•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

À Drummondville, on intègre les immigrants à la vitesse grand V

En proposant d’accueillir plus d'immigrants, le gouvernement Legault a relancé le débat sur leur rôle dans l'économie, la capacité d’accueil du Québec et la santé du français. À Drummondville, des entrepreneurs ont choisi de faire beaucoup, et vite, dans l’espoir que les travailleurs étrangers s’y établissent.

Cristian Grajales portant et sa fille, Luciana.

Cristian Grajales et sa fille, Luciana, fraîchement arrivés de Colombie.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

La petite Luciana sommeille dans les bras de son père. Sa mère manœuvre pour l’installer dans un siège d’auto avant que la fillette de quatre ans ne perde ses petites bottes de caoutchouc rose.

On l’installe derrière? La réponse tarde un peu. Les parents semblent sonnés. Et pour cause. La veille au soir, cette famille de quatre membres est arrivée de Colombie.

L’adolescent de 12 ans fixe le vide, sa tuque noire bien enfoncée sur la tête. Il aurait sûrement préféré dormir plus longtemps. Mais ce n’est pas possible ce matin.

La Québécoise Isabelle Généreux a prévu tout un programme pour leur première véritable journée au Québec. Une sorte de sprint bureaucratique du nouvel arrivant.

Numéro d’assurance sociale, ouverture de compte bancaire et de téléphonie, branchement d’Internet, carte de bibliothèque. L’essentiel pour démarrer une vie au Québec.

Ça représente toutes les démarches administratives pour s’intégrer et commencer à travailler, explique Isabelle Généreux, conseillère en attraction de talents à la Société de développement économique de Drummondville (SDED).

On va ouvrir un compte de banque, que vous remplirez vite d’argent! plaisante Isabelle Généreux, cherchant à mettre à l’aise ce couple qui a tout laissé derrière pour se retrouver dans un environnement si différent.

C’est super important qu’ils soient bien accueillis, qu’ils aient une belle expérience d’arrivée. C'est aussi gagnant pour la rétention des travailleurs, explique-t-elle.

Haydee Harranda et son fils Sébastian, sur le balcon de leur nouvel appartement à Drummondville.

Haydee Harranda et son fils Sébastian, sur le balcon de leur nouvel appartement à Drummondville.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Des accueils à répétition

Cette famille fait partie de milliers de travailleurs étrangers arrivant chaque année au Québec. Hommes seuls ou familles, la grande majorité dispose d'un visa de travail temporaire, pour deux ou trois ans.

L’an passé, Drummondville en a accueilli 200. Cette année, plus de 300 ont prévu de poser leurs valises dans la région. C’est une très grosse année, confirme Isabelle Généreux, tout en conduisant.

Une solution utilisée par un nombre croissant d’entreprises pour combler leurs besoins immédiats en main-d’œuvre. Pas seulement à Drummondville, mais partout au Québec.

Le gouvernement Legault aide déjà les entreprises à sélectionner les étrangers les plus qualifiés. Cette semaine, le premier ministre a confirmé vouloir accueillir davantage d’immigrants économiques parlant déjà le français.

L'immigration ne sert plus à combler des besoins saisonniers. Beaucoup cherchent des gens prêts à s’établir dans la région. D’où l’importance des tournées bureaucratiques que mène si souvent Isabelle Généreux.

Elle guide les Colombiens dans un centre commercial peu achalandé ce matin. Elle s’arrête à un kiosque de cellulaires et interpelle l’employé. Ils aimeraient ça, avoir un petit plan. On fait comme d’habitude?

Il reconnaît Isabelle, plaisante un peu avec elle avant de suggérer son plan le moins cher. La transaction se fait rapidement, le jeune Sebastian n’a pas le temps d’aller au commerce de jeux vidéo…

La famille Grajales magasinant des forfaits cellulaires en compagnie d'Isabelle Généreux de la SDED.

La famille Grajales magasinant des forfaits cellulaires en compagnie d'Isabelle Généreux de la SDED.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

On a plein de questions

La famille n’a pas le temps non plus de flâner dans le centre commercial. Il faut enchaîner les rendez-vous, rentrer pour que la petite puisse faire une sieste sur son lit.

Vous voyez ce magasin? Tout en conduisant, Isabelle Généreux montre aux parents d’autres lieux qu’ils doivent connaître : la pharmacie, la papeterie, les commerces bon marché.

Les parents hochent la tête, prennent des notes mentales. Mais il y a tant de nouveautés qu’ils risquent peu de tout retenir. On a plein de questions, confirme la mère, Haydee Harranda.

On est si loin de chez nous, géographiquement, et dans le style et la qualité de vie. Elle veut savoir quelles sont les heures d’ouverture des commerces, les églises à fréquenter.

Les parcomètres intriguent Sebastian, qui se demande à quoi ils servent. Le père s’interroge sur les plaques d’immatriculation aux noms particuliers choisis par le propriétaire d’un véhicule.

Changer de pays, c’est beaucoup de choses à penser, explique Isabelle Généreux. Souvent, on ne sait pas comment ça fonctionne, quelles démarches administratives faire.

D’où l’importance d’avoir un guide, quelqu’un venant de l'endroit et qui sait ce qu’il faut savoir. D’avoir quelqu’un avec soi pour faire ces démarches, c’est de l’or! lance Isabelle Généreux.

Tout un service, payé par l’employeur qui a recruté Cristian Grajales. Discret, le père assure apprécier beaucoup l’aide qu’il reçoit. Sans eux, je ne pense pas qu’on pourrait y arriver.

Daniel Cloutier, l'un des copropriétaires d'Usiflex. L'entreprise de Drummondville a embauché six travailleurs étrangers temporaires, dont Cristian Grajales.

Daniel Cloutier, l'un des copropriétaires d'Usiflex. L'entreprise de Drummondville a embauché six travailleurs étrangers temporaires, dont Cristian Grajales.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

On veut qu’ils se sentent en sécurité avec nous

L’employeur de Cristian Grajales a accueilli cinq autres travailleurs étrangers dans les derniers mois. L’entreprise d’usinage de pièces Usiflex est allée en Amérique du Sud chercher la main-d'œuvre qu’elle ne trouvait pas ici.

Et les patrons ne regrettent pas du tout l’expérience. Ça va même mieux que ce que je pensais! lance Daniel Cloutier, l’un des copropriétaires. L’intégration se fait très bien.

Les deux patrons tiennent à ce point à ce que ces employés arrivant de loin se sentent bien accueillis qu’ils vont même les chercher à leur descente d’avion à Montréal.

En fait, ça va plus loin que ça, souligne Daniel Cloutier. Malgré la rareté des logements, Usiflex a déniché un appartement assez grand pour la famille. Et les patrons l’ont meublé.

Quand ils arrivent, on veut qu’ils se sentent vraiment comme chez eux, qu’ils soient rapidement capables d’y cuisiner, de bien y dormir.

On veut qu’ils se sentent en sécurité avec nous. Les récentes expériences ont démontré à Daniel Cloutier que ces nouvelles recrues auront encore plein d’adaptations à faire.

L’objectif d’Usiflex est clair. Si les patrons investissent tant d’énergie et d’argent dans ces employés étrangers, ce n’est pas pour qu’ils partent à la fin de leur contrat dans deux ans.

On n’a pas un grand roulement de personnel, on essaie de faire de notre mieux pour nos employés. Pour qu’ils se sentent bien ici.

L’entreprise compte offrir des cours de français sur les heures de travail. L’anglais et les outils de traduction ne peuvent pas tout régler, surtout hors du plancher de l’usine.

Dans une épicerie latino-américaine, Haydee Harranda retrouve des produits auxquels elle croyait devoir renoncer en déménageant au Canada.

Dans une épicerie latino-américaine, Haydee Harranda retrouve des produits auxquels elle croyait devoir renoncer en déménageant au Canada.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

L’appui d’une communauté grandissante

Tous les défis que représente un déménagement dans un autre pays sont notables lorsque la famille Grajales fait ses premières courses dans une épicerie de grande surface.

Isabelle Généreux a prévu cet arrêt en fin de journée. Elle sait combien les choses sont différentes dans les commerces d’ici. Et combien la nourriture est essentielle au bien-être.

Elle prend son temps dans les allées, suggère des marques bon marché, des substituts pour des produits colombiens. Il faut aussi les aider à décoder les prix, parfois affichés au poids, parfois à l’unité.

La mère avait une mangue à la main, elle pensait que c’était deux dollars le kilo. Bien non, c’est deux dollars LA mangue. Ça a été un choc pour elle. Et des chocs semblables, il y en aura bien d’autres.

Mais ces chocs peuvent vite être absorbés. Surtout que Drummondville accueille un nombre croissant de Latino-Américains.

À quelques pas du nouvel appartement, les Grajales découvrent justement une épicerie latino-américaine. Les tablettes regorgent de produits colombiens, le pays d’origine du propriétaire.

Haydee Harranda scrute les étagères, son sourire s’élargit. C’est l’amour du pays, toutes ces saveurs! Elle s’interrompt, ses yeux découvrent un autre produit qu’elle croyait ici introuvable.

Coïncidence, le propriétaire de cette petite boutique vient de la même région de Colombie qu’elle. German Blanco s’est installé ici il y a plus de 15 ans. C’est le meilleur endroit pour travailler! lance-t-il.

Le permis de travail de Cristan Grajales est valable pour deux ans. Sa famille a donc le temps de s’installer, de se faire sa propre idée. Pour l'instant, mieux vaut rentrer se reposer un peu.

Tous les quatre semblent fatigués, leurs têtes encore pleines de questions. Mais ils sont aussi rassurés. On est bien, lance Cristian. Heureux, heureux, heureux! complète Haydee, avant de fermer la porte de son nouvel appartement.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.