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L’Anishinaabe Gerry Brandon fusionne les cultures dans son restaurant

Lors du passage de l'émission L'épicerie à Haileybury, dans le Nord de l'Ontario, ce restaurateur qui a été victime de la rafle des années 1960 a exprimé le souhait que son restaurant, « L'Autochtone, taverne américaine », soit le reflet de sa vie.

Gerry Brandon, chef et propriétaire du restaurant L'Autochtone, y propose une fusion de cultures.

En 2019, Gerry Brandon avait consciencieusement choisi l'endroit où il allait ouvrir son nouveau restaurant. C'est sur Haileybury, une ville d'un peu plus de 10 000 habitants située sur les berges du lac Témiscamingue, dans le Nord de l'Ontario, qu'il a arrêté son choix. Ici, les cultures autochtone, anglophone et francophone se rencontrent et disposent maintenant d'un lieu qui permet, selon M. Brandon, « une vraie réconciliation ».

Rapidement, durant l'entrevue, il raconte sa naissance dans un hôpital torontois et le fait d'avoir été immédiatement adopté. On est alors en plein cœur de la rafle des années 1960, durant laquelle des milliers d'enfants autochtones ont été volés à leur famille.

Gerry explique dans ses propres mots que la rafle avait été organisée par les divers ordres de gouvernement afin de réussir là où les pensionnats pour Autochtones avaient échoué et, ainsi, de s'assurer que les enfants autochtones puissent s'inclure dans la société blanche.

Son enfance ayant été marquée par la dualité entre ses origines autochtones et la culture transmise par sa famille adoptive, originaire du Nord de l'Ontario, c'est avec le désir d'exprimer cette coexistence identitaire qu'il propose un concept à mi-chemin entre traditions autochtones et urbanité.

La rafle des années 1960 en quelques points

  • Cette rafle est considérée comme un enlèvement à grande échelle d'enfants autochtones pour qu'ils soient adoptés par des familles non autochtones.
  • Elle a principalement eu lieu entre 1951 et les années 1980 un peu partout au pays.
  • Plus de 20 000 enfants autochtones en ont été victimes et plusieurs d'entre eux ont même été envoyés à l'étranger, selon de récentes études.
  • Les autorités de l'époque ont invoqué des raisons sociales pour justifier leurs actions.

Les répercussions sur les victimes de la rafle sont évidemment multiples et profondes. Gerry Brandon, lui, tente de tirer du positif de son histoire en mettant en avant la richesse de l'alimentation traditionnelle autochtone réalisée avec des techniques modernes.

Parti très jeune de la maison, il a vécu durant son adolescence à Haileybury, un endroit qui l'avait toujours attiré par sa beauté et par son emplacement géoculturel particulier, à la tête d'un lac de 90 miles faisant face au Québec et souvent fréquenté par des Anishinaabeg.

Le chef confie qu'il n'était pas prédestiné à une carrière dans la restauration, lui qui, à un certain moment, avait même été hospitalisé pour malnutrition.

Devant l'obligation de se mettre à mieux manger, il a appris à cuisiner et s'est rendu compte qu'il possédait un certain talent en la matière.

Dans les années 1980, c'est au contact d'un mentor, avec qui il voyageait pour son emploi de gestionnaire d'entreprise, qu'il a renforcé son amour de la bonne chère.

Gerry Brandon monte une assiette de bison dans la cuisine du restaurant

La cuisine du chef Gerry Brandon cherche à créer des fusions culturelles mettant en valeur le terroir nord-américain, en utilisant des techniques modernes.

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

C'était un vrai gastronome et il m'emmenait dans de grands restaurants à Chicago, Atlanta et Los Angeles en me disant : "Tu dois essayer ceci et cela, ce bon vin'', etc.

Une citation de Gerry Brandon, chef et propriétaire du restaurant L'Autochtone

La passion suscitée par cette véritable initiation aux subtilités de la gastronomie l'a ensuite mené à prendre la courageuse décision de consacrer sa vie à la cuisine.

Rapidement, sa personnalité obsessive l'a poussé à vouloir fréquenter une des meilleures écoles de cuisine au pays, la Stratford Chefs School. Mais il a rapidement appris qu'une expérience substantielle au sein d'un restaurant réputé était requise.

Il s'est donc tourné vers l'Auberge du Petit Prince, à London, en Ontario, où il a gratuitement offert ses services.

Après quelque temps de conciliation travail/travail, sept jours sur sept (entre son emploi de jour et ses soirées au restaurant), il est finalement parvenu à devenir un des 50 élèves de la cohorte de 1990 choisis parmi plus de 1000 candidats.

Bien que l'éducation culinaire à Stratford durant ces années ait été, selon ses dires, conservatrice et dure, il n'en est pas (trop) amer. Pas question cependant de former sa brigade de cette manière, lui qui mise plutôt sur la compassion.

Être un grand chef, c'est non seulement de bien cuisiner mais d'inspirer les autres à faire de même.

Une citation de Gerry Brandon, chef et propriétaire du restaurant L'Autochtone

Il se dit bien conscient que le fait d'être autochtone, au Canada, affecte son quotidien. Pour lui, il n'est pas suffisant d'être aussi bon que les autres : il se doit de les surpasser pour être reconnu comme un égal par ses pairs.

Une pièce de bison montée sur un poivron et une salade

Le bison, viande mise à l'honneur au restaurant l'Autochtone, en raison de son origine nord-américaine exclusive

Photo : Radio-Canada / L'épicerie

L'objectif du restaurant L'Autochtone, pour cette raison, est d'être le meilleur dans le Nord de l'Ontario et de le demeurer en adaptant continuellement son menu. Cependant, M. Brandon ne peut pas retirer de sa carte les fameux œufs Wendigo, version autochtonisée des œufs farcis. Pareil pour la poutine au bison.

L'impossibilité de s'approvisionner en viandes issues de la chasse l'amène entre autres à proposer des menus qui sortent de ce que les gens considèrent traditionnellement comme de la nourriture autochtone.

Il propose donc des plats qui font rayonner la cuisine millénaire des premiers peuples d'Amérique dans leur ensemble tout en s'assurant de donner une bonne vitrine aux producteurs locaux.

Cette approche lui permet aussi d'ajouter une fonction éducative à son restaurant en sensibilisant par exemple les gens au fait que des pratiques culinaires très répandues comme la cuisine mexicaine tirent leurs origines de techniques autochtones ancestrales.

Les tomates, les pommes de terre, les courges et le maïs sont tous des aliments qui existaient ici avant les premiers contacts avec les colons. Ils sont centraux dans les arts culinaires de plusieurs cultures à travers le monde, mais ils viennent tous d'ici.

Une citation de Gerry Brandon, chef et propriétaire du restaurant L'Autochtone

Bien qu'il adore travailler et favoriser les ingrédients indigènes, il a créé L'Autochtone pour rassembler les trois cultures locales d'Haileybury. Il croit profondément que la vraie réconciliation ne consiste pas à apprendre sur les autres à la télévision mais plutôt à s'asseoir tous ensemble, à créer un contact humain et à partager un repas, symbole universel de fraternité.

Avec les informations de Gildas Meneu, journaliste à l'émission L'épicerie

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