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De l’avis de plusieurs, le transport aérien régional ne s’est jamais aussi mal porté

Un avion sur une piste d'atterrissage au Québec

Un avion sur une piste d'atterrissage au Québec (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Marie-Jeanne Dubreuil

Vols annulés ou retardés, rendez-vous manqués, pertes de revenus, trajets qui finissent en détours interminables, la liste des récriminations envers la qualité du service de transport aérien régional est longue.

Pour plusieurs, la récente suspension des vols directs entre Mont-Joli et Montréal est la goutte qui fait déborder le vase. Le Programme d’accès aérien aux régions (PAAR), qui offre des billets à 500 $, déçoit bien des élus et des utilisateurs.

C’est l’avis de l'ancien ministre des Régions, ex-député de Gaspé aujourd’hui consultant en développement régional, Gaétan Lelièvre. Pour lui, le plan québécois de transport aérien régional nuit plus qu'autre chose.

Je ne pensais jamais un jour m'ennuyer du service d'Air Canada, qui était inabordable en termes de prix, mais au moins l'avion atterrissait.

Une citation de Gaétan Lelièvre, ancien ministre des Régions, ex-député de Gaspé et aujourd’hui consultant en développement régional

Aujourd’hui, une fois sur deux, c'est impossible de faire un aller-retour à Montréal à l'intérieur d'une semaine, ajoute-t-il. Imaginez les frais supplémentaires en hébergement! Ça nuit au développement économique et social de la région.

L’an dernier, quand le ministère des Transport planchait sur un plan de relance, plusieurs solutions avaient été mises de l’avant, dont le projet Régionair et celui de la coopérative TREQ, sur lequel Gaétan Lelièvre a travaillé. La coopérative misait sur une offre de billets à bas prix.

Aucune de ces avenues n’a été retenue dans le plan de l'ancien ministre François Bonnardel. Selon M. Lelièvre, ces deux propositions auraient eu plus de chances de fonctionner.

La principale raison pour laquelle le plan Bonnardel n’a pas fonctionné, c'est qu'on a voulu composer avec les mêmes acteurs, commente-t-il. C’est comme le loup dans la bergerie. Quand on regarde le portrait du service aérien au Québec depuis des décennies, ce sont à peu près les mêmes transporteurs qui ont toujours été en opération.

Je pense qu'on a laissé amplement de temps aux joueurs traditionnels. On prend les mêmes ingrédients, la même recette, puis on pense qu'on va avoir un résultat différent.

Une citation de Gaétan Lelièvre

Les transporteurs doivent faire partie de la solution

Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Gaspé, Daniel Côté, estime au contraire que les transporteurs aériens ont leur place dans ces discussions et qu'ils doivent faire partie de la solution. Mais il ne faut pas que ce soit eux qui prennent la décision finale, qui appartient au ministre, insiste-t-il.

Un agent de piste fait circuler un avion sur la piste de l'aéroport de Gaspé.

L'aéroport de Gaspé (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Le comité de relance des services aériens régionaux ratisse très large. L'industrie touristique est représentée, les élus, il y a énormément de gens autour de cette table-là, précise-t-il. Je ne peux pas reprocher au gouvernement du Québec de ne pas avoir essayé des trucs, mais il aurait pu faire davantage.

Le transport aérien n’a jamais été aussi mal, mais il n'est pas trop tard pour bien faire.

Une citation de Daniel Côté, président de l’UMQ et maire de Gaspé 

Daniel Côté déplore par ailleurs l’absence du gouvernement fédéral dans les discussions alors que le transport aérien relève de sa juridiction.

Subventions disparues

Justement, le président de la Régie intermunicipale de l'aéroport de Mont-Joli, Bruno Paradis, mentionne qu'avant la pandémie de COVID-19, c’était le gouvernement fédéral qui finançait le transport aérien régional, par le biais d’Air Jazz, entre autres.

Bruno Paradis, devant l'aéroport de Mont-Joli.

Bruno Paradis, président de la Régie intermunicipale de l’aéroport régional de Mont-Joli, souhaite relancer le projet Régionair. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

À l'époque, rappelle-t-il en entrevue à l'émission Même fréquence, on avait entre 8500 et 9000 passagers qui transitaient par Mont-Joli, vers Québec, Montréal ou pour l'international. Ça allait très bien, mais avec la pandémie, on a l'impression que ça donnait les coudées franches pour laisser tomber le transport en région Air Canada, puis se concentrer sur ce qui est le plus payant, l'international.

Selon M. Paradis, dans ce contexte, l’intervention de Québec était vue d’un bon œil. On a laissé la chance au coureur, mais finalement, les billets à 500 $ n'ont pas répondu à nos besoins. Ils toutefois ont été très populaires pour le tourisme aux Îles, admet-il.

Bruno Paradis se désole lui aussi de la situation actuelle. Beaucoup de gens me disent : "Écoute, je n'ai même plus le réflexe de regarder pour les billets d'avion. Je prends ma voiture, c'est fiable, je vais me rendre, sinon je me retrouve le bec à l’eau." Donc ça laissé des traces. Les gens n'ont plus confiance, considère-t-il.

Bruno Paradis demeure convaincu de la pertinence du projet Régionair, piloté par la Régie régionale.

On s'inspirait du fonctionnement du transport collectif, rappelle-t-il. Notre idée, c’est de laisser le transport aux entreprises privées. Donc l'idée, c'était que chaque région détermine quels sont ses besoins et lance un appel d’offres.

L’UMQ proposait aussi un système d’appels d’offres. Les projets s’appuyant sur des appels d’offres ne font toutefois pas l’unanimité.

On a souvent vu, quand on lançait des appels d'offres comme ça, des joueurs majeurs comme Air Canada qui, tout d'un coup se redécouvrent une volonté de venir desservir les régions, viennent casser les prix et tuer la concurrence, rappelle M. Paradis. C'est un équilibre qui n'est pas facile.

Nous, on veut veut la trouver, la meilleure solution parce que les solutions actuelles ne répondent pas aux besoins de ma communauté.

Une citation de Bruno Paradis, président de la Régie intermunicipale de l'aéroport de Mont-Joli

S'attaquer au problème autrement

Le directeur de l'Observatoire de l'aéronautique et de l'aviation civile à l'École des sciences de gestion de l'Université du Québec à Montréal, Mehran Ebrahimi, déplore lui aussi un manque de vision. On essaie toujours les mêmes recettes alors on répète les mêmes erreurs, constate-t-il. Et on s’étonne que ça ne marche pas.

Les projets de Régionair ou de TREQ, c’est bien, on ne peut pas être contre la vertu, admet-il. Mais, selon lui, il faut prendre le problème autrement, créer la demande à long terme, s’inspirer de modèles qui ont réussi.

Mehran Ebrahimi directeur, Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile

Mehran Ebrahimi est directeur de l'Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Il faut adapter notre réflexion à notre réalité : de longues distances et une faible population, selon lui.

ll faut faire quelque chose de plus, créer la demande, comme ça s’est fait du côté scandinave par exemple, mentionne-t-il. On a créé des partenariats régionaux avec des entreprises et on a essayé de développer l'offre touristique. On a aussi fait de l'aéroport un lieu économique prospère, c'est-à-dire qu’on en a fait des zones industrielles, des leviers de développement régional, donc les entreprises se sont installées.

On crée la demande, ensuite les gens viendront. Si la demande est là, je peux vous assurer que les compagnies aériennes seront là.

Une citation de Mehran Ebrahimi, directeur de l'Observatoire de l'aéronautique et de l'aviation civile à l'École des sciences de gestion de l'Université du Québec à Montréal

Selon Mehran Ebrahimi, il n’y aura pas de solution tant qu’il n’y aura pas de volonté de travailler ensemble sur un seul projet, quel qu'il soit. Le fait est qu’on n'arrive pas à s'entendre autour d'un modèle, constate-t-il. Au fond, ce qu'on veut tous, c'est assurer les vols régionaux en sécurité et de façon pérenne.

On a tous les mêmes volontés, mais on n'arrive pas à s'entendre.

Une citation de Mehran Ebrahimi

L’UMQ a demandé cette semaine une nouvelle rencontre du groupe d'intervention sur la relance des services aériens régionaux, dont fait partie la nouvelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

De son côté, Bruno Paradis se dit malgré tout optimiste. Il estime avoir une bonne écoute de la part de la ministre responsable de la région, Maïté Blanchette Vézina. Il dit aussi percevoir une volonté d’améliorer les choses.

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