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Les tours de bureaux du centre-ville continuent de se vider

Des passants marchent au centre-ville de Montréal.

Avec l'adoption massive du télétravail, les entreprises réduisent la taille de leurs locaux pour bureaux.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Des chaises vides, d'immenses locaux où l'on ne croise qu'une poignée de travailleurs : voilà le portrait de plusieurs immeubles du centre-ville de Montréal.

Avec l'adoption massive du télétravail, de nombreuses entreprises ont réduit la taille des locaux qu'elles louent. Le taux d'inoccupation des tours de bureaux a doublé depuis 2020 pour atteindre près de 18 % et il pourrait continuer de grimper.

L'entreprise montréalaise Cook It, qui se spécialise dans le prêt-à-manger et le prêt-à-cuisiner, illustre bien cette tendance. Même si elle est en pleine expansion, elle déménagera en janvier prochain son siège social de la rue Sherbrooke dans des locaux trois fois plus petits situés dans le Vieux-Montréal.

« On passe de 12 000 pieds carrés (près de 1115 mètres carrés) à 4500 pieds carrés (418 mètres carrés), mais ça va nous coûter à peu près la même chose », explique la présidente et cofondatrice de Cook It, Judith Fetzer.

Avec des employés qui travaillent de la maison la plupart du temps, l'entreprise a choisi de quitter un immeuble qui a grandement besoin de rénovations pour un édifice plus prestigieux.

C'est vraiment pour améliorer l'expérience "employé", c'est le premier truc. C'est d'offrir quelque chose d'invitant, d'accueillant, pour que les gens aient vraiment le goût de venir.

Une citation de Judith Fetzer, présidente et cofondatrice de Cook It
Un employé, seul, travaille sur son portable dans une grande pièce des locaux de Cook it.

Les locaux actuels de l'entreprise Cook It, sur la rue Sherbrooke à Montréal.

Photo : Radio-Canada

Associé chez Avison Young, le courtier immobilier Laurent Bennarous observe que plusieurs entreprises prennent des décisions similaires. Les gens échangent deux pieds carrés dans un immeuble ordinaire contre un pied carré dans un immeuble de catégorie supérieure, et au final le coût d'occupation est le même pour eux. C'est une migration vers des produits de qualité.

Mais en fin de compte, les superficies louées diminuent. Dans le quartier des affaires, le taux d'inoccupation des tours de bureaux est passé de 9 % à 18 % depuis le début de la pandémie.

C'est dire qu'au centre-ville de Montréal, vous avez l'équivalent de trois fois le 1 Place Ville Marie qui s'est libéré.

Une citation de Laurent Bennarous, associé chez Avison Young
Le 1 Place Ville Marie.

Le 1 Place Ville Marie est l'un des plus hauts gratte-ciel de Montréal et compte plus de 1,6 million de pieds carrés en locaux pour bureaux.

Photo : Radio-Canada / Charles Contant

Et les bureaux continuent de se vider. Lorsque leurs baux, généralement d'une durée de 5 à 10 ans, arrivent à échéance, de nombreuses entreprises se délestent de l'espace qu'elles ont en trop. Ce qu'on observe en moyenne, c'est une réduction de 20 % à 30 % des espaces loués, dit Laurent Bennarous.

Un marché à l'avantage des locataires

Dans le secteur des locaux pour bureaux, un taux d'inoccupation de 10 % est considéré comme le point d'équilibre du marché. Il était à l'avantage des propriétaires avant la pandémie et a basculé en faveur des locataires pratiquement du jour au lendemain.

Pour attirer et conserver leurs clients, les propriétaires doivent réduire leur prix de location et offrir des incitatifs de plus en plus importants, indique le vice-président de la firme CBRE à Montréal, Christian Charbonneau.

C'est une compétition, c'est un marché ouvert. Pour qu'un locataire choisisse d'aller dans un édifice plutôt qu'un autre, un propriétaire va dire : je suis prêt à te donner 100 $ le pied carré pour que tu puisses emménager dans mes locaux et je vais peut-être te donner 12, sinon 24 mois de loyer gratuits.

Dans ce contexte, les immeubles moins bien situés ou qui se font vieillissants seront délaissés. Nous allons voir des rénovations et nous avons déjà vu ça avec quelques immeubles ici à Montréal, souligne la première vice-présidente et directrice générale de CBRE à Montréal, Ruth Fischer.

Les propriétaires doivent se réinventer

Le grand patron de Canderel, Brett Miller, nous a donné rendez-vous dans une tour de l'avenue McGill College pour notre entretien. Sa société de promotion immobilière gère plusieurs immeubles au centre-ville de Montréal et ailleurs au pays.

Il nous amène dans les locaux d'un locataire où se trouvent quelques rares travailleurs parmi plusieurs dizaines de bureaux vides. Même si la vue sur la métropole est imprenable, les employés semblent préférer travailler dans le confort de leur foyer.

Malgré tout, l'homme d'affaires, qui œuvre dans l'immobilier depuis plus de 30 ans, affiche un certain optimisme. Il pense que les travailleurs seront de retour au bureau en plus grand nombre dans un horizon de 6 à 12 mois.

Certaines entreprises ont dit : "On ferme complètement nos bureaux simplement pour économiser". Mais il y en a d'autres qui disent : "Non, on va louer dans les meilleurs immeubles, les meilleurs espaces, on va réinvestir pour en fait "réattirer" nos employés vers le travail".

Brett Miller devant une bannière publicitaire de Canderel.

Le chef de la direction de Canderel, Brett Miller, dans un local de la tour située au 1981, avenue McGill College.

Photo : Radio-Canada

Mais Brett Miller convient que les propriétaires d'immeubles doivent se montrer flexibles, en offrant notamment des baux de plus courte durée et qu'ils doivent aussi les rendre les plus attrayants possibles.

Au 1981, avenue McGill College par exemple, on a aménagé un salon pour les travailleurs dans le hall d'entrée et un centre d'entraînement physique est en construction. Les employés n'auront pas besoin de prendre un abonnement et de payer pour un gym, ils ont ça dans leurs espaces de travail.

C'est sans compter les cours de yoga, les célébrations pour l'Halloween et pour Noël... Bref, les propriétaires d'immeubles doivent maintenant en mettre plein la vue pour se démarquer.

Voyez ça comme un hôtel-boutique. C'est pas simplement le lit que vous louez, vous louez une expérience, alors ça, c'est le défi pour les propriétaires aujourd'hui.

Une citation de Brett Miller, chef de la direction de Canderel

Les commerçants tiennent le coup

Avant la pandémie, plus de 300 000 personnes convergeaient vers le centre-ville du lundi au vendredi pour aller travailler dans les tours de bureaux. La baisse d'achalandage résultant du télétravail se fait surtout sentir dans les commerces qui leur sont spécialement destinés.

Vous pouvez imaginer le cordonnier, le nettoyeur ou le comptoir à sandwich qui étaient à l'intérieur de la tour de bureaux, [ils] sont les premiers à vraiment souffrir de cette absence des travailleurs, dit Glenn Castanheira, le directeur général de la société de développement commerciale Montréal centre-ville.

Mais globalement, les commerçants tiennent bon. Le taux d'inoccupation des locaux commerciaux tourne en ce moment autour de 15 % dans le quartier des affaires. Si on prend la rue Sainte-Catherine, qui est vraiment la colonne vertébrale du centre-ville, plusieurs détaillants nous rapportent avoir des ventes similaires ou supérieures à 2019.

Il n'y a pas d'hécatombe, on n'est pas loin d'où on était avant la pandémie.

Une citation de Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
Glenn Castanheira.

Le directeur de la société de développement commercial Montréal centre-ville, Glenn Castanheira

Photo : INM

La vitalité du centre-ville repose de plus en plus sur sa population locale, qui est en pleine croissance. De 2016 à 2021, le nombre de résidents a grimpé de 17 % dans l'arrondissement Ville-Marie, pour atteindre près de 105 000 personnes. Uniquement au centre-ville, la hausse est de 40 %.

Jamais les résidents du centre-ville ne pourront à eux seuls combler une perte d'achalandage, que ce soit de travailleurs, de visiteurs ou autres, dit Glenn Castanheira. À l'inverse, je vous dirais, est-ce que le centre-ville pourrait vivre sans ses résidents? Eh bien là, je serais pas mal moins optimiste.

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