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ChroniqueLe musée musical de Jean Paul Riopelle

Des musiciens et musiciennes sur scène. On voit des images des peintures de Riopelle projetées sur des écrans.

Le spectacle était divisé en cinq actes qui mettaient en lumière cinq périodes de la carrière de Riopelle.

Photo : VICTOR DIAZ LAMICH

Jean Paul Riopelle et Serge Fiori : Jeudi soir, le premier était à l’honneur en cette année de son centenaire avec l’œuvre multimédia Riopelle symphonique concoctée par le second, en collaboration avec le compositeur, orchestrateur et arrangeur Blair Thomson.

Mais les deux hommes n’ont pas été les seuls dans cette expédition risquée du producteur et directeur artistique Nicolas Lemieux fusionnant musique, peinture, sculpture et archives audio qui a été présentée en ouverture du festival Montréal en lumière.

L’Orchestre symphonique de Montréal, dirigé par Adam Johnson, les Petits chanteurs de Laval et le chœur de Temps fort étaient tous de la partie pour cet événement hors normes qui reposait sur une scénographie de Marcella Grimaux. Il y avait, quoi… Près de 200 musiciens et choristes sur scène?

On ne voyait toutefois que très peu d’entre eux sur scène à travers la petite ouverture laissée par les rideaux pendant que les spectateurs prenaient place dans la salle Wilfrid-Pelletier, mais on entendait de manière quelque peu diffuse le bruit d’oies blanches, comme si nous étions à l’Isle-aux-Grues où a vécu Riopelle.

On voit depuis des décennies des collaborations entre artistes populaires et orchestres, certaines plus réussies que d’autres, où le nerf de la guerre est d’enrober des chansons populaires d’éléments symphoniques. L’approche a été différente ici avec Thomson qui a déconstruit sept chansons de Fiori tirées de son répertoire de 1978 à 2014.

Bien sûr, on reconnaît ici et là une mélodie ou un passage, mais on parle véritablement d’une œuvre en soi créée pour mettre en lumière l’œuvre de Riopelle.

Œuvre en cinq actes

Cette symphonie se décline en cinq actes : Éveil et émergence (années 1930 et 1940), Mouvement et percée internationale (années 1950), Entre abstraction et figuration (années 1960), La nature, la rencontre et l’ailleurs (années 1970) et Le retour aux sources (années 1980 et 1990).

Les œuvres de Riopelle défilent sous nos yeux de différentes manières sur trois écrans suspendus au-dessus de l'orchestre et des chœurs. Au début, il n’est pas rare de voir une peinture sur l’écran de gauche et son détail sur celui de droite. Durant le premier acte, au même titre que la musique propose des tempos lents, les spectateurs ont tout leur temps pour admirer les œuvres.

Dans le deuxième acte, lorsque les tempos sont plus rapides, le synchronisme entre la musique et les images de tableaux est saisissant. C’est un peu comme si l’orchestre et les chœurs allaient au rythme des gestes vifs de Riopelle quand il a créé certains des tableaux de cette période (Portrait de forêt, Perce-neige, Chicago II). Les coups d’archet des cordes donnent l’impression d’être autant de superpositions de lignes sur les voix des chœurs. Très fort.

Au fait, étions-nous en train de voir une œuvre ou de l’entendre? C’était forcément les deux à la fois, mais pour ce qui est de l’aspect visuel, on inversait la proposition habituelle.

Le musée vient à nous

Dans un musée, les visiteurs se déplacent d’une œuvre à une autre. Les personnes sont en mouvement, les tableaux sont immobiles. Ici, ce sont les tableaux et les sculptures qui apparaissent tour à tour, venant à nous. Souvent, de manière classique : elles apparaissent sur les écrans. Mais parfois, les écrans eux-mêmes montent et descendent, quand ce n’est pas les œuvres elles-mêmes qui bougent.

Dans le cinquième acte, lorsque les trois écrans sont collés les uns aux autres et à la même hauteur, des dizaines de reproductions de tableaux en acryliques ou peints à l’aérosol défilent de droite à gauche, ce qui, pour le spectateur assis, revient à voir les tableaux défiler les uns après les autres comme s’il marchait dans un musée, en regardant à sa gauche. L’effet est du tonnerre.

Il y a quelque chose d’insaisissable, et pourtant d’universel, dans l’œuvre de Riopelle. Dans le troisième acte, celui où défilent notamment des sculptures, le crescendo entre l’orchestre et les chœurs est magnifié par les faisceaux lumineux qui pointent vers le plafond ou carrément dans la foule.

Quant au quatrième acte, celui des années 1970, durant lequel défilent Les Hiboux sur fond blanc, on verse tout simplement dans la beauté. Il y a du souffle et du grandiose. Nous avons aussi droit à un envol d’oies sur écran, ce qui nous ramène aux costumes créés par Marie St-Pierre, notamment cette veste blanche à plumes pour le chef d’orchestre Adam Johnson qui a fait preuve de dynamisme.

Riopelle par Riopelle

Donc, il y a la musique de Fiori et Blair Thomson, les œuvres de Riopelle… et Riopelle lui-même, par l’entremise d’extraits d’une entrevue. Ces blocs sont intercalés et offrent une réelle perspective de l’œuvre par son créateur disparu en 2002 qui avait un sens de l’humour et de la répartie.

Dans l’exécution, je n’ai pas de temps à perdre à chercher. Il faut que ça marche tout de suite, disait-il. Il admettait aussi qu’il ne pouvait créer en étant observé.

Je n’aime pas faire le spectacle. S’il y a un spectateur, il y a une distraction. Je ne pourrais pas le supporter.

Une citation de Jean Paul Riopelle, lors d'une entrevue entendue lors du spectacle

Riopelle étant l’un des signataires du Refus global de 1948 dont un de ses dessins orne la page couverture, la production met en lumière quelques déclarations du manifeste-phare dans ses projections.

Entre la musique, les projections et les entrevues, on ne s’ennuie pas une minute. Certaines pièces font la part belle aux vents et aux cors, d’autres mettent en lumière les cordes. Mentions spéciales à Olivier Thouin (violon solo), Anna Burden (violoncelle solo) et Jennifer Swartz (harpe solo).

Cela dit, cette œuvre musicale complexe et riche de Fiori et Thomson nécessite une écoute attentive. Comprendre que ce n’est ni Pour un instant ni Les quatre saisons de Vivaldi…

Comme un tableau abstrait de Riopelle – ou d’un autre grand peintre – que l’on doit regarder longtemps afin d’apprécier les couleurs, les textures, la patine, etc., la musique de Riopelle symphonique est toute jeune à nos oreilles. Ce n’est pas L’Heptade

Bref, il faudra retourner voir ce concert qui met en scène deux géants de notre patrimoine culturel québécois. Deux autres représentations sont prévues à Québec, au Grand Théâtre, les 8 et 9 septembre, en plus des supplémentaires les 17 et 18 février dans le cadre du festival Montréal en lumière.

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