ArchivesLes controverses du redécoupage des circonscriptions électorales fédérales
Toutes les décennies, une commission fédérale redéfinit les frontières des circonscriptions électorales canadiennes.
Photo : Radio-Canada
Tous les 10 ans, une commission fédérale redéfinit les frontières des circonscriptions électorales canadiennes. C’est un exercice délicat et compliqué qui engendre souvent de l’opposition çà et là au pays, comme le constatent nos journalistes.
1982-1983 : contestation en Outaouais
On trouve très étrange qu’un comté qui regroupe déjà 62 municipalités comptera, si la proposition est acceptée telle quelle, 72 ou 73 municipalités.
On ne tient pas compte de la superficie du comté tel quel pour ce qui concerne en particulier l’Outaouais, particulièrement les comtés de Pontiac et de Gatineau.
Ces citations des deux députés à la Chambre des communes extraites d’interviews, réalisées le 9 février 1983 à Ottawa, s’expliquent par une tempête politique qui secoue alors l’Outaouais.
Nouvelles, 9 février 1983
Quelques mois plus tôt, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales du Canada recommandait des modifications dans les frontières des comtés fédéraux de la région.
Cette dernière prévoit créer en Outaouais deux circonscriptions urbaines très peuplées, Hull et Gatineau, et une très grande circonscription rurale, Pontiac
Le député Thom Lefebvre s’offusque du changement proposé de son comté. Plus de territoire et de municipalités à couvrir rendront encore plus difficile son travail.
Le député René Cousineau amène un autre type d’opposition.
La révision électorale proposée déplace des populations, comme celles de la ville de Thurso, déplacée de la circonscription de Gatineau vers celle de Pontiac à laquelle elle ne s’identifie pas.
2022-2023 : contestation dans l’Est-du-Québec et en Gaspésie
Quatre décennies plus tard, la mouture 2022 de proposition de redécoupage électoral provoque des remous dans la région de l’Est-du-Québec et en Gaspésie.
Un reportage de la journaliste Perrine Bullant, présenté au Téléjournal Est-du-Québec le 30 juillet 2022, enregistre la réaction négative des parlementaires Kristina Michaud et Maxime Blanchette-Joncas aux modifications proposées par la commission dans la région.
Le Téléjournal Est-du-Québec est présenté par Michaëlle Ouellet.
Téléjournal Est-du-Québec, 30 juillet 2022
L’Est-du-Québec et la Gaspésie, qui, actuellement, détiennent trois sièges à la Chambre des communes, n’en auraient plus que deux.
La députée d’Avignon-La Mitis-Matane-Matapédia verrait sa circonscription scindée en eux entre les comtés de Gaspésie-Les Îles-de-la-Madeleine-Listuguj et de Rimouski-Matane.
Kristine Michaud croit que cette proposition a été dessinée par des fonctionnaires derrière des bureaux à Ottawa qui ignorent les réalités régionales.
Maxime Blanchette-Joncas déplore pour sa part la perte de poids politique de sa région. En 1993, on avait cinq circonscriptions dans l’Est-du-Québec.
Avec la nouvelle carte électorale, on passerait à deux avec tout ce que cela implique, ajoute le député.
Plusieurs autres élus de l’Est-du-Québec et de la Gaspésie s’opposent aux modifications proposées.
C’est notamment le cas au Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans la région de Québec, en Estrie et dans le Nord de l’Ontario.
Une perte de poids politique qui passe mal
L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion condamnant toute réforme de la carte électorale fédérale qui diminuerait le poids de la représentation québécoise à Ottawa.
C’est la Constitution du Canada qui impose un examen des limites des circonscriptions électorales après chaque recensement qui a lieu tous les 10 ans.
Cette révision s’appuie notamment sur un principe de représentation équitable de la population canadienne.
Le nombre d’électeurs dans chaque circonscription doit se rapprocher le plus près possible d’une moyenne nationale.
Sauf circonstances exceptionnelles, les circonscriptions ne peuvent avoir une population inférieure à 75 % ou supérieure à 125 % de cette moyenne.
Or, au cours des dernières décennies, le poids démographique de certaines provinces – l’Alberta, la Colombie-Britannique, l’Ontario – a augmenté.
En revanche, le poids démographique d’autres provinces – comme celui du Québec – a diminué.
En 2010, le gouvernement de Stephen Harper propose d’ajouter 30 circonscriptions supplémentaires à la carte électorale pour les provinces de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et de l’Ontario.
Cela provoque un tollé à l’Assemblée nationale du Québec et chez certains représentants québécois à la Chambre des communes, comme le rappelle un reportage du journaliste Daniel Thibeault présenté au Téléjournal du 22 avril 2010 qu’anime Céline Galipeau.
Téléjournal, 22 avril 2010
Les parlementaires siégeant à Québec et le Bloc québécois à Ottawa dénoncent le projet et exigent que le Québec, en tant que nation, reçoive une protection spéciale.
Au lieu de 75 circonscriptions, le Québec devrait se voir accorder de manière automatique le quart de l’ensemble de la députation à la Chambre des Communes.
Daniel Thibeault souligne aussi que c’est la crainte qu’un gouvernement majoritaire soit élu au Parlement canadien, sans l’appui de l’électorat québécois, qui justifie cette exigence.
Il y aura un compromis : 30 nouveaux députés seront élus aux élections de 2015, mais trois de ces derniers proviendront du Québec.
En 2022-2023, la proposition de modifications ajoute cinq nouvelles circonscriptions à la Chambre des communes. Le Québec n’en obtient aucune.