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Envoyé spécial

Manque de main-d’œuvre : « La compétition est farouche à l’échelle mondiale »

Il n’y a pas que les provinces canadiennes qui souffrent de problèmes liés au manque de main-d'œuvre. La plupart des pays occidentaux aussi. Les travailleurs qualifiés sont donc recrutés de plus en plus loin. Avec des arguments bien ficelés. Illustration des efforts québécois… en Colombie.

Les candidats pour travailler au Québec sont nombreux, et la file s'étire jusqu'à l'extérieur.

Les candidats pour travailler au Québec sont nombreux, et la file s'étire jusqu'à l'extérieur.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

« Alexander Martinez? » La jeune femme appelle le prochain candidat et laisse traîner son regard sur la foule. Dans les corridors de cet hôtel de Bogota, ils sont des dizaines, souvent anxieux, bien habillés. Tous à la recherche d’un emploi au Québec.

Un jeune homme hésite brièvement, puis s’avance vers la jeune femme. Allez à la table numéro trois, lui indique-t-elle en espagnol. Une fois assis, il aura une vingtaine de minutes pour faire une bonne impression.

Plus de mille postes sont à pourvoir dans des entreprises québécoises, aussi bien à Montréal qu'à Trois-Rivières, et même sur la Côte-Nord. 54 000 candidatures colombiennes ont été reçues.

Ceux qui patientent dans les corridors, en fixant le vide ou leur téléphone cellulaire, ont été présélectionnés en fonction de leurs compétences et de leurs expériences de travail.

Maria Luisa (à droite) est émue et très reconnaissante. À 29 ans, elle a décroché un emploi en soins infirmiers en Estrie.

Maria Luisa (à droite) est émue et très reconnaissante. À 29 ans, elle a décroché un emploi en soins infirmiers en Estrie.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Leur profil colle aux domaines en demande au Québec, explique Marc Ozgoli, de la Direction des opérations de prospection du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI).

Ce sont des gens généralement jeunes, qui sont très, très bien formés en Colombie et dont la formation est assez proche de ce qui est enseigné au Québec. Autrement dit, c’est un bon filon de candidats.

Il n’y a pas que la France…

Depuis des années, le gouvernement québécois mène des missions de recrutement semblables. Surtout dans les pays francophones d’Europe. Mais la donne a changé : la France aussi cherche de bons employés…

La compétition est farouche à l’échelle mondiale, rappelle Marc Ozgoli. Beaucoup de nations (occidentales) connaissent les mêmes problèmes que le Québec. Il faut réfléchir en dehors de la boîte.

Québec continue de solliciter des candidats dans l’Europe francophone, mais se tourne aussi vers l’Italie et le Portugal, des pays où la langue parlée est proche du français.

Une foule dans une salle.

Les candidats sont nombreux et confiants.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Puis il y a l’Afrique et l’Amérique latine. D’autres grands bassins d’employés qualifiés, où il faut faire connaître l’offre québécoise. Ça demande beaucoup d’énergie, on peut mettre des années pour développer un territoire.

Les emplois offerts aux Colombiens sont des postes temporaires, de deux ou trois ans. Leur durée peut être prolongée. L’objectif, c’est que ces immigrants restent au Québec. Et ça marcherait : quatre Colombiens sur cinq auraient choisi de rester, assure Marc Ozgoli.

Un voyage qui vaut définitivement la peine

Les représentants de 25 entreprises québécoises ont fait le voyage du Québec jusqu’à Bogota. Certains cherchent à pourvoir des dizaines de postes.

La firme d'ingénierie MA-TH, elle, est venue jusqu’ici dans l’espoir de recruter une seule personne, un technologue en génie civil. Une perle rare sur le marché québécois.

On a fait des efforts pendant des années au Québec, explique Diego Vasquez mais on ne réussit pas à le trouver encore. Ça nous ralentit un peu, ça ralentit la croissance de l'entreprise.

C’est la première fois que MA-TH se joint à l’une de ces missions de recrutement. À Bogota, ce directeur structure devait rencontrer 26 intéressés, des gens triés parmi plus de 500 candidatures.

Diego Vasquez, directeur structure chez MA-TH.

Diego Vasquez, directeur structure chez MA-TH en compagnie d'un candidat.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Des références obtenues par un partenaire colombien du gouvernement québécois. Diego Vasquez est convaincu : il n’aurait pu faire autant par lui-même. Ça vaut la peine si on trouve la bonne personne. Ça en vaut définitivement la peine.

Enthousiasme similaire à la table de GAL Aviation, une entreprise de la région de Montréal spécialisée dans l’entretien des avions, qui a besoin d’employés pour ses prochains contrats.

Gilles Ricard, directeur général de GAL AeroStaff, explique qu’il est souvent plus facile de convaincre un Colombien qu’un Canadien de changer de ville pour le travail.

Les Canadiens ne voudront pas se déraciner, parce qu’il n’y aura pas d’avantage pour eux. Le déménagement impliquerait l’éloignement des amis et de la famille. Des sacrifices que les Colombiens seraient plus enclins à faire.

Et le niveau de français parlé?

L’un des risques de ce genre de mission de recrutement semble être de choisir les mauvais candidats, comme ceux qui embellissent leurs compétences dans l’espoir de quitter un pays très inégal et souvent violent.

Des gens peut-être qualifiés, mais qui auraient des objectifs de vie ou de carrière qui ne cadrent pas avec le poste offert. D’autres qui assurent – à tort – maîtriser le français ou l’anglais.

Gilles Ricard, directeur général de GAL AeroStaf.

Gilles Ricard, directeur général de GAL AeroStaf, en compagnie d'un candidat.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Gilles Ricard explique poser beaucoup de questions aux candidats pour bien comprendre leurs compétences linguistiques et leurs motivations. On veut savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, où ils se voient dans le futur.

Les Colombiens avec qui nous avons pu échanger ont évoqué des motivations similaires : l’ouverture envers les immigrants, le calme des villes canadiennes, le système de santé universel.

Ils sont nombreux à tenter quelques phrases en français. Mais pour plusieurs, la langue commune du Québec est loin d’être maîtrisée.

Mais dans cette course aux talents, cette aptitude passe parfois au second plan pour plusieurs employeurs. C’est le cas de Vaillancourt Portes et Fenêtres, qui cherche à pourvoir huit postes.

L’entreprise de Drummondville travaille déjà avec des Colombiens récemment arrivés. Chargée du recrutement, Marie-Eve Dionne soutient qu’ils ont une volonté d’apprendre le français s’ils sont embauchés.

Lazaro Perez (gauche) et Marie-Eve Dionne, de chez Vaillancourt Portes et Fenêtres.

Lazaro Perez (gauche) et Marie-Eve Dionne, de chez Vaillancourt Portes et Fenêtres.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Entre le moment de l’entrevue et le moment où on l’a accueilli chez nous, on voyait déjà une bonne différence. Une différence qui s’explique sûrement par les cours à distance offerts par le MIFI.

Vaillancourt portes et fenêtres offre aussi des classes de français à ses travailleurs immigrants. En plus de les aider avec le logement et les démarches administratives. Tout pour faciliter leur intégration en région.

Montréal et Québec sont très, très attractifs au niveau des communautés immigrantes, reconnaît Julie Biron de la Société de développement économique de Drummondville.

Les besoins sont tellement grands en termes de travailleurs qualifiés, il faut se démarquer. Quand on est en région, il faut faire les choses différemment, offrir un service personnalisé.

La concurrence pour les employés étrangers qualifiés a beau être devenue mondiale, elle se fait aussi entre les différentes régions du Québec.

Yanik Dumont Baron est envoyé spécial à Bogota, en Colombie

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