énergie hydro-électrique et dans un réseau centralisé, la société d’État souhaitait combler un certain retard dans le déploiement de ces nouvelles architectures.

C'était la première fois qu'on travaillait avec des panneaux solaires, avec des systèmes de stockage d'énergie. On avait donc beaucoup à apprendre sur l’utilisation de ces nouvelles technologies et sur leur impact sur notre réseau.

Une citation de David-Olivier Goulet, ingénieur de projet, Systèmes énergétiques de l'avenir Hydro-Québec
Portrait de David-Olivier Goulet.

David-Olivier Goulet, d’Hydro-Québec : les batteries offrent plusieurs heures d’autonomie aux immeubles raccordés au microréseau.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

Derrière le centre sportif, deux conteneurs blancs remplis d’accumulateurs emmagasinent l’énergie produite par les panneaux solaires. L'électricité ainsi stockée permet au microréseau des décrochages du réseau principal. Ici, on parle d’îlotage. Avec ces deux batteries-là, on peut aller jusqu’à huit, dix ou douze heures consécutives où on est complètement déconnecté du réseau principal.

Un système qui met la ville à l’abri des pannes affectant le réseau principal. Mais outre cette plus grande résilience, la mairesse de la ville voit bien d’autres avantages. On estime qu'il y aura des économies d'énergie importantes parce qu'on produit localement notre énergie, explique Julie Morin.

Bâtiment recouvert de panneaux solaires.

La nouvelle caserne de pompiers est recouverte de panneaux solaires.

Photo : Radio-Canada / Vianney Leudière

Le microréseau est aussi une grande source de fierté. S’il ne chasse pas le traumatisme, il ouvre des horizons. Ça fait un changement de discussion par rapport aux événements qui se sont passés voilà dix ans, avoue le pompier David Drouin. On avance vers l'avenir, on veut tourner la page.

On en est très fiers. Il y a déjà d’autres villes qui appellent pour voir comment on a fait ça, enchaîne la mairesse, qui est convaincue que sa ville doit servir d’exemple. On doit réduire la dépendance au pétrole. On a tous notre part à faire, et nous, on a choisi de la faire et on espère que d'autres vont emboîter le pas également.

Tourner une page douloureuse sans oublier le passé. Une volonté exprimée dans le monument érigé à la mémoire des victimes. À côté des 47 silhouettes, des pensées ont été inscrites sur des pierres, comme autant de mantras : Prendre le temps… là où il s’est un jour arrêté; Avoir le courage, avancer.

Une pierre déposée sur un lit de cailloux.

Pensées inscrites sur le monument à la mémoire des victimes.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger

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