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ChroniqueDepeche Mode : Souviens-toi que tu dois vivre

Martin Gore et Dave Gahan , membres restants de Depeche Mode sur scène au Centre Bell à Montréal.

La sortie de l'album Memento Mori, locution latine qui signifie « souviens-toi que tu vas mourir », coïncide avec le début d’une tournée homonyme, qui fera escale à Montréal, à Québec et à Toronto.

Photo : SNAPePHOTO / Patrick Beaudry

Sur la plateforme avancée au cœur du parterre au Centre Bell, Dave Gahan et Martin L. Gore étaient presque face à face quand le guitariste étirait au possible les dernières notes de la très évocatrice In Your Room.

Puis, leurs regards se sont croisés et – placé d’où j’étais – j’ai pu voir sur le visage de Gore un sourire si lumineux qu’il aurait pu éclairer les quelque 300 résidences encore privées d’électricité au Québec mercredi soir. C’était un peu comme si les deux membres fondateurs de Depeche Mode réalisaient après quelques semaines de tournée que ça peut être encore comme avant, même si ça ne sera plus jamais comme avant.

Pour la première fois de leur longue carrière, Gahan et Gore sont en tournée sans Andrew Fletcher, l’autre membre fondateur du groupe, décédé l’an dernier, à l’âge de 60 ans.

Cette disparition aussi inattendue que douloureuse est doublée d’une implacable ironie. Le chanteur et le guitariste avaient commencé à travailler dès 2020 aux chansons qui allaient éventuellement mener au disque Memento Mori (Souviens-toi que tu vas mourir) qui avait la pandémie en toile de fond. Par un cruel détour du destin, la faucheuse universelle évoquée par le titre du disque est devenue éminemment personnelle.

En dépit de tous ses écueils, Gahan, Gore ainsi que leurs collègues Christian Eigner (batterie) et Peter Gordeno (claviers) sont parvenus à nous offrir un concert où le passé et le présent, l’aspect festif et émotif, ainsi que le plaisir et le souvenir se côtoient avec aisance.

Depeche Mode sur scène à Montréal.

L'album Memento Mori était en chantier depuis le début de la pandémie.

Photo : SNAPePHOTO / Patrick Beaudry

L’esprit de Fletcher

Bien sûr, l’esprit de Fletcher plane sur tout le concert. Parfois, implicitement, par le biais des textes, comme celui de Ghosts Again. Tantôt, de la manière la plus spectaculaire qui soit, par l’entremise de photos évolutives du jeune Andrew, durant l’interprétation de World In My Eyes.

La mort rôde aussi durant la nouvelle Wagging Tongue (Evertything seems hollow/When you watch another angel die) ainsi qu’avec les images de croix sur l’écran géant pendant Speak To Me. Mais, comme si Depeche Mode avait trouvé l’équilibre parfait sur le fil de fer, les moments plus sombres ne sont qu’un élément de ce concert à multiples facettes.

À 60 ans, Gahan, dont la voix était impeccable de justesse, est toujours aussi vif, dansant et tourbillonnant sur scène, traînant, soulevant ou brandissant son pied de micro au-dessus de sa tête, selon les besoins. Et il a toujours ce petit côté taquin, comme lorsqu’il pointe ses souliers blancs pointus comme ceux de Joe Jackson sur la pochette de l’album Look Sharp! durant Walking In My Shoes.

Gore, 61 ans, traditionnellement plus effacé, sait néanmoins se faire valoir quand il le faut. Des exemples? Sa ligne de guitare précise durant l’intense I Feel You ou hachurée durant une finale particulièrement torturée de Speak To Me. Et il peut aisément prendre l’avant-scène en se substituant à Gahan. Le doublé introspectif – et très touchant – formé par le classique A Question of Lust et la toute nouvelle Soul With Me a été très réussi.

Derrière le groupe, un immense M faisait à la fois office de décor ou d’élément visuel, avec un écran géant en arrière-plan. It’s No Good – avec sa procession d’ânes sur la plage – A Pain That I’m Used To – avec son couple de danseurs – et Everything Counts – avec ses personnages aux mains gantées de blanc, tel un magicien – ont été les titres qui ont le plus bénéficié de l’apport visuel.

Et pour l’apport vocal, il y avait 15 700 personnes qui ont chanté… Mais chanté… Parfois même sans que Gahan ne les incite à le faire, tantôt, en leur tentant le micro. Il était d’ailleurs étonnant de voir qu’ici et là, dans les différentes sections du Centre Bell, tout le monde semblait avoir sa chanson favorite. À un moment, une bande de copines à quelques rangées de la mienne a scandé le wrong! de la chanson du même nom, habitées comme pas une.

 Dave Gahan sur scène.

Depeche Mode s’est arrêté à l’aréna Scotiabank à Toronto le 7 avril, au Centre Vidéotron à Québec le 9 avril et au Centre Bell à Montréal le 12 avril.

Photo : SNAPePHOTO / Patrick Beaudry

Et en plus de deux heures de concert, il y eut une fournée d’incontournables qui ont fait mouche, et ce, même si elles ne proviennent pas des mêmes décennies. John The Revelator – l’une des meilleures chansons contre les prêcheurs de toutes sortes – était particulièrement mordante.

Moment fort de la séquence finale, la version assourdissante de Enjoy The Silence qui a emporté la foule avant le rappel, auquel a succédé la version acoustique – Gahan et Gore en duo – de Waiting For the Night. Quelque chose comme le calme, voire l’accalmie, après une très, très grosse tempête. Après leur duo, Gahan et Gore se sont donnés une franche accolade. Je ne les avais jamais vu faire ça.

Mais la tempête musicale n’était pas terminée…

La trépidante Just Can’t Get Enough, succès de la première heure, a servi de rampe de lancement à l’une des plus furieuses Never Let Me Down Again jamais entendue depuis deux bonnes décennies. La marée de mains durant cette interprétation a littéralement englouti – au sens figuré – l’enceinte des Canadiens. Et, bien sûr, tout le monde a renoué avec sa foi lorsque Personnal Jesus a mis un terme de manière explosive au concert de deux heures et dix minutes.

Rassasiés, les amateurs? Pour la durée, pas de doute, mais j’ai quand même entendu quelqu’un à la sortie du Centre Bell dire qu’il n’avait pas eu sa toune, en l’occurrence, Policy of Truth. Ça arrive quand on a plus de 40 ans de carrière et 15 albums studio. Incidemment, Depeche Mode ne l’a pas jouée non plus en 2017, lors de son dernier passage à Montréal. Cela dit, le groupe n’était certes pas en mode « tournée grands succès » cette fois.

Memento Mori, disait-on… Plusieurs chansons proposées mercredi nous ont rappelé cette implacable vérité, mais la manière dont elles ont été interprétées et l’effet qu’elles ont eu sur les spectateurs n’était rien de moins qu’une ode à la vie.

Souviens-toi que tu vas mourir?

Hier, c’était plutôt : Souviens-toi que tu dois vivre.

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