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« C’est une tragédie monumentale qui n’aurait pas dû se produire » – Omar Alghabra

Omar Alghabra parle à Chantal Rivest, de Radio-Canada.

Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a accepté de recevoir Chantal Rivest, cheffe d'antenne du Téléjournal Estrie, pour répondre à certaines inquiétudes de citoyens.

Photo : Radio-Canada / Jonathan Ébacher

Une décennie après la tragédie de Lac-Mégantic, de nombreux citoyens, élus et experts estiment qu’il reste beaucoup de travail à faire pour assurer la sécurité ferroviaire au pays. Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a accepté de recevoir Radio-Canada Estrie dans son bureau pour répondre à leurs inquiétudes et à leurs critiques.


Sécurité ferroviaire

Question : Est-ce que la tragédie de Lac-Mégantic était prévisible?

Omar Alghabra : Je pense que, compte tenu [...] de ce que nous avons appris, Lac-Mégantic ne serait pas arrivé si nous avions mis en place les règles que nous avons aujourd'hui. C'est une tragédie monumentale qui n'aurait pas dû se produire. Mon objectif, l'objectif de notre gouvernement et l'objectif de tout le monde devrait être que cela ne se reproduise plus jamais.

Q: Qu'avons-nous appris de Lac-Mégantic?

O. A. : Beaucoup! Premièrement, nous avons perdu 47 personnes qui ne pourront jamais être remplacées et la communauté continue de devoir vivre avec ce grand deuil.

Deuxièmement, nous avons appris à quel point les règlements sont importants. Ils sont mis en place pour de bonnes raisons, mais parfois, je pense que nous les oublions quand nous devons les observer au quotidien. [...] Il est donc important de nous rappeler pourquoi les règlements sont là, mais aussi de nous assurer que les règles de sécurité sont infaillibles, et qu'il existe des mécanismes de surveillance pour nous assurer qu'elles sont respectées.

Troisièmement, les entreprises doivent assumer leurs responsabilités pour s'assurer que ces règles [sont suivies].

Malheureusement, le coût [de la tragédie] a été incroyablement élevé, mais nous avons beaucoup appris.

Une citation de Omar Alghabra, ministre des Transports du Canada

Q : Pourtant, depuis 2013, plusieurs autres déraillements majeurs ont eu lieu ailleurs au pays, dont à Field, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Comment est-ce possible?

O. A. : Ces tragédies ferroviaires étaient distinctes les unes des autres et sont survenues dans diverses circonstances. Mais [...] depuis Lac-Mégantic, de très nombreuses règles ont été renforcées et modifiées. [...] Les règlements sur les mécanismes de freinage ont changé. Les inspections des freins ont elles-mêmes changé. Les règlements entourant le transport de marchandises dangereuses ont aussi été modifiés et incluent la réduction de la vitesse des trains lorsqu’ils traversent des villes habitées ou des centres-villes. Le nombre d'inspections effectuées par Transports Canada a doublé, passant de 20 000 par an à 40 000 par an. Le nombre d'inspecteurs a quant à lui augmenté de 50 %.

Omar Alghabra, le ministre des Transports du Canada, dans son bureau.

« Malheureusement, le coût [de la tragédie] a été incroyablement élevé, mais nous avons beaucoup appris », souligne Omar Alghabra.

Photo : Radio-Canada / Olivier Plante

Q : Des sanctions plus sévères pourraient-elles être imposées lorsque les entreprises ne respectent pas la loi?

O. A. : Un des règlements qui a changé depuis Lac-Mégantic, c’est l'assurance-responsabilité imposée aux compagnies ferroviaires. À l'époque, la limite était incroyablement basse; maintenant, nous l'avons montée à un milliard de dollars, pour nous assurer que les compagnies ferroviaires comprennent la portée de leurs obligations. C'est vraiment important de rappeler aux entreprises qu'elles peuvent faire face à des conséquences financières, ainsi que l’incidence qu’elles peuvent avoir sur les communautés.

Q : Ne serait-il pas le temps d'une réforme pour permettre au gouvernement d'être l’unique responsable de la sécurité ferroviaire, afin que cette dernière ne repose plus sur les entreprises?

O. A. : Je veux rassurer la population, et particulièrement les résidents de Lac-Mégantic : les entreprises ferroviaires ont des obligations envers Transports Canada et envers le gouvernement du Canada. Nous réglementons les entreprises ferroviaires; elles ne se réglementent pas elles-mêmes.

Q : Pourquoi a-t-il fallu des années, et de nombreuses demandes citoyennes, pour faire réparer les rails dans le secteur de Lac-Mégantic après le drame?

O. A. : Je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé il y a 10 ans sous un autre gouvernement, mais dès que notre gouvernement est arrivé au pouvoir, notre premier ministre s'est rendu à Lac-Mégantic et a promis de construire la voie de contournement. C'est notre gouvernement qui a instauré de nombreux changements, dont l’exigence d'entretenir les voies. Je m’engage à faire en sorte que nous ayons les règles de sécurité les plus strictes possibles.


Voie de contournement

Une voie ferrée. On voit Lac-Mégantic en arrière.

La voie ferrée passe toujours par le centre-ville de Lac-Mégantic, 10 ans après la tragédie.

Photo : Radio-Canada / André Vuillemin

Q : Pourquoi la voie de contournement ferroviaire n'est-elle pas construite, 10 ans après la tragédie?

O. A. : La voie de contournement a été promise il y a cinq ans par le premier ministre Justin Trudeau. Chaque fois qu’une infrastructure comme celle-ci est construite, le processus est long, pour de bonnes raisons. Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons le plus rapidement possible, tout en respectant la réalité complexe du terrain. Nous avons retardé les négociations avec les propriétaires fonciers à trois reprises pour donner du temps aux gens. La conception technique est aussi complexe. [...] Nous visons à commencer la construction cet automne, et pour un projet de cette complexité, c'est un délai assez rapide.

Q : Combien coûtera la voie? Plusieurs chiffres ont été avancés, et les estimations s’élèvent même à un milliard de dollars. Ce montant est-il réaliste?

O. A. : Des négociations sont toujours en cours quant à la conception de la voie de contournement; je n'ai donc pas encore de chiffres définitifs. Bien sûr, le projet coûtera cher, mais il en vaudra la peine. [...] Lorsque nous arriverons à un point où nous finaliserons l'entente avec le CP [Canadien Pacifique] et obtiendrons l'approbation de l'Office des transports du Canada, nous aurons une meilleure idée des chiffres.

Q : Vous avez rencontré des élus de la région du Granit, il y a quelques mois, pour parler de la voie de contournement. Quelques heures plus tard, certains d'entre eux ont voté contre le tracé. Que s'est-il passé?

O. A. : C’est un dossier très délicat, et je comprends pourquoi : nous construisons une nouvelle voie ferrée qui passera par différentes communautés et sur plusieurs propriétés. Nous voulons aborder ce processus respectueusement et sérieusement. [...] Je comprends qu'il y ait encore des gens qui ne sont pas satisfaits. Ce que j'ai dit aux maires des municipalités du secteur, c'est que ce projet est d'intérêt public. Il est soutenu par le gouvernement du Québec et il est soutenu par les Québécois.

Nous avons tout fait pour identifier le meilleur tracé, pour travailler avec les propriétaires, mais il faut construire la voie.

Une citation de Omar Alghabra, ministre des Transports du Canada

Devoir de mémoire

Omar Alghabra avec un clou de chemin de fer dans les mains.

Omar Alghabra garde ce clou de chemin de fer dans son bureau. Il lui a été offert par son prédécesseur, Marc Garneau, qui l'avait lui-même obtenu d'une famille d'une victime de Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Olivier Plante

Q : Dans votre bureau, vous gardez une photo qui vous a été remise lors de cette visite à Lac-Mégantic. Qu’en retenez-vous?

O. A. : Je suis allé deux fois à Lac-Mégantic. [...] Chaque visite est émouvante. J'ai rencontré les familles en janvier et j'ai entendu leurs histoires. En tant qu’humain, on ne peut pas ne pas être ému en entendant à quel point leur vie a été tragiquement affectée à jamais.

Dix ans plus tard, je pense que le reste du pays a peut-être oublié la douleur, la souffrance et l'angoisse des gens de Lac-Mégantic. On n'a pas oublié, Transports Canada n'a pas oublié, et je suis ici pour rappeler au reste du pays que les gens de Lac-Mégantic ont encore besoin de guérison et qu'ils ont besoin de voir des résultats, y compris la construction de la voie de contournement. Je sais que c'est frustrant qu'elle n'ait pas encore été construite, mais il y a eu beaucoup de travail qui a été fait, et je suis personnellement engagé à la faire construire.

Q : Avez-vous regardé Lac-Mégantic : ceci n’est pas un accident, le documentaire de Philippe Falardeau? Si oui, qu’en avez-vous pensé?

O. A. : Je l'ai vu. J’ai trouvé que c'était un rappel très puissant des histoires humaines, de l'incidence de cette tragédie et de l'importance de la sécurité ferroviaire. Des fois, en tant que ministre des Transports, je m'occupe de rapports, de vérifications et d'évaluations après différents déraillements. Il est parfois très utile de prendre du recul et d’étudier la situation dans son ensemble. Ce documentaire m’a rappelé cette vue d'ensemble, ainsi que la dimension humaine de ces tragédies. Je n'étais pas d'accord avec toutes ses analyses, mais je pense qu’il était vraiment puissant.

Q : Avec quoi n'êtes-vous pas d'accord dans le documentaire?

O. A. : [Le documentaire] laissait entendre, selon moi, que Transports Canada n'avait pas fait grand-chose depuis la tragédie, ce qui n'est pas exact. [...] Ça pourrait ouvrir des discussions, mais le fait que Transports Canada ait changé un nombre important de règles, que l'entreprise MMA [Montreal, Maine & Atlantic Railway] ait fait l'objet d'une enquête et d'une amende, le fait qu’Irving Oil a reçu une amende et que certains employés ont été condamnés à une amende pour avoir enfreint les règles [...]. Ces choses ne faisaient malheureusement pas partie du documentaire. Celui-ci était quand même très puissant.

Q. Aimeriez-vous dire un mot en français aux gens de la région de Mégantic pour marquer la 10e année depuis la tragédie?

O. A. : [En anglais] J'aurais aimé être préparé pour ça [...]. J'aurais aimé pouvoir faire cette entrevue en français, parler directement avec les gens de Lac-Mégantic. En tant qu'immigrant au Canada, je suis né à l'extérieur du pays. Je n'ai jamais eu l'occasion d'apprendre le français en grandissant, mais je suis fier de la nature bilingue de notre pays. Je suis des cours de français et je fais de mon mieux. Je rappelle aussi à Transports Canada notre obligation envers les Canadiens de parler et de travailler dans leur langue.

* Cette entrevue a été éditée et raccourcie par souci de clarté.

** Cette entrevue a été traduite de l’anglais par Radio-Canada.

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