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ArchivesQui a tué France Alain?

France Alain, souriant timidement.

France Alain, 21 ans, a été assassinée le 25 octobre 1982 tout près de son appartement situé à proximité du campus de l'Université Laval, à Sainte-Foy.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le 25 octobre 1982, la jeune étudiante France Alain est abattue à bout portant près du campus de l’Université Laval alors qu’elle rentre chez elle. Ce meurtre sordide ne sera jamais résolu, mais il mènera à tout un dérapage judiciaire avec l’arrestation de son ex-ami de cœur Benoît Proulx.

À l’automne 1982, France Alain entame sa troisième année en génie électrique à l’Université Laval. Elle partage un appartement sur la rue Chapdelaine à Sainte-Foy avec son frère Bertrand et deux autres colocataires.

À la fin de l’été, son petit ami Benoit Proulx a rompu avec elle. Ce dernier travaille comme journaliste à la station de radio CHRC tout près chez elle.

Le soir du 25 octobre 1982, France Alain sort faire quelques achats au dépanneur du coin pour prendre une pause de son étude. En s’y rendant, elle croise son frère ainsi que quelques autres témoins qui se rappellent l’avoir vue sur ce court trajet menant au chemin Sainte-Foy.

Aucun témoin n’assiste au coup de feu à l’intersection des rues Chapdelaine et Belmont, mais plusieurs entendent un bruit retentissant. Quinze minutes à peine après être sortie de chez elle, France Alain est retrouvée gisant sur le bord du trottoir, près du contenu de son sac de commissions étalé sur le sol.

L’étudiante de 21 ans meurt dans l’ambulance qui la transporte à l’hôpital, sans être en mesure de prononcer un mot. S’enclenche alors la plus grande saga judiciaire qu’ait connue la région de Québec.

Contrechamp, 26 octobre 1983

L’affaire France Alain fait l’objet d’un reportage en profondeur à l’émission Contrechamp du 26 octobre 1983. Une enquête relatée par la journaliste Anne-Marie Dussault qui lui vaudra le prix Judith-Jasmin en journalisme télévisuel.

Ça fait un an, le meurtrier court toujours, et pour les parents, c'est un anniversaire douloureux parce qu'ils veulent savoir pourquoi leur fille a été assassinée.

Une citation de L'animatrice Anne-Marie Dussault

Ce reportage marque une première pour cette émission d’affaires publiques. La journaliste parvient à s’entretenir avec trois des quatre enquêteurs du Service de police de la Ville de Sainte-Foy qui travaillent sur cette affaire non résolue, sans pourtant être close.

S’ils ont accepté de parler, explique Anne-Marie Dussault, c’est que leur enquête est sans résultat probant.

Un an après la mort de France Alain, aucun suspect n’a pu être identifié et aucun témoin de ce meurtre en pleine rue un soir de semaine ne s’est manifesté. Il n’y a pas de mobile apparent.

Comme seul indice, les policiers ont retrouvé sur la scène du crime des bourres de balle correspondant à une arme de calibre 12.

Un homme est debout avec un fusil de chasse emballé à côté d'un corps qui gît sur le bord du trottoir où est étalé un sac de provisions.

Le reportage de l'émission « Contrechamp » présente une reconstitution du meurtre de France Alain aux téléspectateurs.

Photo : Radio-Canada

Pour tenter de comprendre les circonstances du tragique événement, Anne-Marie Dussault en propose une reconstitution aux téléspectateurs.

Entre ses mains, elle prend un fusil de chasse qui correspond au calibre 12 et en teste le tir sur un poteau de bois. C’est une arme de recul qu’il faut savoir manier, précise le policier Michel Gauvin. Le meurtrier a sans doute tiré de cette arme puissante à environ huit pieds de la victime.

Le meurtre de France Alain n'est pas résolu. Jusqu'à maintenant donc, c'est un crime presque parfait. Et un cas rare parce que le meurtre fait partie des crimes les plus solutionnés.

Une citation de L'animatrice Anne-Marie Dussault

Il faut admettre que ce meurtre serait aussi difficile à résoudre pour les Kojak, Maigret, Columbo, Quincy et tous les autres, souligne la journaliste. Eux, en moins d’une heure, ils arrêtent le coupable, mais dans la réalité, une affaire de meurtre, c'est plus compliqué.

Le reportage de l'émission Contrechamp émet trois hypothèses sur le meurtrier. Il pourrait s’agir d’un fou décidé à tuer pour tuer, d’un tueur à gages qui a fait erreur sur la personne ou encore d’une personne troublée qui entretenait avec France Alain une relation qui s’est dégradée et qui s'est sentie obligée de la tuer pour régler son problème.

Il y a toujours un lien, croit le psychiatre Bruno Cormier interrogé dans le cadre de cette enquête journalistique. Il n’y a pas de meurtre sans mobile, mais la relation peut n'exister que dans la tête du meurtrier.

Pour la famille, il est difficile d’envisager la possibilité que le meurtrier soit un individu de son entourage. Les gens ont peur de parler, soutient plutôt son père sur l’absence de témoin et d’indices.

Carte postale avec cachet de la poste adressé à l'émission « Contrechamp » avec un court texte proposant que France Alain ait été tuée par son amant.

Après la diffusion du reportage, des téléspectateurs transmettent par courrier leurs hypothèses sur le meurtre de France Alain à l'équipe de « Contrechamp ».

Photo : Radio-Canada

Après avoir interrogé plus de 400 personnes et avoir soumis une dizaine de suspects sérieux au polygraphe, les policiers de Sainte-Foy croient pouvoir arriver à un dénouement sous peu.

Je veux savoir pourquoi parce que France était trop bonne et trop généreuse pour qu'une telle chose lui arrive, exprime la mère de France Alain, implorant le meurtrier de se livrer.

Si on vous a raconté cette histoire, c'est un peu pour éviter qu'elle ne tombe dans l'oubli, déclare l’animatrice Anne-Marie Dussault en conclusion de son reportage en 1983. C'est un peu avec l'espoir que le meurtrier avoue, que des témoins se manifestent et que vous, qui savez peut-être quelque chose, puissiez le dire.

Benoît Proulx, suspect de l’enquête et victime de la radio poubelle

Photo de Benoît Groulx sur une pile de journaux.

Montréal ce soir, 21 mars 1991

Photo : Radio-Canada

Plus de huit ans plus tard, l’enquête criminelle sur la mort de France Alain connaît un rebondissement spectaculaire, nous montre ce reportage au bulletin de nouvelles Montréal ce soir du 21 mars 1991.

À la suite de révélations d’un nouveau témoin, le journaliste Benoit Proulx est arrêté. L’ex-ami de cœur de France Alain avait été interrogé par les policiers dans les semaines suivant le meurtre, mais rien ne pouvait mener à des accusations.

Or, un témoin affirme maintenant avoir croisé Benoit Proulx dans la rue le soir du meurtre, alors que le journaliste devait se trouver dans la salle de nouvelles de la station de radio CHRC.

La preuve va révéler que c'était un crime prémédité, annonce le procureur de la couronne Robert Parrot. Lorsqu’un individu part avec une arme à feu pour aller descendre une personne au coin d'une rue, on peut bien sûr présumer qu'il y a une préméditation ou une certaine forme de préméditation.

Pourquoi un témoin se manifeste-t-il maintenant et après tout le battage médiatique qu’il y a eu autour de cette affaire? C’est la question que se pose l’avocat de Benoît Proulx qui met en doute la solidité de ce nouveau témoignage.

Au moment où tombe cette accusation, Benoît Proulx s'apprête à déposer une poursuite pour libelle diffamatoire contre son collègue animateur André Arthur et le détective John Tardif.

Sur les ondes de la radio CHRC, ces derniers ont associé son nom au meurtre de France Alain, mentionne la journaliste Josée Thibeault. Ex-enquêteur sur le dossier, John Tardif est aussi celui qui a fait sortir le nouveau témoin.

L'animateur André Arthur à son micro dans un studio radio.

Montréal ce soir, 12 octobre 1991

Photo : Radio-Canada

La journaliste Josée Thibeault suit pour Radio-Canada le procès pour meurtre de Benoît Proulx qui intrigue et fascine la population québécoise.

Depuis deux semaines, la foule se presse aux portes de la grande salle du palais de justice de Québec pour ne rien manquer, rapporte la journaliste au Montréal ce soir du 12 octobre 1991.

Les médias font aussi leurs choux gras de cette affaire qui implique indirectement l’animateur vedette André Arthur, bien connu pour son style de radio toxique.

Trois ans plus tôt, Benoit Proulx avait pourtant été blanchi de tout soupçon par l’enquête du coroner qui avait suivi celle des policiers de Sainte-Foy. On n’avait pas retenu l’hypothèse voulant que le journaliste ait eu le temps et les motifs pour quitter son travail le soir du meurtre et aller attendre France Alain à deux coins de rue de la station de radio afin de la tuer, relate Josée Thibeault.

Le nouveau témoin Paul-Henri Paquet – qui a reconnu les yeux de Benoit Proulx en feuilletant le Journal de Québec en 1991 – vient toutefois faire pencher la balance.

Au terme de ce procès de six semaines, Benoît Proulx sera condamné par un jury pour le meurtre de France Alain.

Montréal ce soir, 20 août 1992

Le journaliste Benoit Proulx de Québec vient d'être acquitté du meurtre qui pesait contre lui relativement à la mort de son ex-compagne France Alain assassinée en octobre 1982 à Sainte-Foy.

Une citation de L’animateur Claude Desbiens

Le 20 août 1992, la Cour d’appel du Québec infirme le verdict de culpabilité prononcé par le jury de la Cour supérieure, comme l’annonce l’animateur Claude Desbiens au bulletin de nouvelles Montréal ce soir.

Dans un jugement unanime, les trois juges de la Cour d’appel décident d’acquitter Benoit Proulx pour trois raisons, détaille la journaliste Josée Thibeault dans son reportage.

Premièrement, le verdict repose sur des éléments de preuve que le juge n’aurait pas dû admettre durant le procès. Deuxièmement, la preuve d'identification oculaire et le mobile qui aurait mené Benoît Proulx à vouloir tuer France Alain ont fait l'objet de directives inadéquates. Et finalement, on peut avoir un doute raisonnable quant au fait que le nouveau témoin dans cette histoire aurait réellement vu Benoît Proulx sur les lieux du crime le soir du 25 octobre 1982.

Des termes durs pour le tribunal de première instance et pour le travail des policiers qui semblent avoir bâclé leur enquête, souligne la journaliste.

Très ému, Benoît Proulx déclare à la presse que justice a été faite, bien que cet acquittement aurait dû être prononcé le 10 novembre 1991 à l’issue de son premier procès.

En 2001, il obtiendra une indemnisation du gouvernement du Québec après avoir porté sa cause devant la Cour suprême du Canada.

Malgré quelques autres pistes évoquées, mais jamais validées, le meurtre de France Alain, cette jeune étudiante prometteuse en génie, n’a pas été élucidé à ce jour. Quarante ans plus tard, l’enquête demeure ouverte.

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