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Reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic : une histoire inachevée

Des autos circulent dans le centre-ville de Lac-Mégantic.

Peu à peu, des immeubles ont été reconstruits au centre-ville de Lac-Mégantic. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / André Vuillemin

Radio-Canada

La reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic est une histoire de résilience, mais aussi une histoire inachevée, 10 ans après la tragédie. Même si de nombreux projets se sont concrétisés, il reste encore du chemin à faire avant que les citoyens se réapproprient entièrement les lieux.

Pierre Lebeau a été témoin de la destruction du cœur de sa ville. Il a été le premier photographe à arriver sur les lieux le soir du déraillement.

J'ai vu la lave en feu couler dans le lac, se souvient-il.

Des pompiers dans un Lac-Mégantic en flammes.

Pierre Lebeau a été le premier photographe sur les lieux le 6 juillet 2013.

Photo : Pierre Lebeau

Aujourd’hui, il s’habitue encore difficilement aux bâtiments modernes qui ont été construits au fil des ans dans le centre-ville.

Dans la dernière décennie, les chantiers se sont en effet peu à peu enchaînés sur la rue Frontenac et en périphérie. On y trouve aujourd’hui un centre d’esthétique et quelques immeubles à logements.

Ce n'est plus comme avant; ce n'est plus qu'une seule rue, maintenant. Le centre-ville est devenu un quartier, avec la rue parallèle, la promenade Papineau, où les commerces se sont installés, souligne la mairesse de Lac-Mégantic, Julie Morin.

Selon elle, l’un des projets collectifs les plus porteurs de la Municipalité est le bâtiment Concerto. Celui-ci accueille le parc de jeux intérieurs pour enfants Horzone ainsi qu’un centre de la petite enfance (CPE). Le lieu représente aussi un endroit de rencontres pour les organismes communautaires et offre des logements à prix modiques à l’étage.

Steeve Brisson devant un terrain de jeux intérieur pour enfants.

Radio-Canada a rencontré Steeve Brisson dans le parc de jeux Horzone, à Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Les gens recommencent à se déplacer, et on voit une vitalité qui se passe ici. On peut voir qu’il y a une belle progression. On n’est plus portés vers le passé, on sent vraiment qu’il y a des projets aussi vers l’avenir, souligne le directeur général de la Constellation du Granit, Steeve Brisson. L’organisme est, entre autres, propriétaire-gestionnaire du parc Horzone.

La Chambre de commerce et d’industrie de la région de Mégantic est aussi tournée vers l’avant. Elle mise notamment sur l’attrait touristique de la municipalité pour soutenir le développement économique. Un boom a été observé depuis la tragédie, selon la présidente Caroline Vallée. Il y avait des gens qui venaient pour voir comme voyeurs, et d’autres pour découvrir, explique-t-elle.

L’offre de services s’est diversifiée, et la Chambre de commerce souhaiterait même attirer les congrès. Mégantic, ce n’est pas juste un accident, mais c’est une très belle région pour faire du camping, profiter du lac, fait valoir Caroline Vallée.

Caroline Vallée dans son bureau.

Caroline Vallée est la présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de la région de Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Repartir à zéro

Avant les projets d’avenir, la Municipalité a tout de même dû relever le défi de repartir à zéro. La dernière fois qu’une ville du Québec a été aux prises avec une reconstruction aussi majeure, c’était à Rimouski, en 1950, après un incendie de grande envergure, précise l'urbaniste Gérard Beaudet, qui s’est beaucoup intéressé au dossier de Lac-Mégantic.

Le centre-ville de Lac-Mégantic, qui comporte beaucoup de bâtiments modernes.

La reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic représente un projet majeur.

Photo : Radio-Canada

Parler de reconstruction de centre-ville, c’est tout à fait exceptionnel, dit-il d’emblée.

Ce que j’aime, c’est la qualité relative de tout ça [des immeubles rebâtis]. On aurait pu faire des boîtes de tôle pour aller au plus pressant, mais on a quand même tenu à ce qu’il y ait une certaine qualité. [...] On voit qu’on voulait quand même, malgré tout, prendre la peine de faire les choses correctement, et ça, je pense que ça a été un geste très significatif, notamment pour stabiliser l’activité commerciale locale, souligne-t-il, ajoutant que la reconstruction appartient plus à l'univers de la centralité de banlieue que de la centralité urbaine plus traditionnelle.

Si ce nouveau style ne plaît pas à certains citoyens, il aurait été difficile de reconstruire le centre-ville comme il était avant l’explosion, selon l’urbaniste, parce que la manière d'occuper le territoire n’est plus du tout la même chose. Il poursuit : L'idée d'avoir des bâtiments avec des commerces au rez-de-chaussée, des bureaux et des logements à l'étage, en mitoyenneté, en implantation en bordure des trottoirs, je ne suis pas sûr que ça aurait pu être absorbé par le marché. Je ne suis pas sûr qu'il y aurait eu un marché pour ce genre de reconstruction là.

La transformation du centre-ville est encore en cours; d’autres projets se concrétiseront sous peu. Les plans incluent entre autres de nouvelles salles communautaires et un restaurant au bord du lac. Il ne reste plus que deux terrains à vendre, selon la mairesse.

Ça se reconstruit au rythme de la communauté qui se mobilise, des investisseurs qui arrivent, des moyens financiers qu'on est capables de mettre en place, des incitatifs...

Une citation de Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic
Julie Morin devant le centre-ville de Lac-Mégantic.

Le centre-ville « se reconstruit au rythme de la communauté qui se mobilise », affirme Julie Morin.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Ce processus est long, reconnaît l'urbaniste Gérard Beaudet, notamment en raison de la situation économique de Lac-Mégantic. Si on avait une croissance économique forte avec une croissance démographique forte qui l'aurait accompagnée, il y aurait eu un marché pour accélérer le processus de reconstruction, mais ce n'est pas le cas. Donc, on est obligés d'y aller au rythme de la capacité d'absorption de la Municipalité, constate-t-il.

Se réapproprier le centre-ville

Au fil de la reconstruction, Pierre Lebeau remarque qu’il a encore de la difficulté à ne pas être nostalgique du dynamisme de l’ancien centre-ville, surtout lorsqu’il regarde des photos qui datent d’avant la tragédie.

Pierre Lebeau, caméra au cou.

Pierre Lebeau, le premier photographe à être arrivé sur les lieux le soir du déraillement, est nostalgique de l'ancien centre-ville de Lac-Mégantic.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Tout le charme qu’il y avait avant, il n'y en a plus. Moi, j'ai comme fait un deuil de toute la beauté du centre-ville qu'on avait avant. [...] C’était le fun, aller là. Avant, sur Frontenac, tu avais des commerces avec des logements au-dessus. Le soir, les gens sortaient après dîner promener leurs petits-enfants, aller se promener en couple... Ça vivait! raconte-t-il.

Malgré cela, il a bien l’intention de poursuivre sa documentation de la ville, qu'il continue à aimer.

Sa réaction est d’ailleurs normale, comme l'explique Gérard Beaudet. C’est clair que, quand on a un environnement qui a pris de l’âge, il y a une sorte de patine qui s’installe. [...] On sent de la vie dans tout ça, soutient-il.

Beaucoup d’espaces ont été réservés comme espaces publics, comme espaces verts. Ça aussi, ça va prendre du coffre, ça va vieillir; les arbres vont grossir... Le paysage va changer, et ça se pourrait que les gens redeviennent plus familiers [...]. Mais, il va falloir se donner, je pense, au minimum une décennie.

Une citation de Gérard Beaudet, urbaniste
L'ancien centre-ville de Lac-Mégantic.

Pierre Lebeau se dit toujours nostalgique de l'ancien centre-ville de Lac-Mégantic. (Photo d'archives, 2006)

Photo : Pierre Lebeau

La mairesse croit, quant à elle, que ce n'est qu'une question de temps avant que les citoyens se réapproprient pleinement les lieux.

On a perdu tout le patrimoine bâti et culturel. Ça ne se recrée pas, ça; ce sont les générations qui le créent. C'est l'histoire qui finit par amener de l'âme aux bâtiments, aux lieux. Ça va prendre peut-être quelques générations.

Une citation de Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic

Malgré tout, la vie continue dans la municipalité. On parle de tragédie, car on approche du 6 juillet, mais ultimement, on habite ici. On a choisi de vivre ici ou de rester. Au quotidien, on est heureux; les enfants font du sport, il y a plein de plateaux sportifs, on a accès à la culture... C’est un milieu de vie qu’on aime. Maintenant, il faut tenter de mobiliser les citoyens, de continuer à mobiliser du temps, de l’argent et, bien sûr, se réapproprier ce centre-ville-là qui est nouveau, en transformation, dans une ville qui est en transformation, dit-elle.

Ultimement, on n’a pas le choix : cette tragédie-là, elle est arrivée, on ne peut rien y changer. Il faut reconstruire, et il faut le faire ensemble.

Une citation de Julie Morin, mairesse de Lac-Mégantic

Avec les informations de Thomas Deshaies

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