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Privés d’accès aux garderies, bien des migrants sont dans l’impasse

Les haltes-garderies de la région de Montréal offrent un peu de répit aux parents arrivés par le chemin Roxham. Une solution imparfaite qui n'aide pas les parents à travailler ou à apprendre le français.

La Brésilienne Maria Cristina, le jeune Benjamin, 1 an, et son frère Ibrahim, 3 ans.

La Brésilienne Maria Cristina, le jeune Benjamin, 1 an, et son frère Ibrahim, 3 ans.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Dans le milieu communautaire, on dit rarement non aux gens qui appellent à l’aide. Même quand des dizaines de milliers de personnes arrivent en l’espace d’une quinzaine de mois.

53 000 demandeurs d’asile sont entrés par le chemin Roxham depuis le début de 2022. Ils se sont surtout installés à Montréal. Le monde communautaire a été inondé de demandes d’aide. Et il a rarement dit non.

La fermeture du chemin Roxham, le 25 mars dernier, a fait chuter le nombre d’arrivées. Mais elle n’a pas fait disparaître les besoins des demandeurs d’asile, qui n’ont presque rien pour refaire leur vie.

C’est le cas de Maria Cristina, une Brésilienne arrivée il y a un peu plus d’un an avec ses quatre enfants. Elle suit des cours de francisation, veut s’intégrer dans ce Montréal qui lui a ouvert les bras. Mais elle n’y arrive pas.

C’est très difficile avec la garderie, explique-t-elle dans un espagnol mêlé de portugais. Difficile, car elle n’a pas droit aux services de garde subventionnés.

Fermeture du chemin Roxham 

Consulter le dossier complet

Des demandeurs d'asile.

Sa demande d’asile est en chemin, mais tant qu’elle ne sera pas acceptée comme réfugiée, elle devra se débrouiller comme elle le peut pour faire garder ses deux plus jeunes enfants.

Un manteau d'enfant jonche le sol près du chemin Roxham.

Un manteau d'enfant jonche le sol près du chemin Roxham. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Christinne Muschi

Un cercle vicieux

Les garderies privées sont hors de portée pour son budget; une fois payé le loyer de son petit 4 et demie situé au-dessus d’un commerce de vapotage, il ne lui reste que 400 $ pour subvenir aux besoins de la famille.

Maria Cristina a bien son permis de travail, mais l’impasse demeure : Je ne peux pas travailler, je n’ai pas d’endroit où laisser mes enfants.

Et bientôt, elle craint de devoir abandonner la francisation, faute d'amis pour garder ses petits durant les classes.

Elle et ses enfants comptent beaucoup sur le monde communautaire pour survivre. Sur des groupes comme Unis pour les petits, venu cet après-midi lui offrir des repas congelés.

La famille est dans un cercle vicieux, constate Ny Aina Razafimanantsoa, d’Unis pour les petits. Sans argent, pas de garderie; sans garderie, pas de travail payant.

Les demandeurs d’asile comme Maria Cristina et sa famille vivotent dans la pauvreté. Ils sont dans un trou de service en attendant une décision sur leur demande d’asile, se désole-t-elle.

Cette décision peut prendre plus d’un an à venir. D’ici là, les haltes-garderies sont une rare porte de sortie. Une aide imparfaite, aussi surchargée.

Un CPE de Montréal.

Des jouets d'enfants dans une garderie.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Besoins criants, personnel dépassé

Les haltes-garderies existent pour dépanner. Offrir des après-midi de répit pour une jeune maman, des lundis sans enfant pour suivre un cours ou travailler à temps partiel.

Mais les demandeurs d’asile veulent du temps plein, rappelle Geneviève Bouchard, coordonnatrice générale à l’Oasis des enfants de Rosemont. Un service impossible à offrir.

Dans la dernière année, les nombreuses demandes ont bouleversé le quotidien de cet organisme communautaire. Le personnel a offert plus de 1000 heures de services en plus.

L’intégration de huit enfants demandeurs d’asile aux enfants du quartier a été un échec, de l’aveu de Geneviève Bouchard. Un échec causé par un manque de ressources plus que par un manque de volonté.

Les enfants de migrants présentaient de multiples défis pour les intervenantes. De grands retards de développement, de comportement en groupe. Des accès de colère.

Et des problèmes de communication : On n’est pas sûr quelle langue ils parlent ou comprennent, dit la coordonnatrice au sujet de ceux qui ont habité au Brésil ou en Afrique et traversé l’Amérique latine avant de passer par les États-Unis.

Une famille marche dans la rue en hiver avec une valise.

Des migrants et migrantes traversent la frontière canadienne chaque jour par le chemin Roxham, au Québec. (Photo d'archives)

Photo : getty images/istockphoto / OLGA RYAZANTSEVA

À un point tel que l’Oasis des enfants de Rosemont a dû cesser d'accepter d’aider de nouveaux demandeurs. Par manque de place et afin de protéger son personnel surchargé.

On a dû mettre un frein à l’intégration de certaines familles en respectant la capacité d'accueil du personnel. On n’a pas eu de soutien du ministère de la Famille, se désole Geneviève Bouchard.

L’expérience de cet organisme s’apparente aux témoignages recueillis par l’Association des haltes-garderies communautaires du Québec. Elle reflète aussi celle de groupes contactés par Radio-Canada.

Ces petits demandeurs d’asile ne parlent ni français ni anglais, explique Fadila Abbas, éducatrice au Centre des femmes de Saint-Laurent. Ils ont besoin d’enfants à imiter.

Après le déracinement, l’isolement imposé par le manque d’accès aux garderies l’inquiète. Si on n'en prend pas soin tout de suite, ça va être comme une bombe à retardement pour les écoles.

L’espoir des tribunaux?

On n’est pas outillés correctement pour aider ces enfants aux multiples besoins, concède Mélanie Guerrier, de l’Espace famille Villeray, qui s’est débrouillée pour trouver des ressources spécialisées auprès d’un CLSC. Mais les fonds ne permettent pas de répondre aux besoins.

L’Association des haltes-garderies communautaires (AHGCQ) réclame des dizaines de millions de dollars de plus pour mieux accueillir ces nouveaux arrivants et les enfants déjà installés à Montréal.

Des fonds qui serviraient à embaucher plus de spécialistes, à étendre les plages horaires. Les besoins sont là, explique Nadia Boudreau, directrice du partenariat et développement à AHGCQ.

«Chemin fermé», peut-on lire en anglais à l'entrée du chemin Roxham.

Depuis le 25 mars 2023, une nouvelle entente canado-américaine encadre les entrées irrégulières, comme au chemin Roxham. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Romain Schué

Le recours aux services de garde subventionnés fait aussi l’objet d’une bataille judiciaire. Il y a un an, la Cour supérieure a invalidé l’interdit d’accès pour les demandeurs d’asile.

C’était une victoire importante, soutient le Comité accès garderie, qui rassemble des dizaines de groupes communautaires. Mais Québec entend interjeter appel de la décision.

Aucune date n’a été fixée pour ces audiences. Ce n’est donc pas une solution immédiate pour les familles déjà ici, comme celle de Maria Cristina.

La Brésilienne ne s’explique pas pourquoi Québec l’aide financièrement… mais ne l’aide pas pour les services de garde. Elle veut pourtant travailler, offrir mieux à ses enfants.

Malgré une situation compliquée, Maria Cristina conserve cet espoir qui l’a souvent portée sur les routes de l’exil. Une fois réglé le problème de la garderie, les autres problèmes vont se régler automatiquement…

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