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ArchivesLa Russie de Poutine vue par les correspondants de Radio-Canada

Raymond Saint-Pierre se tenant sur la place Rouge à Moscou durant un défilé militaire en 2015.

Sept correspondants se sont succédé au bureau de Radio-Canada à Moscou depuis la première élection de Vladimir Poutine comme président de la Russie en 2000.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le 18 mai 2022, CBC/Radio-Canada annonçait la fermeture de son bureau de Moscou après y avoir posté des correspondants durant plus de 40 ans. À travers une sélection de leurs reportages, découvrez le regard que nos journalistes ont posé sur la Russie à partir de l’an 2000, soit quand Vladimir Poutine a pris le pouvoir.

De 1997 à 2000 avec Elizabeth Palmer

Correspondante pour CBC/Radio-Canada à Moscou de 1997 à 2000, la journaliste Elizabeth Palmer a assisté à l’avènement de Vladimir Poutine en politique.

Ancien agent du KGB, Vladimir Poutine s’est fait connaître par son intransigeance dans le conflit armé qu’il a mené en Tchétchénie.

Le président de la Russie Boris Eltsine en fait alors son dauphin. Au moment de sa démission en 1999, il désigne Vladimir Poutine président russe par intérim.

Les nouvelles, 13 janvier 2000

Le 13 janvier 2000, la correspondante Elizabeth Palmer offre aux téléspectateurs canadiens un portrait du chef d’État russe par intérim qui, même dans son pays, demeure plutôt mystérieux.

De sa ville natale de Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Il défend le fait que la Russie a besoin d’un leader fort à la tête d’un gouvernement ferme.

La journaliste le décrit comme ayant un « visage impénétrable », sans doute le résultat de ses quinze années au KGB, et des allures de « politicien macho avec le goût du danger ».

Il a juré que l'armée russe chasserait jusqu'au dernier des rebelles tchétchènes.

Une citation de La correspondante Elizabeth Palmer

Ceinture noire de karaté, Vladimir Poutine donne l’impression qu’il peut terrasser tous ses adversaires. La télévision russe le montre souvent sur le terrain avec des militaires, portant l’uniforme et discutant stratégie avec eux.

Une image qui coïncide parfaitement avec son message politique, souligne la correspondante Elizabeth Palmer.

Les Russes que la journaliste aborde dans la rue semblent craindre ce politicien arrivé si rapidement au pouvoir et dont on ne connaît que très peu les idées. Sans compter que, comme dirigeant, Vladimir Poutine a très peu d’expérience en économie ou encore en politique internationale.

Le 26 mars 2000, en plus de sa correspondante à Moscou, Radio-Canada envoie en Russie une équipe du Téléjournal afin de couvrir cette élection présidentielle qui s’annonce comme un tournant politique majeur. Vladimir Poutine l’emporte dès le premier tour de ce scrutin qui se déroule démocratiquement.

De 2000 à 2004 avec Michel Cormier

Le correspondant Michel Cormier prend la relève de sa collègue Elizabeth Palmer à Moscou le 1er août 2000. Le journaliste demeurera en Russie jusqu’en 2004.

Rapidement, le correspondant de Radio-Canada remarque des changements dans la relation qu’entretient le gouvernement russe avec la presse.

Avec la politique de la glasnost mise en place à la fin des années 1980 par Mikhaïl Gorbatchev, dernier dirigeant de l’Union soviétique, les médias russes avaient gagné la liberté de critiquer le gouvernement. Mais voilà que Vladimir Poutine tente de museler deux barons de la presse qui nuisent à son image.

Michel Cormier relate la situation au Téléjournal du 18 septembre 2000.

Le Téléjournal/Le Point, 18 septembre 2000

Furieux de la couverture médiatique de sa gestion de la guerre en Tchétchénie et du naufrage du sous-marin Koursk, Vladimir Poutine souhaite prendre le contrôle des deux seuls réseaux de télévision qui n’appartiennent pas à l’État.

Dans une opération policière spectaculaire, les bureaux du dirigeant de NTV Vladimir Goussinski font l'objet d'une perquisition. Le gouvernement russe lui demande ensuite de lui vendre sa chaîne de télévision en échange de l’abandon d’accusations de fraude fiscale.

De la même façon, l’oligarque Boris Beresovsky est menacé de poursuites criminelles s’il ne vend pas à l’État ses actions dans la chaîne de télévision ORT. « C’est un retour à l’État totalitaire », déclare l’homme d’affaires controversé en conférence de presse.

Interviewé par le journaliste Michel Cormier, l’analyste politique Alexei Pushkov croit que le chef d’État russe cherche consciencieusement à limiter la critique envers le Kremlin. « Il veut contrôler les sources les plus importantes d'influence et de pouvoir en Russie », affirme-t-il.

Le président Vladimir Poutine a entrepris un bras de fer contre les oligarques russes qui dominent l’économie, conclut le correspondant de Radio-Canada à Moscou, mais la liberté de presse en Russie s’en trouve désormais menacée.

De 2004 à 2007 avec Nick Spicer

Le samedi 14 avril, les Moscovites qui faisaient leurs courses de fin de semaine sont tombés des nues. 9000 policiers antiémeutes étaient sur le pied de guerre dans une atmosphère de siège autour de la place Pouchkine.

Une citation de Le correspondant Nick Spicer

Téléjournal, 10 mai 2007

Au Téléjournal du 10 mai 2007, le correspondant à Moscou Nick Spicer brosse le portrait du mouvement politique L’Autre Russie dirigé par le maître des échecs Garry Kasparov.

Un mois plus tôt, l’équipe de CBC/Radio-Canada à Moscou assistait à la répression violente d’un rassemblement de ses partisans qui devait se tenir à la célèbre place Pouchkine.

« La police a arrêté tous les manifestants qui s'approchaient de la place en embarquant quelques passants et badauds au passage », témoigne le journaliste Nick Spicer.

Les images captées par le caméraman de Radio-Canada montrent que les représentants de la presse n’ont pas été épargnés par la volée de coups des policiers.

Garry Kasparov n'a pas eu le temps de prendre la parole, embarqué dans le camion dès qu'il a pointé le nez sur la place.

Une citation de Le correspondant Nick Spicer

Lorsque le journaliste s'approche de la fenêtre du véhicule dans lequel les manifestants sont entassés, Garry Kasparov s'écrie : « Dites aux dirigeants du monde que la Russie est maintenant un État policier ».

Ce soir-là, les bulletins de nouvelles russes ne font pas mention de cette manifestation de L’Autre Russie ni de la centaine d’arrestations. Ils traitent plutôt de la présence du président Vladimir Poutine à un événement d’arts martiaux et d’une manifestation pro-Kremlin organisée le même jour.

« Il faut juste que les Russes puissent nous entendre », déclare Garry Kasparov au micro de Radio-Canada. Le fondateur de L’Autre Russie accuse le président Vladimir Poutine d’étouffer la démocratie et d’empêcher la formation d’une véritable opposition politique.

À l’automne 2007, Garry Kasparov devra renoncer à se présenter aux élections présidentielles, les rassemblements du mouvement d’opposition L’Autre Russie étant systématiquement interdits par les autorités.

Le correspondant Nick Spicer termine son mandat au bureau de Radio-Canada à Moscou au cours de la même période. Il y aura été posté de juin 2004 à octobre 2007.

De 2007 à 2010 avec Alexandra Szacka

Téléjournal, 25 avril 2008

Correspondante à Moscou de 2007 à 2010, Alexandra Szacka remarque au cours de son mandat la place de plus en plus importante que prend l’Église orthodoxe dans la société russe.

Persécutée sous le communisme, l'Église orthodoxe était devenue l'ombre d’elle-même en Russie, explique la journaliste au Téléjournal du 25 avril 2008. Le pays manque à présent de lieux de prière pour accueillir les millions de nouveaux fidèles qui rejoignent ses rangs.

Ce renouveau spirituel s’observe non seulement dans la population, mais aussi dans les hautes sphères politiques, souligne Alexandra Szacka.

Si la Constitution garantit la séparation de l'Église et de l'État, l’Église influence de plus en plus la politique.

Une citation de La correspondante Alexandra Szacka

Le président Vladimir Poutine s’affiche comme un orthodoxe pratiquant et consulte fréquemment dans le cadre de ses fonctions le patriarche Alexei, chef de l’Église orthodoxe russe.

« L'Église représente la société et peut donc exercer un ascendant moral sur l'État », déclare le porte-parole du patriarche Alexei à la correspondante de Radio-Canada.

« Les politiciens font semblant d’être croyants, et nous, on fait semblant de les croire », affirme pour sa part Yevgeni Kisselov, animateur russe qui voit dans la foi orthodoxe une mode et un instrument de contrôle.

Alors que Dimitri Medvedev doit succéder à Vladimir Poutine pour diriger le pays, ce rapprochement avec l’Église risque fort de se poursuivre, conclut la journaliste Alexandra Szacka.

Lors de la campagne électorale présidentielle, le patriarche Alexei a exprimé son appui à la candidature de Dimitri Medvedev, un fervent orthodoxe.

De 2010 à 2014 avec Jean-François Bélanger

De 2008 à 2012, Dimitri Medvedev exerce le mandat de président de la Russie en prenant soin de nommer Vladimir Poutine au poste de premier ministre.

En poste à Moscou à partir de 2010, le correspondant Jean-François Bélanger observe donc la dynamique de ce tandem politique, puis le retour en force de Vladimir Poutine à la plus haute fonction du pays.

Téléjournal, 7 mai 2012

Au Téléjournal du 7 mai 2012, le journaliste décrit la cérémonie d’assermentation de Vladimir Poutine qui se déroule en grande pompe dans l’ancienne salle du trône du Kremlin.

Pour une troisième fois, Vladimir Poutine prête serment comme président de la Russie. Le mandat rempli par Dimitri Medvedev lui aura permis de respecter la Constitution, qui n'autorise pas à occuper cette fonction durant plus de deux mandats consécutifs. Il le nomme d’ailleurs premier ministre à son tour.

Devant 2000 invités triés sur le volet, Vladimir Poutine jure de protéger les droits et libertés des citoyens russes. La cérémonie est aussi retransmise en direct sur les six grandes chaînes de télévision du pays.

Le reportage de Jean-François Bélanger nous montre le centre-ville de Moscou fermé à la circulation pour l’événement et quadrillé par les forces de l’ordre. Les opposants qui tentent de manifester sont arrêtés.

« Notre Constitution garantit aux citoyens la liberté de circuler, de se rassembler. Il ne la respecte même pas », exprime une Moscovite au correspondant de Radio-Canada.

« En Russie et ailleurs, beaucoup craignent que le retour de l'homme fort du pays se traduise par un régime plus autoritaire et plus défiant », déclare Jean-François Bélanger.

« Vladimir Poutine a continué de diriger Kremlin même sous la présidence de Dimitri Medvedev », défend pour sa part l’analyste Macha Lipman. « Il n’y aura donc pas de grandes ruptures. »

De 2015 à 2017 avec Raymond Saint-Pierre

Le journaliste Raymond Saint-Pierre succède à Jean-François Bélanger comme correspondant à Moscou au début de l’année 2015.

Il devra quitter prématurément son poste en 2017, terrassé par une maladie auto-immune qui le force à prendre sa retraite.

Téléjournal, 13 juin 2017

Au Téléjournal du 13 juin 2017, Raymond Saint-Pierre s’intéresse aux Loups de la nuit, des alliés de Vladimir Poutine.

Avec ses 5000 membres, ce club de motards est le plus important au pays. Il peut également compter sur le soutien du président russe, qui a remis l’Ordre du mérite à son chef Alexander Zaldostanov pour sa contribution à l’éducation patriotique des jeunes.

Sur sa moto Harley-Davidson, Vladimir Poutine a participé à l’une des expéditions du club de motards qui se donne comme mission d’unifier le pays. Des policiers accompagnent aussi fréquemment les convois des Loups de la nuit.

Adulé en Russie, Alexander Zaldostanov est toutefois interdit de séjour dans plusieurs pays, dont le Canada, pour son implication dans l'annexion de la Crimée par la Russie.

« J’aime bien le Canada », exprime le chef des Loups de la nuit au micro de Raymond Saint-Pierre. « Pourquoi ce pays a peur de moi? Qu’est-ce que j’ai fait de mal? »

Dans les spectacles à grand déploiement qu’il organise, Alexander Zaldostanov ne se gêne pourtant pas pour mettre en scène la déchéance de l’Occident.

Chaque année, le club de motards célèbre aussi la victoire russe sur les troupes nazies lors de la Seconde Guerre mondiale.

Au printemps 2017, les motards russes ont toutefois bien du mal à compléter leur itinéraire vers Berlin. Certains pays, comme la Géorgie et la Pologne, qui se sentent menacés par la Russie, leur refusent l’entrée.

De 2018 à 2022 avec Tamara Altéresco

Tamara Altéresco posant devant la cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux de Moscou. La caméra et les dispositifs d'éclairage sont visibles dans le champ.

Tamara Altéresco a été correspondante à Moscou de 2018 à la fermeture du bureau de Radio-Canada par la Russie en 2022.

Photo : Radio-Canada / Alexey Sergeyev

Entrée en poste au bureau de Radio-Canada à Moscou en 2018, la journaliste Tamara Altéresco observe à son tour le patriotisme qui anime plusieurs mouvements en Russie.

Elle s’intéresse entre autres au train-musée à la gloire de l'armée russe qui sillonne le pays ou encore au hip-hop russe comme vecteur de changement.

C’est aussi durant le mandat de la correspondante Tamara Altéresco que le président Vladimir Poutine fait adopter une vaste réforme constitutionnelle qui lui permet notamment de se présenter pour deux mandats présidentiels supplémentaires.

Lorsque la Russie envahit l’Ukraine en février 2022, son mandat de correspondante prend une autre tournure. Tamara Altéresco couvre le conflit des deux côtés de la frontière.

Le 4 mars 2022, après l'adoption d'une loi prévoyant de lourdes peines de prison et des amendes élevées pour toute personne qui publierait des informations jugées mensongères sur l’armée russe, Radio-Canada décide de suspendre ses activités journalistiques en Russie.

Une décision prise pour protéger les journalistes qui ne peuvent s’exprimer librement, comme l’ensemble des employés de Radio-Canada en Russie.

Le soutien du gouvernement canadien à l'Ukraine aura néanmoins raison du bureau de Radio-Canada à Moscou. Le 18 mai 2022, les autorités russes ordonnent la fermeture du bureau de Radio-Canada et retirent ses accréditations à la correspondante Tamara Altéresco.

Téléjournal, 28 juin 2022

Quatre mois se sont écoulés depuis que la Russie a lancé les premières bombes sur l'Ukraine. Il y a eu les condamnations, puis une avalanche de sanctions.

Une citation de La correspondante Tamara Altéresco

Au Téléjournal du 28 juin 2022, Tamara Altéresco nous fait vivre les derniers moments du bureau de Radio-Canada à Moscou.

Elle nous fait rencontrer Irinia Melnikova, doyenne et administratrice du bureau, et Elena Dabbarkh, recherchiste et interprète. Ensemble, elles doivent vider le local de ses meubles et de ses souvenirs.

Dans un montage d’archives montrant quelques-uns de ses prédécesseurs à Moscou, la correspondante Tamara Altéresco souligne aussi la force de témoignage des images captées par le caméraman Alexei Sergev.

« Avec le journaliste Raymond Saint-Pierre, il a vu son propre pays se refermer à nouveau », souligne-t-elle. « Les dernières années ont été marquées par la répression de ceux qui osaient encore tenir tête au régime. »

La jeune recherchiste Anastasia Trofimova, qui aide Tamara Altéresco à détruire des disques durs à coups de marteau, se montre plus optimiste. « La réalité en Russie, c’est qu'on ne sait jamais ce qui va arriver », affirme-t-elle avec le sourire.

« Autant les choses sont arrivées vite, autant on espère qu'elles vont se rétablir pour le mieux », déclare à son tour Tamara Altéresco en retirant la plaque d’identification de Radio-Canada sur la porte d’entrée.

Le bureau de Radio-Canada avait pignon sur rue depuis 1978 à Moscou. Sa mission avait d’abord consisté à permettre plus d’échanges entre les médias russes et canadiens. Les journalistes Michael McIvor, Ab Douglas, David Levy et Jean-Marc Poliquin y ont notamment séjourné durant l’ère soviétique.

De la même façon qu’il l’avait fait pour le bureau de Pékin en 1980, Don Murray était entré en poste en 1988 au bureau de Radio-Canada à Moscou en tant que premier correspondant bilingue pour CBC/Radio-Canada.

Une longue tradition journalistique interrompue en 2022, mais qui n’est peut-être qu’un au revoir, conclut la correspondante Tamara Altéresco dans son dernier reportage à Moscou.

Les correspondants de Radio-Canada à Moscou

  • Don Murray (1988-1994)
  • Céline Galipeau (1994-1997)
  • Elizabeth Palmer (1997-2000)
  • Michel Cormier (2000-2004)
  • Nick Spicer (2004-2007)
  • Alexandra Szacka (2007-2010)
  • Jean-François Bélanger (2010-2014)
  • Raymond Saint-Pierre (2015-2017)
  • Tamara Altéresco (2018-2022)
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