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ChroniqueLa très belle fin de parcours de Patrick Norman

Patrick Normand sur scène regarde vers la foule.

À 76 ans, Patrick Norman a décidé qu'il ferait une dernière tournée avant d'accrocher sa guitare.

Photo : Coup de coeur francophone / Caroline Fabbro

La fin. L’inéluctable fin de la carrière sur scène, tous les artistes qui dénombrent leur parcours en décennies la voient venir de loin. « À quel moment doit-on arrêter? » devient alors la question qui tue.

Certains, et pas les moindres (B.B. King, Aretha Franklin), ne se sont peut-être jamais posé la question ou n’ont pas su y répondre avec les résultats que l’on connaît. D’autres (Paul McCartney, Mick Jagger, Gilles Vigneault) ont réussi à défier le temps et à demeurer à la hauteur de leur légende.

Chaque cas de figure demeure finalement aussi personnel que l’artiste lui-même.

Patrick Norman a pris sa décision. Il cessera bientôt de faire de la scène. Pas tout de suite, mais bientôt. La tournée Si on y allait qui passait vendredi par le Club Soda lors de Coup de cœur francophone sera sa dernière.

L’âge (76 ans), la dextérité qui se fait moins fluide et un désir de mettre un terme aux kilomètres d’asphalte liés aux tournées font partie des raisons qu’il a évoquées afin d’expliquer sa décision.

Pourtant, quand il a mis les pieds sur les planches à 20 h 05, disons qu’il n’avait pas exactement l’air d’un artiste en train de faire un dernier tour de piste, comme le chantait Serge Reggiani. Souriant, mince comme un jeune homme, droit comme un chêne… Pas mal d’hommes présents ont dû se dire que ça serait bien d’avoir une telle allure à 76 berges.

Vous souvenez-nous la dernière fois que je suis venu au Club Soda? Moi non plus, a-t-il lancé aux spectateurs, référence implicite à la pandémie et au report des spectacles de son album Si on y allait qui devait s’amorcer en 2020. En raison de ce délai, nous avons eu droit à quelle chose d’étonnant : à la fois une tournée d’adieu et un survol de carrière, mais aussi le début de quelque chose, soit la présentation au public des nouvelles chansons (ce que Norman fait déjà depuis plusieurs mois).

Pour l’accompagner, le violoniste et claviériste André Proulx, le multiinstrumentiste Jean-Guy Grenier (basse, guitares) et la chanteuse, choriste et artiste de plein droit, Nathalie Lord, qui est aussi son épouse.

Chaleureux et intimiste

D’ordinaire, cinq minutes de présentation et de mise en contexte avant de jouer une seule note s’avère la pire idée qui soit, mais dans ce cadre intimiste avec ce public attentif et conquis d’avance, c’était idéal. Tout le monde savait à quoi s’attendre et était prêt à savourer d’entrée de jeu une Mille après mille délectable.

Reposant sur une instrumentation et des textures riches alliant guitare, basse et violon, le classique popularisé par Willie Lamotte a bénéficié de deux ponts instrumentaux et d’une finale durant laquelle André Proulx a intégré la mélodie de La vie en rose. Une ravissante mise en bouche.

Enchaînement aussitôt avec C’est la saison qui était un succès pour Norman il y a plus de 30 ans. La reprise francophone de Let Your Love Flow des Bellamy Brothers (1976) a eu droit à une introduction à la six cordes du guitariste-chanteur qui n’était pas sans rappeler celle de Listen to the Music, des Doobie Brothers. Ce qu’il y a de magnifique avec des artistes comme Patrick Norman, c’est qu’ils peuvent faire le pont entre plusieurs générations d’artistes et de musiciens.

Il a eu beau dire qu’il n’allait pas parler durant son concert, tous ceux qui le connaissent savent que c’est l’un de ses péchés mignons, tout comme son plaisir patent d’interagir avec la foule. Avant Aiko Aiko et son refrain malléable, Norman planifie les répliques de la foule après un faux départ volontaire. Durant sa mise en contexte de Mon cœur est à toi, il rappelle que la chanson était le succès de l’heure quand il est passé à Jeunesse – période Jacques Salvail –, lors de la Saint-Valentin de 1973, mais durant L’hirondelle, il laisse parler sa guitare avec un solo d’une précision et d’une tonalité exquises.

Patrick Norman joue de la guitare en regardant Nathalie Lord chanter.

Patrick Norman et Nathalie Lord ont une chimie indéniable sur scène.

Photo : Coup de coeur francophone / Caroline Fabbro

Si la complicité entre Norman et les musiciens est évidente, les clins d’œil d’humour, eux, sont télégraphiés. Durant J’ai oublié de vivre (Johnny Hallyday), notamment, le technicien de scène arrive avec l’extincteur quand Norman accélère la rythmique… C’est à ce moment que tu te rappelles qu’il a grandi avec les variétés, le Ed Sullivan Show, Dean Martin. Bon. D’accord. Il a le droit d’être cabotin sur les bords.

Discrète durant la première partie du concert, Nathalie Lord a été grandement mise à l’avant-plan durant la seconde. Ici, on ne parle pas de complicité, mais bien d’osmose. Le couple marié depuis cinq ans est visiblement amoureux fou comme au début. Lord et Norman ont partagé joliment Nous, fort à propos. Puis, la chanteuse a fait une belle reprise de Que Sera Sera avant d’enchaîner en duo avec son mari une N’oublie jamais avec une petite saveur bossa nova à travers les effluves folk. Fort bien, mais pendant un court instant, on a délaissé le terroir des Six heures moins quart.

L’incomparable Renée

Ce n’était qu’une pause dans l’offre musicale avant l’arrivée d’un ange dans la salle par l’entremise du doublé formé par Quand le soleil dit bonjour aux montagnes et Un coin de ciel. Si l’ADISQ a raté son coup de souligner de belle façon le départ de Renée Martel à son gala, Norman et Lord n’ont pas raté le leur. Patrick semblait ému.

Jeune, Yvon Ethier était effacé, invisible et gêné. Son alter ego de Patrick Norman lui a permis de s’épanouir depuis 40 ans. Cette authenticité permet de nos jours à l’artiste d’évoquer sa mère disparue à 101 ans avant une belle interprétation de Perce les nuages, de Paul Daraîche, et d’enchaîner avec la superbe offrande qu’est Elle s’en va. Du bonbon. Émouvant, en plus.

Norman nous rappelle même quelques-uns des artistes et groupes qu’il a vus quand il était jeune. Il fallait, effectivement, être vraiment jeune pour avoir vu à leurs débuts Neil Sedaka, les Platters et les Everly Brothers. Bien mieux, il nous offre leurs succès : O Carol (presque intégrale), Only You (un bout avec participation de la foule) et Walk Right Back (intégrale) avec de savoureuses harmonies vocales en compagnie de Nathalie Lord. Un vrai régal.

Tout pour revenir au country avec La Gibson de mon père, guitare authentique qui a traîné dans la poussière durant des années avant que Norman en reprenne possession afin de composer Quand on est en amour, qu’il a enchaîné et rallongé pour le grand plaisir du public.

Comme le trio de chansons des années 1950 pas annoncé, il y avait une autre rallonge inattendue après l’interprétation de Si on y allait qui devait clore la soirée : On part au soleil. Finalement, Norman, son épouse et ses musiciens ont fracassé les deux heures de spectacle.

Dernière tournée, donc, et pas chiche pour un sou. Si vous avez raté ça, dites-vous qu’au moment d’écrire ces lignes, des concerts sont prévus jusqu’en juin 2023. Mais comme disait Norman lui-même lors de son introduction en début de soirée, parfois, une tournée, avec les supplémentaires ça dure cinq ans.

Il n’ira peut-être pas jusque-là, mais parions qu’il y aura d’autres dates annoncées dans les prochains mois. Et puis, il ne faudrait pas rater cette très belle fin de parcours de celui qui n’a jamais été aussi heureux de sa vie.

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