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ChroniqueRichard Séguin : voyager dans ses lieux à lui

Richard Séguin joue de la guitare et chante sur scène.

Richard Séguin a présenté son nouveau spectacle jeudi soir au Théâtre Outremont.

Photo : Agence Stock Photo / Jean-François LeBlanc

« Félix disait : "Je ne suis pas un chanteur. Je suis un homme qui chante." C’est que je vais faire en chantant la prochaine a cappella. »

Et là, face aux spectatrices et spectateurs médusés – moi, assurément – présents dans le Théâtre Outremont, Richard Séguin a interprété Petit hymne aux Grands Rangs le regard presque pointé vers le ciel, imageant certains mots avec de grands gestes de ses bras. Avec sa crinière désormais plus sel que poivre, son intensité et sa présence, nous avions pratiquement l’impression de voir Vigneault. C’était géant.

Quand il a terminé la chanson – et le premier de deux concerts à Coup de cœur francophone – avec la phrase ces territoires sont notre temple, la salve d’applaudissements a visiblement salué autant la prise de risque de l’interprétation que l’ensemble de la prestation.

Séguin, finalement, nous aura fait voyager dans ses lieux. Référence, ici, au titre de son dernier album, Les liens les lieux.

Des classiques aux nouveautés

S’il n’y a pas de façon de faire uniforme, il n’est pas rare qu’un artiste amorce le concert d’une tournée visant à présenter de nouvelles chansons… avec l’un de ses nouveaux titres. Et, très souvent, plusieurs d’entre eux se font entendre assez tôt durant la soirée.

Séguin a fait complètement l’inverse, comme s’il voulait nous rassasier avant de nous faire découvrir ses nouveaux morceaux, dont certains sont de gros calibre. Premier cheval de bataille : rien de moins que Rester debout. Ce n’était certes pas une première. Il avait commencé son concert du 20 mars 1996 au Spectrum de cette façon. Sauf qu'à l'époque, Rester debout était une toute nouvelle chanson.

Aujourd'hui, dans le contexte du serment au roi d’Angleterre à l’Assemblée nationale, des artistes du Québec francophones essentiellement invisibles sur les plateformes comme Spotify et du déclin du français en général, dieu que cette entrée en matière avait l’air d’une prise de position plutôt que d’une simple décision artistique.

Et il y avait peut-être plusieurs degrés de lectures… Derrière lui et ses musiciens – Simon Godin (guitares), Raphaël D’Amours (banjo, guitare) et Alexis Martin (batterie) –, on pouvait voir se dresser sur l’écran de grands arbres. Au sens propre et au sens figuré, le message était passé.

Ici ou ailleurs

Les lieux, disais-je? Toujours, avec Séguin. Lieux de résidence, lieux d’évasion, lieux de périples… Peu importe, il sait nous amener avec lui en mots et en musique. L’immortelle Sous les cheminées du Pointe-aux-Trembles de son enfance n’a pas pris une ride, tant le sentiment amoureux d’adolescence se perpétue de génération en génération, usines dans le paysage ou pas. La foule a repris le refrain là où Séguin l’a demandé.

Une question de sa petite-fille il y a plusieurs années a amené Séguin à écrire Au bout du temps, une chanson qui porte sur les personnes migrantes, bien avant la plus récente crise. Beau travail rythmique, avec doigté, d’Alexis Martin.

Richard Séguin lève sa guitare dans les airs en regardant au sol.

Le plus récent opus de Richard Séguin, «Les liens les lieux», a été publié le 9 septembre 2022.

Photo : Agence Stock Photo / Jean-François LeBlanc

Les gens, les proches

Parfois, ce ne sont pas que les lieux. Ce sont aussi les gens qui sont au centre des chansons de celui qui a présenté des œuvres réparties sur cinq décennies, soit des années 1980 aux années 2020. Pas banal.

Le paratonnerre familial de Pleure à ma place, dont la beauté mélodique est inversement proportionnelle à la douleur du propos. Tout près des trembles, nouvelle chanson pour sa mère, dont on mesure l’apport à la vie du chanteur dès les premières strophes : C’est grâce à toi, s’il y avait des livres/c’est grâce à toi, le piano du salon. Un classique instantané. Il fallait entendre la densité des applaudissements.

Tantôt, ce sont des questions existentielles drôlement pertinentes que Séguin se pose à travers ses œuvres. Où va l’instant? nous rappelle que nous ne prêtons pas toujours assez attention à ce que l’on nous dit, ce qui n’était vraiment pas le cas hier soir. Qualité d’écoute fabuleuse de la foule. Le chanteur l’a d’ailleurs noté en fin de spectacle.

Il y a aussi la désormais incontournable Qu’est-ce qu’on leur laisse?, que l’artiste a dédiée aux organisatrices du mouvement Mères au front, qui vise à protéger l’avenir climatique de leurs enfants et petits-enfants. Le lien était évident avec l’une des nouvelles compositions, Chemins forestiers, et son ouverture aussi dénonciatrice que lapidaire : Un langage de ministères, tout s’écrase aux quatre ans/L’avenir au cimetière, juste derrière les coupes à blanc. Les lieux, il faut en convenir, ne sont pas toujours laissés en bon état…

Dans une forme resplendissante, en voix et en verve après cinq ans d’absence de la scène, Séguin s’est offert une forme de relecture de Double vie, qu’il n’avait pas jouée sur scène – à Montréal en tout cas – depuis plus de 10 ans. Godin a amorcé la mise en bouche avec une guitare hawaïenne, et D’Amours lui a donné la réplique au banjo. Avec Séguin qui dirigeait le jeu au centre, nous avons peut-être eu droit à la version la plus terroir de ce monument.

Richard Séguin, guitare à la main, sourit à la foule.

Richard Séguin a ouvert le spectacle avec la chanson «Rester debout», comme lors de son concert du 20 mars 1996 au Spectrum.

Photo : Agence Stock Photo / Jean-François LeBlanc

Tranquillement, à mesure que le concert avançait, les chansons archiconnues cédaient la place aux nouveautés. Non seulement le tout était d’une fluidité étonnante, mais on sentait que les spectateurs et spectatrices voulaient autant découvrir les nouvelles compositions sur scène que réentendre les anciennes.

Séguin nous a fait voyager à Kuujjuaq (Besoin du Nord) et il a aussi piqué droit au sud, chez nos voisins américains, pour nous ramener à Jack Kerouac, qui pleurait tout le temps en français, et à L’ange vagabond.

Combien de fois avons-nous entendu cette introduction à l’harmonica qui nous fait toujours frissonner? Encore une fois, la magie a opéré, et la complémentarité du groupe nous a fait – vraiment – vagabonder. Une version à rallonge dont la conclusion a mené à une ovation debout.

Personne n’a eu à se rasseoir, puisque c’était le temps de revivre la Journée d’Amérique, fougueuse et vivifiante au possible, qui me fait toujours autant d’effet qu’en 1988. Un autre lieu, tiens. Montréal et ses ruelles. Rappelez-vous le clip d’antan.

Bonne idée, finalement, de nous ramener en ville avant le rappel. Quand Séguin a conclu la soirée, seul sur scène, sans aucun accompagnement musical, nous savions que le seul lieu où nous voulions être, c’était au Théâtre Outremont.

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