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Du chemin Roxham à l’Ontario : « On est très inquiets »

Le maire de Cornwall blâme le peu de communication de la part du gouvernement fédéral, qui envoie désormais massivement des demandeurs d’asile provenant du chemin Roxham en Ontario.

Un hôtel en Ontario.

L'hôtel Ramada est l'un des deux hôtels de Cornwall dans lesquels sont désormais envoyés des centaines de demandeurs d'asile arrivés par le chemin Roxham.

Photo : Radio-Canada / Romain Schué

CORNWALL, ONTARIO - Malgré son sourire, Justin Towndale est incapable de masquer son impuissance. Et son angoisse.

Depuis quelques semaines, le maire de Cornwall, une municipalité ontarienne située au bord du fleuve Saint-Laurent, non loin de la frontière avec le Québec, fait face à une nouvelle réalité : l’arrivée en grand nombre de demandeurs d’asile.

Ces derniers débarquent chaque semaine, par autobus, en provenance du chemin Roxham, dans le sud du Québec. Ils sont désormais près de 800, répartis dans deux hôtels, dans cette ville de moins de 50 000 habitants.

On est une petite ville et le nombre de demandeurs d’asile ne cesse d’augmenter. On est à un point de rupture.

Une citation de Justin Towndale, maire de Cornwall

On n’a pas des millions d’habitants chez nous, on n’a pas les mêmes ressources que les grandes villes. On travaille dur pour aider tous ces gens, mais c’est difficile, détaille Justin Towndale, dans son bureau.

Un homme devant son ordinateur.

Justin Towndale est le maire de Cornwall.

Photo : Radio-Canada / Romain Schué

Des milliers de demandeurs d'asile envoyés en Ontario

Cornwall est l’une des premières villes ontariennes, avec Niagara Falls, à avoir pris en charge des demandeurs d’asile du Québec depuis l’été passé.

Face à l’augmentation progressive du nombre de migrants arrivant par le chemin Roxham et la pénurie de chambres disponibles à Montréal, le gouvernement fédéral avait conclu des ententes avec des chaînes hôtelières ontariennes.

Record de demandeurs d'asile et d'hôtels réquisitionnés

Selon nos informations, l'afflux massif de demandeurs d'asile au chemin Roxham l'an passé se poursuit cet hiver. En janvier, environ 4700 personnes ont franchi ce passage pour entrer au Canada. Un record depuis la réouverture des frontières à l'automne 2021. En février, une tendance similaire est répertoriée, avec, certaines journées, plus de 200 arrivées au chemin Roxham.

Parallèlement, le gouvernement fédéral a réservé 32 hôtels et près de 4600 chambres pour héberger temporairement ces demandeurs d’asile. Jamais ces nombres n'avaient été aussi élevés.

  • Au Québec : 19 hôtels (2164 chambres)
  • En Ontario : 13 hôtels (2396 chambres)

On avait même déjà reçu près de 300 personnes en 2017, rappelle fièrement le maire Towndale, en évoquant l’époque où le stade olympique avait été réquisitionné, au cœur d’une première vague historique de demandeurs d’asile.

Depuis la fin de l’année passée, la donne a changé. Le fédéral a considérablement accéléré les transferts vers l’Ontario, passant de 286 migrants envoyés en novembre à 1157 le mois suivant.

Le mois de février devrait battre tous les records. Près d’un millier de demandeurs d’asile ont déjà été transférés, que ce soit à Cornwall, à Niagara Falls, mais aussi à Ottawa et à Windsor.

Au total, depuis l’été passé, près de 5600 personnes ont été envoyées en Ontario, dont environ 1400 à Cornwall, pour aider à réduire les pressions auxquelles le Québec fait face, justifie Immigration Canada.

Des données que le maire de la ville ignorait jusqu’à tout récemment. Avant, je n’avais aucune statistique. On savait que des demandeurs d’asile étaient là, mais on ne savait pas combien, déplore-t-il.

Prochainement, d’autres provinces devraient également être sollicitées par Ottawa. On travaille à réserver des chambres d’hôtel dans d’autres provinces pour faciliter le transfert des demandeurs d’asile, confirme Nancy Caron, porte-parole d’Immigration Canada.

Un homme descend le chemin Roxham en direction de la frontière canado-américaine.

En 2022, près de 40 000 personnes sont arrivées au Canada par le chemin Roxham. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Christinne Muschi

Un challenge pour Cornwall

Si le gouvernement du Québec a assuré être « très content » de l’envoi massif de migrants vers l’Ontario, le maire de Cornwall est plutôt partagé.

Ces personnes, souligne-t-il, ont parfois souffert, ont eu un parcours difficile, et on a des responsabilités. On veut les aider, on est heureux de les aider, mais on est très inquiets.

Justin Towndale blâme plutôt le gouvernement fédéral, et surtout l’absence de communication et de planification concertée. Récemment, il ignorait qu’Ottawa avait loué des centaines d’autres chambres dans sa ville.

Être partenaires, ça va dans les deux directions. Le fédéral ne peut pas juste les déposer chez nous et nous laisser nous débrouiller sans rien nous dire.

Une citation de Justin Towndale, maire de Cornwall

Les ressources d’aide pourraient manquer si rien n’est prévu en amont, prévient-il. Notamment pour communiquer avec les demandeurs d’asile qui ne parlent ni le français ni l’anglais.

On n’a pas toutes ces compétences chez nous. C’est un challenge, on essaie, mais on reste une petite ville, reprend-il, en parlant notamment de la scolarisation des enfants. Des dizaines d'entre eux ont d'ailleurs été inscrits dans les écoles de Cornwall au cours des derniers mois.

Un agent de sécurité.

Des agents de sécurité surveillent les abords des hôtels, à Cornwall, qui logent des centaines de demandeurs d'asile.

Photo : Radio-Canada / Romain Schué

Une sécurité omniprésente

Aux abords de ces deux hôtels de Cornwall, la sécurité est omniprésente. Ottawa a dépensé des millions de dollars pour faire appel à une société privée qui place des agents nuit et jour devant ces établissements et à l'intérieur.

Impossible d’y entrer ou même de rester dans le stationnement de ces hébergements.

Lors de la visite de Radio-Canada, des agents nous ont pressés de quitter les lieux, avant de nous suivre pour s’assurer de notre départ. Une voiture de police locale a même été appelée.

On n’est pas autorisés à parler, nous a confié un demandeur d’asile, parfaitement francophone, avant de se faire rappeler à l’ordre par un agent.

Impossible de connaître le nombre de migrants francophones qui ont été transférés en Ontario. Je ne le sais pas, explique le maire Towndale, dont la ville compte environ un tiers de francophones.

Avec leurs quatre enfants, Michael et Lucy ont traversé la frontière canado-américaine au chemin Roxham le 20 décembre. En janvier, quelques jours après leur arrivée, on nous a mis dans un bus, car il n’y avait plus de chambres à Montréal, indique la mère de famille de 32 ans, originaire d'Haïti.

Ce n’était pas notre choix d’aller en Ontario. On voulait apprendre le français à Montréal, mais on est heureux d’avoir une place où dormir.

Une citation de Lucy, une demandeuse d’asile

Le couple n’a cependant aucune acrimonie contre la décision du gouvernement fédéral.

À Montréal, on devait changer à chaque fois d’hôtel pour avoir des informations. On devait payer un taxi pour aller d’un endroit à l’autre. Ici, on a tout au même endroit. Il y a des infirmières, de l’aide pour l’immigration, énumère-t-elle, avant néanmoins d'émettre un sérieux bémol.

La famille doit se rendre à Montréal, à la fin du mois, pour une entrevue liée à leur demande d'asile avec des agents fédéraux d'immigration. Malgré ce transfert en Ontario, le lieu de cette rencontre n'a pas été modifié.

« Je ne sais pas comment on va faire, mais on va se débrouiller », sourit-elle.

Une femme devant des habits.

Des habits, des matelas et de nombreux effets sont offerts aux demandeurs d'asile qui arrivent à Cornwall grâce à une initiative organisée par l’Association des communautés francophones de l’Ontario. Sonia Behilil est la directrice des opérations.

Photo : Radio-Canada / Romain Schué

Le manque d’informations, le plus gros problème

À Cornwall, l’Association des communautés francophones de l’Ontario (ACFO) s’est d’ailleurs organisée, depuis quelques mois, pour aider ces demandeurs d’asile, qu’importe leurs origines.

Avec l’aide d’une école secondaire, l’organisme a ouvert une friperie et offre des vêtements et des meubles à tous ceux qui le désirent. Une manière de promouvoir également la langue française.

On est une minorité et on veut prouver qu’on peut avoir une place centrale pour aider toutes ces personnes, assure Sonia Behilil, la directrice des opérations, qui souhaite créer des liens avec la communauté.

Bien sûr qu’il y a de l’inquiétude. Mais on a prouvé qu’on pouvait avoir de l’impact même avec des ressources limitées.

Une citation de Sonia Behilil, directrice des opérations de l’ACFO

Les déplacements, les flux humains, c’est un problème mondial. Ce n’est pas juste au Canada, au Québec ou en Ontario, relativise-t-elle. Il faut les aider pour s’installer, trouver un logement, un job. Et c’est enrichissant pour tout le monde.

Le maire de Cornwall attend désormais de nouvelles informations de la part d’Ottawa. Avec un peu plus de précisions.

Le manque d’informations, c’est le plus gros problème. On ne sait pas combien de temps ça va durer, avance Justin Towndale, en évoquant notamment le contexte économique.

Il cite des festivals, le printemps et l’été à venir, le tourisme qui va reprendre.

Les gens avaient l’habitude de venir dormir à Cornwall pour des événements, décrit-il. Les hôtels ne seront peut-être pas disponibles. Ça aura un impact, car ces gens vont aussi dans les magasins, les cafés, les restaurants.

On comprend que le gouvernement fédéral doit prendre des décisions, mais on aimerait être plus impliqués.

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