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Les effets de la tragédie de Lac-Mégantic sur l’environnement continuent à inquiéter

La rivière Chaudière.

Les traces du désastre ne sont heureusement presque plus visibles dans la rivière Chaudière.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Radio-Canada

En plus de représenter un drame humain, l’explosion survenue à Lac-Mégantic a eu des conséquences sur l’environnement. Au total, 100 000 litres de pétrole ont été déversés en quelques heures dans la rivière Chaudière en juillet 2013. Une décennie après la tragédie ferroviaire, une équipe du ministère de l’Environnement sera déployée sur le terrain cet été pour étudier comment la faune et la flore du secteur se remettent des événements. Si Québec s’attend à ce que les résultats soient rassurants, des inquiétudes persistent chez des citoyens.

Les traces du désastre ne sont presque plus visibles dans les milieux naturels entourant les lieux du déraillement. Les opérations de nettoyage effectuées après la catastrophe et les crues des printemps qui se sont succédé semblent avoir permis à la vie de reprendre ses droits dans la rivière.

Il y a eu un bon lessivage, un bon nettoyage. Donc, les endroits où il pourrait rester quelque chose, c’est là où c’est plus profond, où il y a des fosses ou des sédiments qui peuvent rester dans le fond de l’eau, explique le professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé.

Selon cet expert, le retrait de tous les sols contaminés a permis d'éviter que le déversement demeure un problème de santé publique. Les sols auraient agi comme réservoirs de PFAS [substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques appelés contaminants éternels] et d’hydrocarbures. Le moindrement qu’il y aurait eu de la pluie, les eaux n’auraient pas été bien captées, ça aurait pu contribuer à rajouter une contamination dans l’environnement, dans la rivière. Mais en enlevant la source, il n’y a plus eu de nouvelles contaminations, précise-t-il.

Malformations chez des poissons

Lac-Mégantic, dix ans plus tard

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Une famille à vélo dans une rue de Lac-Mégantic.

Des inquiétudes persistent tout de même dans la communauté. Le vice-président de l’Association chasse et pêche Lac-Mégantic, Pierre Grenier, dit observer des bouleversements dans les populations de poissons depuis 2013, dont une baisse de la reproduction.

Ce qui est vraiment alarmant, c’est la population. Il n’y a plus de poissons. [...] C’est dû à quoi? Est-ce que c’est dû à la tragédie? Est-ce que c’est dû à un manque d’ensemencement? Est-ce que ce sont les frayères qui ne fonctionnent plus? Est-ce que c’est dû aux barrages?

Une citation de Pierre Grenier, vice-président de l’Association chasse et pêche Lac-Mégantic
Pierre Grenier regarde la caméra.

Pierre Grenier dit avoir observé une baisse de la reproduction des poissons.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

De son côté, le ministère de l’Environnement a constaté un taux de malformation anormalement élevé des poissons dans le secteur, entre 2014 et 2016.

Les produits liés au pétrole ne sont pas bioaccumulables, comme le mercure. [...] Ils ne s’accumulent pas dans les poissons. La théorie, c’est que le pétrole présent dans les sédiments peut attaquer le mucus qui est sur le poisson, et quand ce mucus-là est altéré, les nageoires des poissons [...] deviennent exposées aux bactéries, et il peut y avoir de l’érosion, explique le biologiste au ministère de l’Environnement du Québec, David Berryman. Il ajoute que c’est l’effet qui avait été le plus observé chez les spécimens examinés, il y a quelques années.

Une équipe reviendra dans les prochaines semaines pour prendre des échantillons et voir si la situation s’est améliorée. On a laissé passer quelques années, comme le conseillait le comité expert sur la rivière Chaudière, et là, on retourne prendre des échantillons pour faire l’état des lieux sur trois volets, souligne-t-il.

Volets étudiés par le ministère de l'Environnement

  • La contamination des sédiments [...] par les hydrocarbures pétroliers;
  • L’état des communautés benthiques (tous les petits organismes qui vivent sur le fond du cours d’eau et qui sont les bases de la chaîne alimentaire);
  • L’état des communautés de poissons qui vivent dans le cours d’eau.

Les poissons vivent quand même quelques années. [...] On espérait, en laissant passer quelques années, que les générations de poissons soient remplacées par de nouvelles générations, possiblement moins exposées au pétrole. On espère des taux d’anomalies physiques moins élevés que ce qu’on a détecté en 2014 et 2016.

Une citation de David Berryman, biologiste au ministère de l’Environnement du Québec

Les échantillons devraient aussi permettre de déterminer si les populations de poissons diminuent bel et bien, comme le croit l’Association chasse et pêche. D’après moi, s’il y avait un impact majeur sur le recrutement de poissons, on va le voir par les résultats. [...] Si jamais il y avait des difficultés majeures de recrutement, on verrait des diminutions importantes dans les effectifs de ce qu’on va mesurer en 2023, estime le biologiste.

David Berryman se fait toutefois rassurant. Le nombre de sites sur la rivière où des quantités importantes de contaminants sont présentes devrait être négligeable. La situation s'était déjà grandement améliorée entre la tragédie et 2017. On se croise les doigts. On espère que ça va diminuer dans les échantillonnages de 2023.

La voie de contournement, nouvelle source d’inquiétude

À plusieurs kilomètres du site du déversement, loin de la rivière, des citoyens redoutent aujourd'hui de nouveaux contrecoups environnementaux en lien avec la tragédie, causés cette fois-ci par la voie de contournement ferroviaire qui doit bientôt être construite pour faire sortir le train du centre-ville de Lac-Mégantic.

Cette dernière doit en effet traverser des milieux humides. Il s’agit d’un non-sens, selon Sylvain Côté, qui vit à Nantes et dont le terrain de 11 hectares (28 acres) est en partie visé par le tracé.

Sylvain Côté dans la forêt.

Une partie du terrain de Sylvain Côté est visée par le tracé de la voie de contournement.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

On le sait : ici, c’est un milieu humide. On sait l’impact que ça amène. Si on veut passer ici, il faut l’assécher. Le résultat que ça va donner sur le reste de nos terres, sur nos puits. En 2019, on disait que c’était le meilleur tracé, mais il n’y avait pas eu d’études hydrologiques, déplore-t-il.

Au total, ce sont 66 hectares (163 acres) de milieux humides qui seront touchés par le tracé, soit l’équivalent de plus de 120 terrains de football. Ce nombre représente une superficie 19 fois plus grande que l’ensemble des milieux humides qui ont été détruits dans les 17 dernières années dans l’ensemble de la municipalité régionale de comté (MRC).

Sur la terre de François Gendron, un autre résident, un cours d’eau devra même être déplacé. Vu qu’il est en plein centre d’empiétement de voie ferrée, ils vont le déplacer [...] d'environ 150 pieds (46 mètres) plus haut. [...] Ça commence à briser une terre, dit-il en soupirant.

Le Conseil régional de l’environnement de l'Estrie juge qu’il est légitime de requestionner le choix du tracé. Les décisions vont se faire selon une multitude de critères qui sont en dehors de notre champ de compétence, mais nous, ce qu’on demande, c’est d’avoir une réflexion profonde et de vraiment considérer ces impacts-là, qui ne sont pas mineurs. Ils ne sont pas mineurs non plus dans un contexte de changements climatiques, puisqu’on a de nouvelles incertitudes à venir à court terme, à moyen terme, indique la codirectrice de l’organisme, Jacinthe Caron.

Elle espère que les préoccupations des citoyens et de son équipe seront prises en compte. Plus le temps passe, plus on réalise que les impacts environnementaux ont une importance qu’on ne leur avait peut-être pas accordée au début de cette démarche-là, souligne-t-elle.

Un milieu humide.

La voie de contournement devrait passer par des milieux humides.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Dans une entrevue avec Radio-Canada, le ministre des Transports du Canada, Omar Alghabra, a assuré qu'il prenait en compte les inquiétudes des citoyens et des organismes environnementaux.

Plusieurs études environnementales ont été réalisées, dont le processus d'évaluation de l'impact environnemental du gouvernement du Québec. Je suis convaincu que nous avons effectué toutes les évaluations des risques environnementaux possibles pour pouvoir avancer de façon éclairée. [...] Je comprends les craintes, mais chaque fois qu’on veut construire une voie ferrée, il y a des enjeux. Nous essayons de prendre en compte le plus de commentaires possible, et d’être raisonnables. Je comprends qu'il y a encore des voix qui s’opposent au projet, mais je crois que c’est dans l'intérêt public d’aller de l'avant*.

* Traduit de l'anglais par Radio-Canada.

Avec les informations de Thomas Deshaies 

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