•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

AnalysePourquoi la Banque du Canada s’intéresse-t-elle à votre salaire?

Tiff Macklem, la main sur le dossier d'une chaise, tandis qu'on voit Carolyn Rogers ajuster ses lunettes à l'arrière.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, et la première sous-gouverneure de l'institution, Carolyn Rogers, comparaissaient mardi devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La Banque du Canada estime que la hausse des salaires doit ralentir pour que le taux d’inflation revienne à sa cible de 2 %. Mais la progression de la rémunération est-elle vraiment inflationniste au pays? Certains économistes en doutent.

Le 12 avril, au moment de présenter la mise à jour de sa politique monétaire, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré que la baisse de l’indice des prix à la consommation dépendait de la réduction des attentes d’inflation, d’un ralentissement de la hausse des prix dans les services et… de la modération de la croissance des salaires.

La plupart des mesures de la croissance des salaires demeurent aux alentours de 4 à 5 %, les augmentations salariales étant généralisées à l’échelle des secteurs, écrit la Banque du Canada dans son document de politique monétaire.

Elle ajoute que dans les récentes enquêtes menées auprès des entreprises, les répondants ont dit s’attendre à ce que le rythme de croissance des salaires ralentisse au cours de la prochaine année. Les augmentations salariales qu’ils prévoient restent malgré tout au-dessus de la moyenne historique. À moins que la croissance de la productivité ne devienne étonnamment forte, il ne sera pas possible d’atteindre la cible d’inflation de 2 % si la croissance des salaires se maintient dans cette fourchette de 4 à 5 %.

L’impact des hausses de salaire

Nous comprenons bien la logique. Des hausses de salaire, ce sont des coûts supplémentaires pour les entreprises, qui refilent ensuite ces coûts aux consommateurs, lesquels doivent ainsi payer leurs biens et leurs services plus cher.

Les hausses de salaire peuvent améliorer ou maintenir le pouvoir d’achat, ce qui peut, en retour, faire grimper davantage la demande, et donc les prix. En début d’année d’ailleurs, la croissance des dépenses de consommation est demeurée solide au Canada.

Vous ne pouvez pas blâmer les travailleurs pour l’inflation, affirme Avery Shenfeld, économiste à la CIBC, dans une note économique publiée vendredi dernier, parce que c’est la hausse des prix des biens et services qui a mené à la montée des salaires, et non l’inverse.

Toutefois, il reconnaît que les hausses salariales contribuent maintenant à l’inflation, en raison des coûts supplémentaires que cela engendre pour les entreprises et du fait que le pouvoir d’achat des consommateurs est ainsi maintenu par une rémunération qui est plus élevée.

La donnée la plus fiable du pays, affirme l’économiste, c’est celle du document de Statistique Canada intitulé Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH), qui montre un ralentissement important de la croissance des salaires en début d’année.

Les salaires sont encore trop élevés au goût de la Banque du Canada, dit Avery Shenfeld. [...] Les employeurs s'attendent à ce que la Banque fasse ce qu'il faut pour freiner à la fois la croissance et l'inflation, et ils s'attendent donc à un relâchement des pressions salariales. Cela fait en sorte que le gouverneur Macklem se demande si les taux d'intérêt sont suffisamment élevés pour cela.

Les pressions inflationnistes demeurent

Il ne faut donc pas exclure une nouvelle hausse du taux directeur de la Banque du Canada. Les données publiées mardi matin sur l’inflation montrent une décélération importante de la hausse des prix au Canada, alors que le taux est passé de 5,2 % en février à 4,3 % en mars.

Mais, derrière cette baisse marquée, on constate que l’inflation des services baisse très lentement. Elle est passée de 5,3 % en février à 5,1 % en mars, alors que le taux d’inflation dans les biens est passé de 5,3 % à 3,6 %.

Je vous rappelle que la banque centrale considère que l’inflation des services doit, elle aussi, baisser pour que le niveau général de l’inflation revienne éventuellement à 2 %. Or, les prix des aliments sont toujours en forte hausse, de 8,9 % par rapport à l’année précédente, tout comme les aliments achetés au restaurant, encore 7,2 % plus élevés qu’il y a un an. L’entretien et les réparations par le propriétaire sont 9,7 % plus chers.

Dans sa déclaration préliminaire prononcée devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, mardi, Tiff Macklem a dit que la demande de services reste forte et le marché du travail, tendu, ce qui exerce des pressions à la hausse sur les prix de nombreux services, lesquels ne devraient diminuer que graduellement. Clairement, la banque centrale ne va pas fermer tout de suite la fenêtre des hausses de taux.

En même temps, il faut souligner à grands traits que, parmi les principaux facteurs qui contribuent à l’inflation actuellement, la hausse des taux d’intérêt décrétée depuis l’hiver 2022 par la Banque du Canada a un effet majeur. Le coût de l’intérêt hypothécaire était 26,4 % plus élevé en mars 2023 par rapport à mars 2022. C’est colossal.

Il s'agit de la plus forte hausse annuelle jamais enregistrée au moment où les Canadiens ont continué de renouveler ou de contracter des prêts hypothécaires à des taux plus élevés, affirme Statistique Canada dans son communiqué sur l’inflation, mardi.

De plus, le taux d’inflation général est appelé à ralentir rapidement alors qu’il y a 12 mois, à la même période en 2022, les hausses ont été rapides et prononcées dans les semaines suivant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce qui a eu un fort impact sur l’énergie et les denrées.

Assez, les hausses?

De l’avis des économistes de Desjardins, la hausse marquée des taux d’intérêt, si pénible soit‑elle, a l’effet escompté dans les secteurs qui y sont les plus sensibles. Nous réitérons que l’économie canadienne n’a pas encore ressenti tous les effets des hausses de taux de l’an dernier et que la faiblesse économique accrue au cours de 2023 devrait contribuer à faire reculer les prix. Par conséquent, nous pensons toujours que la Banque du Canada prendra des mesures pour réduire les coûts d’emprunt vers la fin de l’année.

C’est intéressant de lire l’analyse de Desjardins, qui est d’avis que les hausses de taux font leur travail et que l’inflation générale doit nous réjouir, sans pour autant crier victoire sur l’inflation. C’est une baisse de taux qui s’annonce fin 2023, début 2024, de l’avis des économistes de Desjardins, dont l’analyse semble s’éloigner de celle de la Banque du Canada.

D’une part, l’inflation sur les services faiblit lentement et les hausses salariales demeurent trop élevées aux yeux de la Banque du Canada. D’autre part, l’inflation générale baisse rapidement, l’effet des hausses va continuer de grandir dans l’économie et une bonne partie de l’inflation actuelle est maintenant attribuable aux hausses de taux de la dernière année. L’économie ralentit et une récession est déjà envisagée par plusieurs économistes.

Jusqu’à quel point la banque centrale va-t-elle donner du poids aux hausses salariales dans l’analyse de ses prochaines décisions?

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.